Cinéphile m'était conté ...

Cinéphile m'était conté ...

Festival


Vu à Alès (8)

En attendant la nuit de Céline Rouzet

Céline Rouzet, la réalisatrice d'En attendant la nuit, ne s'en cache pas : son premier long-métrage de fiction est inspiré par son vécu, un drame passé qui l'a touchée au plus près. En choisissant comme personnage central un vampire d'aujourd'hui, elle parle tout simplement de la différence ou du handicap, tout en l'intégrant à un contexte familial protecteur, autrement dit les liens du sang, dans une double acception. De ce point de vue-là, le film fonctionne plutôt bien avec une interprétation convaincante, à commencer par celle du débutant Mathias Legoût Hammond. Mais à son aspect de cinéma de genre, la réalisatrice ajoute de nombreux éléments habituels des Teen Movies, qui servent de déclencheur de situations dangereuses mais qui, dans le même temps, atténuent quelque peu la force de frappe du récit. Le mélange des genres est en soi un risque et il faut une certaine maturité pour le maîtriser, y compris dans des dialogues pas assez mordants et qui constituent très vraisemblablement le principal point faible d'En attendant la nuit. Mais les défauts du film et notamment son incapacité à passer la vitesse supérieure ne doivent pas masquer, même si cela peut paraître paradoxal, ce qu'il y a de prometteur dans la mise en scène et l'écriture de Céline Rouzet, pour qui ce film était une occasion de se faire les dents.

 

En boucle de Junta Yamaguchi

C'est à croire que le thème des boucles temporelles devient une spécialité japonaise, puisqu'après Comme un lundi, le judicieusement nommé "En boucle" s'amuse de nouveau avec un phénomène qui, pour corser l'affaire, intervient cette fois-ci toutes les deux minutes, comme si le temps butait sans cesse sur un obstacle invisible. Un véritable exercice de style, mis en images par Junta Yamaguchi, en un lieu unique, une auberge de campagne au plus profond du Japon. Un film, basé sur la répétition, qui réussit à ne pas lasser mais qui, au contraire, surprend sans arrêt par son inventivité et son sens de l'absurde, le pari insensé est relevé haut la main, en dépit de quelques chutes de tension compréhensibles. Le jeu des comédiens, passablement outré, convient parfaitement à ce petit théâtre de l'insolite, avec des personnages plus ou moins azimutés auxquels on s'attache forcément car l'on compatit de les voir ainsi coincés dans ces deux minutes qui se répètent à l'infini. La résolution finale de ce mystère est énorme mais nullement dérangeante car appartenant à un état d'esprit malicieux et ludique. L'idée de départ pourrait d'ailleurs être reprise avec de nouvelles variations et l'on serait vraiment curieux de voir ce qu'un réalisateur français, un Hazanavicius, par exemple, pourrait tirer d'un tel argument.

 


01/04/2024
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Vu à Alès (7)

Dissidente de Pier-Philippe Chevigny

Si le premier long-métrage de Pier-Philippe Chevigny a changé de titre en traversant l'Atlantique, de Richelieu, au Québec à Dissidente , en France, il n'en a pas perdu pour autant sa puissance de feu pour démonter les mécanismes d'un capitalisme qui bafoue au final toute dignité humaine. Un patron français met ici la pression sur le responsable d'une usine québecoise qui n'a d'autre réponse que celle d'exploiter des ouvriers guatémaltèques, dans des conditions de travail exécrables, pour des salaires de misère. L'intelligence du récit de Dissidente vient du choix de son personnage principal, une jeune femme, elle-même aux abois financièrement, traductrice en espagnol et donc chargée de transmettre les instructions d'une directeur d'usine sans scrupules. Un véritable dilemme pour cette héroïne qui n'a pas nécessairement l'âme d'une lanceuse d'alerte mais qui ne peut rester insensible à l'injustice et au statut d'esclaves modernes et invisibles des travailleurs d'Amérique centrale. Ariane Castellanos est pour beaucoup dans la force de frappe de Dissidente, avec son interprétation viscérale qui rappelle celle des meilleures actrices des films de Ken Loach ou des frères Dardenne. Avec en contrepoint la prestation remarquable d'un acteur québécois plus familier, Marc-André Grondin, parfait en salaud de patron.

 

La Mélancolie de Takuya Katô

Le choix de donner au film de Takuya Katô le titre de La Mélancolie va sans doute apparaître comme peu évidente à beaucoup de spectateurs qui trouveront, à juste titre, que celui-ci ne saurait résumer les états d'âme de son héroïne, après la mort de son amant. En même temps, comment résumer avec un seul mot les sentiments de la susdite ? Le film est proche du minimalisme pour conter une histoire de deuil et de vie conjugale pour sa principale protagoniste. Avec un adultère de contrastes, le récit est avant tout psychologique et très intime mais il n'est évidemment pas interdit d'y voir une réflexion sur la société japonaise dans son entièreté, au sein de laquelle la retenue dans les sentiments est censée faire partie des codes. Un peu lancinant et pas toujours captivant dans ses partis-pris narratifs, en dépit du talent de son actrice principale et de l'attachement qu'elle parvient à susciter, La Mélancolie ne cherche pas à s'extraire d'une certaine banalité du quotidien, y compris dans la vie de couple, mais réussit tout de même à maintenir un possible intérêt de par l'élégance de sa mise en scène et de tout ce qu'il incite à voir, au-delà de ses images. Ce n'est cependant pas l'assurance de trouver dans le film de quoi vraiment s'enflammer.

 

Une autre vie que la mienne de Malgorzata Szumowska et Michal Englert

Une autre vie que la mienne est une véritable fresque qui s'étend sur plus de 40 ans d'histoire polonaise mais les événements politiques et sociaux ne sont qu'une toile de fond pour raconter une aventure intime, celle d'une personne née dans un corps d'homme et qui s'est toujours sentie femme. Dans ce corps étranger, Andrzej/Aniela se conforme d'abord à ce que la société attend de lui avant de ne plus pouvoir refuser les étapes de la transition. Le chemin est douloureux mais les réalisateurs, Malgorzata Szumowska et Michal Englert ont aussi voulu le rendre lumineux, avec une mise en scène parfois virevoltante et un récit qui, sans nier les difficultés et oppositions à un tel parcours, fait preuve d'une bienveillance constante, en restant au plus près de son personnage principal dans ses différentes épreuves. Jamais le film ne fait de chantage à l'émotion et joue avec pudeur sur les relations entre Andrzej/Aniela et sa femme, complexes et évolutives, et avec une famille déboussolée. Dans une Pologne où la liberté n'existe toujours pas pour la communauté LGBTQ, le message d'Une autre vie que la mienne est bien entendu capital mais le film, passionnant de bout en bout, ne mérite surtout pas d'être cantonné à cela. Il s'agit bel et bien d'un mélodrame rayonnant dans lequel Malgorzata Hajewska et Joanna Kulig sont absolument formidables.

 


31/03/2024
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Vu à Alès (6)

Dieu est une femme de Andrés Peyrot

Au vu de son synopsis, Dieu est une femme semblait receler plusieurs films en un, de façon très alléchante. Tout d'abord, il y a l'histoire de ce film tourné en 1975 par Pierre-Dominique Gaisseau, au sein du peuple Kuna, au Panama, documentaire apparemment perdu sans jamais avoir été montré. Ensuite, la vie de cette communauté matriarcale intrigue forcément et sa confrontation avec la modernité, d'autant plus. Enfin, il y a lieu aussi de s'interroger sur la valeur des films "ethnographiques" réalisés au siècle dernier, avec une approche que l'on peut tout aussi bien qualifier d'exotique pour susciter les frissons des occidentaux. Malheureusement, le film d'Andrés Peyot réussit à ne traiter aucun de ces sujets ou, disons-le autrement, il s'en sert pour une réflexion assez ennuyeuse et confuse qui se voudrait très certainement un hommage au mode de vie des Kunas mais qui reste noyé dans des images mélangées de 1975 et d'aujourd'hui, sans se donner la peine d'une narration cohérente. Malgré quelques passages émouvants, Dieu est une femme ressemble davantage à un brouillon qui pêche par une ambition malvenue, alors qu'il aurait été si simple de raconter cette histoire étonnante avec la plus grande clarté possible.

 

Colocs de choc de Elodie Lélu

Parler de la maladie d'Alzheimer avec, sinon légèreté, du moins fantaisie, vous pouvez compter sur le cinéma belge pour relever le défi. A l'instar du très drôle La vie démente, Colocs de choc, qui porte le titre de Rétro Therapy outre-Quiévrain, est bien davantage une comédie qu'un drame, une histoire en partie autobiographique pour sa réalisatrice, Élodie Lélu, qui a donc choisi un sujet très personnel, pour son premier long-métrage de fiction. C'est un récit qui raconte moins une sénescence qu'une renaissance, mettant en parallèle et en symbiose les chemins de vie d'une adolescente et de sa grand-mère, avec une transmission de valeurs identitaires et féministes au programme. Colocs de choc n'est cependant pas un film militant, il montre surtout de la tendresse pour l'ensemble de ses personnages et réussit à susciter une vive émotion, sans la rechercher systématiquement. A écriture précise et mise en scène sans chichis répond une interprétation largement au-dessus de la moyenne, avec une Hélène Vincent meilleure que jamais et un Olivier Gourmet toujours aussi bon. Déjà chevronnée, malgré son jeune âge, Fantine Harduin, la native de Mouscron, crève littéralement l'écran dans un rôle complexe dont l'essence ne cesse d'évoluer au fil des minutes.

 

Amal, un esprit libre de Jawal Rhalib

Aux dires de son réalisateur, Jawal Rhalib, Amal-Un esprit libre n'a pas suscité de polémique majeure, lors de sa sortie en février, en Belgique, en dépit de son caractère hautement inflammable. Mais il a été l'objet de débats animés, sur les réseaux sociaux et ailleurs, c'était bien le moins, et devrait permettre de faire évoluer les cours de religion à l'école qui ne devraient bientôt être qu'optionnels à l'école, à partir de septembre 2024. Amal, l'héroïne du film, est une enseignante qui ne s'en laisse pas conter et se bat contre l'intolérance becs et ongles. Un véritable petit soldat qui est la porte-parole d'un cinéaste qui a voulu s'adresser à la "majorité silencieuse musulmane." Le film est radical et n'est pas loin de se heurter à certains stéréotypes, dans sa volonté farouche de démontrer que l'école, en Belgique, est peu ou prou infiltrée par les Islamistes. Le sujet reste évidemment sensible et Jawal Rhalib ne prend pas de gants pour dénoncer, quitte à parfois oublier certaines nuances dans son réquisitoire car peu lui chaut de mettre le feu aux poudres, semble t-il. Lubna Azabal est assez hallucinante dans le rôle d'Amal, totalement investie et visiblement sans concessions dans son combat pour le respect de la liberté de chacun et de chacune, y compris dans le domaine de la sexualité.

 


30/03/2024
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Vu à Alès (5)

 

Hopeless de Kim Chang-hoon

Fut un temps, pas si lointain, où chaque thriller coréen semblait pratiquer une surenchère de violence par rapport à ceux qui l'avait précédé. On a ainsi atteint un certain niveau au-delà duquel il n'était plus possible d'aller. Hopeless, dans ses moments les plus extrêmes, montre quelques velléités d'épater la galerie en ce sens, une manière de montrer sa radicalité jusqu'au bout des ongles, c'est le cas de le dire. Mais le film, outre son récit d'un apprentissage mafieux assez classique pour un novice, a d'autres atouts, humains, dans la manche. Ainsi, cette relation entre demis frère et sœur, qui ne manque pas de sel, ou entre le voyou débutant et son chef, qui ne manque pas de piment, ni surtout d’ambiguïté. Et puis, globalement, les rapports fils-père dysfonctionnent sérieusement et alimentent le destin erratique des premiers. C'est cet aspect "social" que l'on retiendra en priorité du premier long-métrage de Kim Chang-hoon, qui n'est jamais meilleur que quand il cesse de rivaliser dans l'agressivité avec des compatriotes réalisateurs qui eux n'ont plus à faire leurs preuves. Il y a certainement du potentiel chez ce nouveau cinéaste mais il convient d'attendre la suite pour juger s'il peut imposer une véritable personnalité ou s'il n'est qu'un faiseur raisonnablement doué.

 

Il pleut dans la maison de Paloma Sermon-Daï

Paloma Sermon-Daï, la réalisatrice de Il pleut dans la maison, connaît bien le petit coin de Wallonie où se déroule son film. Surtout au beau milieu de l'été, caniculaire (malheureusement, on ne ressent qu'assez peu cette grande chaleur à l'écran). Un frère et une sœur se débrouillent tant bien que mal en l'absence d'une mère volatile et le long-métrage nous les montre à la fois seul(e) ou ensemble, dans une continuité de scènes impressionnistes qui ne parviennent que difficilement à passionner, eu égard à ce qu'on a pu voir dans le passé au cinéma sur le même thème. La réalisatrice, qui ne se réclame pas du cinéma social belge et qui avoue plutôt son goût pour le cinéma indépendant américain, s'appuie beaucoup sur ses deux personnages principaux, adolescents qui ont gardé leur prénom de la vie réelle et qui se connaissent bien puisque demi frère et sœur, mais on ne peut pas dire, en revanche, qu'elle réussisse à donner vie aux rôles (très) secondaires, dont la mère, qui ne fait que passer sans laisser une quelconque impression. La sincérité de la cinéaste n'est pas en cause mais sa volonté de montrer le contraste entre l'insouciance d'une zone touristique et la précarité du monde autour n'est pas tout à fait à la hauteur de ses ambitions.

 

Borderline de Juan Sebastián Vásquez et Alejandro Rojas

D'origine vénézuélienne mais installés depuis plusieurs années à Barcelone, les réalisateurs de Border Line ("traduction" française de Upon Entry), Alejandro Rojas et Juan Sebastián Vasquez, ont puisé dans leur propres expériences pour l'écriture de leur film, au plus près de situations vécues par bon nombre d'étrangers débarquant aux États-Unis. La tension et le suspense de Border Line vont croissant alors que la police américaine des frontières soumet un jeune couple à un interrogatoire de plus en plus intrusif, dans un huis-clos oppressant. Ce pourrait être une pièce de théâtre, puisqu'il s'agit d'un huis-clos et d'une action qui progresse exclusivement grâce à ses dialogues. Le film, à certains moments, n'est pas loin de la comédie noire, avec le côté absurde des questions posées mais il a aussi l'intelligence de nous faire nous interroger sur la sincérité des migrants en puissance. Mais Border Line questionne avant tout sur la liberté de chacun à se déplacer et à changer de vie, une possibilité qui sera vue différemment selon que vous soyez de telle ou telle nationalité (en l'occurrence, espagnole ou vénézuélienne). Et dans l'aéroport de l'angoisse, une ou deux personnes ont le pouvoir, arbitraire, de décider si oui ou non, vous allez en avoir l'autorisation.

 


28/03/2024
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Vu à Alès (4)

 

Un jeune chaman de Likhagvadulam Purev-Ochir

Sur le thème de : comment vivre son adolescence et envisager l'avenir à Oulan-Bator, Un jeune chaman complète et se différencie du récent Si seulement je pouvais hiberner. Le premier film de Lkhagvadulam Purev-Ochir trace le portrait de Zé, lycéen de 17 ans, dans son activité très particulière de chamane, pour lequel il endosse la personnalité de "grand-père esprit" aux yeux des autres. Une double vie, symbole d'une Mongolie en pleine révolution, entre tradition et modernité, comme le veut le cliché, dans un pays où le nomadisme pastoral disparaît peu à peu au profit d'une sédentarisation périurbaine synonyme de précarité. Le long-métrage évoque l'éducation (rigoriste, voir une scène de classe saisissante), l'ostracisme, l'alcoolisme et l'exil, entre autres thèmes marquants. Le film laisse souvent le champ libre au spectateur, privilégiant les ellipses et les interprétations possibles, sans pour autant paraître nébuleux ou opaque, au gré d'un rythme lancinant qui fascine et emporte entre réalisme et onirisme. Ce ne sont pas les grands espaces qui sont montrés, avec une grande sensibilité, dans Un jeune chaman, mais bien les frontières des possibles pour une génération entière aux prises avec les injonctions d'une société et les incertitudes du futur.

 

Niagara de Guillaume Lambert

Niagara -rien à voir avec le célèbre film de Henry Hathaway, avec Marilyn- est constitué en grande partie d'un road trip où deux frères vont en rejoindre un troisième, à la suite de la mort de leur père. Le deuil, au cinéma, est souvent prétexte à décrire les retrouvailles de familles éclatées et le film de Guillaume Lambert ne fait pas exception à la règle, y ajoutant quelques rencontres pittoresques, en route vers les funérailles. L'on retrouve, peu ou prou, le goût du cinéma québecois pour manier l'absurde, la mélancolie, l'humour et la tendresse, dans un cocktail que l'on qualifiera ici de pas désagréable du tout mais nullement flamboyant, non plus. La faute à un faux rythme, à un sujet qui s'étiole progressivement, à une interprétation un peu neutre et à des dialogues moins brillants qu'espéré. Niagara est un film en demi-teinte, qui hésite peut-être entre plusieurs directions et qui est surtout victime du manque d'envergure de ses personnages, les 3 rôles principaux étant masculins. D'ailleurs, le film s'anime et devient meilleur dès qu'une femme apparaît et vient quelque peu bousculer l'univers un peu tristounet de ces trois frères aux caractères dissemblables dont le point commun semble être une certaine fadeur.

 

Le mal n'existe pas de Ryûsuke Hamaguchi

Dans Le mal n'existe pas, alors même qu'il ne s'agit sans doute pas de son long-métrage le plus excitant, Ryûsuke Hamaguchi parvient à une sorte de maîtrise comparable à celle de Zviaguintsev, Mungiu ou Ceylan, à leur zénith. Le cinéaste japonais nous impose la patience dans des premières scènes contemplatives qui prendront une autre dimension dans la dernière partie du film et nous apprend, d'une certaine manière, qu'avec des "si", on coupe du bois. Plus concrètement, Le mal n'existe pas confronte deux manières d'envisager le temps et, partant, deux philosophies de vie, d'une part agitée et pragmatique, en milieu urbain, d'autre part naturelle et sensée, à la campagne. Une version nouvelle du rat des villes et du,rat des champs, subtile, poétique, mystérieuse, voire même opaque dans le dénouement déconcertant du film. Aucune scène, aussi longue soit-elle, n'y est gratuite, et un humour léger accompagne ce voyage en des terres qui semblent bien incongrues aux habitants de la capitale japonaise, sidérés par la connexion des ruraux à un rythme d'existence qui dépasse leur entendement. Le mal n'existe pas a des allures de fable, parfois insaisissable et toujours inattendue, qui confirme l'importance de Hamaguchi dans une caste assez réduite de réalisateurs contemporains qui poursuivent leur route en toute indépendance, sans pour autant ignorer le monde tel qu'il évolue et sur lequel ils jettent un regard ironique et quelque peu malicieux.

 


27/03/2024
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Vu à Alès (3)

Pas de vagues de Teddy Lussi-Modeste

Pour écrire Pas de vagues, Teddy Lussi-Modeste s'est inspiré de sa propre expérience d'enseignant, accompagné par Audrey Diwan qui lui a sans doute apporté le recul nécessaire pour que son vécu devienne une fiction réaliste. L'histoire, celle d'un problème de classe dans un collège "difficile", est vue presque uniquement à travers le prisme d'un professeur aux prises avec une accusation injuste devenue une spirale agressive et inextricable. Le sujet, dans l'air du temps, est plus qu'intéressant et même si la mise en scène manque d'éclat, loin de celle de La salle des profs, au sujet voisin, la violence des réactions et des échanges maintient une tension continuelle qui ne s'évacue pas avec la scène finale, saisissante. C'est l'occasion d'évoquer le sacerdoce du métier de professeur, encore plus éprouvant pour un idéaliste dont chaque maladresse est exploitée, ou encore la lâcheté d'une administration soumise à la pression d'un vivre ensemble de plus en plus semé d'embûches, entre enseignants, élèves et parents, d'autant plus si le contexte social s'avère explosif. Pas de vagues expose un cas d'école de manière directe, laissant flotter pas mal d’ambiguïtés sur les comportements de ses différents protagonistes. François Civil régénère son image de beau gosse avec ce rôle complexe et s'accorde bien avec une interprétation globalement satisfaisante qui fait en partie oublier le manque d'ambition de la réalisation.

 

Nous les Leroy de Florent Bernard

Ce serait bien malheureux si Nous, les Leroy ne parvenait pas à trouver son public, qui devrait être très large, mais la sanction paraît peu probable. S'il est hors de question de considérer le film comme un chef d’œuvre et si la mise en scène y semble avant tout fonctionnelle et parfois un peu pataude, à quoi bon faire la fine bouche devant une écriture joliment équilibrée entre humour, tendresse, cruauté et émotion, pour aboutir à une comédie douce-amère, sur un sujet, la séparation, pas si simple à traiter si l'on veut donner la parole équitablement aux personnes concernées, les parents, et aux victime des dégâts collatéraux, les enfants. Nous, les Leroy est avant tout très amusant, n'hésitant pas à s'aventurer dans le mauvais goût, sans pour autant y patauger. En privilégiant la force du rire, le film a ensuite toute latitude pour baisser d'un ton et introduire des éléments moins joyeux et réalistes, sans glisser sur la pente du mélodrame puisque ce n'est pas le projet, et en rendant tous les membres d'une même famille sympathiques, y compris quand leurs gros défauts sont passés au tamis de la compréhension bienveillante. Outre José Garcia, très efficace dans une partition cependant attendue, c'est Charlotte Gainsbourg qui étincelle, elle dont l'ingénue drôlerie a rarement été aussi bien exploitée au cinéma.

 

Quelques jours pas plus de Julie Navarro

On le voir venir de loin ce personnage de journaliste rock, désabusé et cynique, qui va progressivement s'ouvrir aux autres. Au commencement de Quelques jours pas plus se trouve un roman intitulé 'De l’influence du lancer de minibar sur l’engagement humanitaire" dont l'adaptation s'est fondée sur une grande fidélité mais aussi une accentuation du côté social, avec un travail quasi documentaire sur le quotidien stressant de membres d'associations dédiées à l'aide aux migrants. Un monde qui n'a évidemment rien à voir avec celui du journaliste égocentrique évoqué plus haut et dont le dessillement face à ce que représente l'engagement est un excellent vecteur de comédie et d'émotion, selon un dosage à bien peaufiner. Quelques jours pas plus est un film sincère et bienveillant qui ne nous prend jamais en otage mais dont la facture visuelle et même l'écriture semblent quelque peu manquer d'audace et d'inventivité, à l'aune, hélas, de beaucoup de films français lestés d'un grand poids social, Généreux mais sans éclat, le film pourtant dans sa manche un atout majeur, peut-être pas suffisamment exploité, à savoir l'alchimie naturelle qui se dégage entre Camille Cottin et Benjamin Biolay, ce dernier, très brillant, s'étant visiblement inspiré avec gourmandise de certains critiques rock bien réels.

 


25/03/2024
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Vu à Alès (2)

 

Le jeu de la reine de Karim Aïnouz

Qu'est-ce qui a motivé la décision du cinéaste brésilien Karim Aïnouz, au faîte de son talent avec le splendide La Vie invisible d'Eurídice Gusmão, pour tourner Le jeu de la reine, a priori bien loin de son univers, avec une première incursion en langue anglaise ? Le sujet, sans doute, avec l'évocation de la vie de Catherine Parr, la sixième et dernière épouse de Henri VIII. Il est vrai que le personnage est intéressant, rebelle et intelligent, une véritable joueuse d'échecs, dans une Angleterre soumise à de graves désordres, à commencer par une grande crise religieuse dans laquelle la reine avance ses pions, avec une subtilité indéniable. Au-delà des résonances avec notre époque et son caractère féministe affirmé, Le jeu de la reine recherche l'authenticité et le naturalisme dans le portrait de la cour d'Angleterre et de ses intrigues, avec une certaine élégance de trait. Il manque toutefois un peu de flamme, on n'ose dire de flamboyance, pour que le long-métrage sorte du cadre académique du film à costumes qui le rend parfois ennuyeux. Alicia Vikander fait toutefois preuve d'une belle présence dans le rôle central tandis que Jude Law, parfaitement méconnaissable, a davantage de mal à personnifier cet ogre de Henri VIII, au crépuscule de son existence, malade, atrabilaire et inconstant, autrement que d'une manière plutôt convenue.

 

Paradise is burning de Mika Gustafson

Elles sont trois sœurs suédoises, âgées de 7 à 16 ans, abandonnées (provisoirement ?) par leur mère et sans père à l'horizon. Avec une visite des services sociaux qui s'annonce à brève échéance. Voilà pour les éléments fondamentaux de Paradise is burning mais sa réalisatrice, Mika Gustafson, précise toujours dans ses interviews qu'il s'agissait moins pour elle de "raconter que de montrer." Et montrer quoi ? Une aînée débrouillarde et deux fillettes décidées à ne pas s'en laisser conter par les galères du quotidien, quitte à user de filouterie, quand les circonstances l'exigent. Dans son côté âpre, qui prévaut souvent, le film rappelle Loach, Kore-eda ou les Dardenne mais il y a aussi des moments moins réalistes, qui fleurent bon une poésie qui ne flirte jamais avec la mièvrerie. Cependant, avec un caméra souvent nerveuse, Paradise is burning ressemble plus à une accumulation de scènes, plus ou moins passionnantes, qu'à une construction scénaristique solide et réfléchie. Ce côté buissonnier, éminemment sympathique, emporte l'adhésion, avec une interprétation convaincante à la clé, mais persiste le sentiment que le film aurait sans doute pu être meilleur avec une histoire bien plus équilibrée et assurée sur ses petites pattes.

 

Pendant ce temps sur la terre de Jérémy Clapin

Très attendu après ses débuts avec J'ai perdu mon corps, le premier long-métrage de Jérémy Clapin en prises de vues réelles (quoique, pas totalement) reste dans une veine ouvertement fantastique. L'histoire ressemble un peu à certaines de celles développées dans La quatrième dimension, voire, pour les amateurs, dans le très fameux Les Envahisseurs, mais pas avec les mêmes visées. Et puis, n'est pas David Vincent qui veut car la jeune femme en deuil qui prend sa suite, bien malgré elle, dans Pendant ce temps sur terre, n'a pas sa hargne ni sa volonté. Plutôt qu'un film inabouti et frustrant, eu égard à son point de départ,, Jérémy Clapin aurait pu écrire une BD qui aurait sans doute donné plus d'impact au côté mystérieux du récit. Le film s'appuie sur certains effets sonores mais reste visuellement bien trop sage pour susciter une véritable exaltation. Quant à l'émotion, en dépit du sujet et du dilemme posée à son héroïne, elle ne transparaît presque jamais. Si Pendant ce temps sur terre n'est jamais fastidieux, c'est parce que le suspense y est bien présent et que l'on est en droit d'espérer un dénouement de l'ordre du grandiose. Las, c'est une vraie déception, il se révèle non seulement énigmatique mais aussi sans aucun relief.

 


24/03/2024
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Vu à Alès (1)

Le tableau volé de Pascal Bonitzer

Un tableau d'Egon Schiele, volé par les nazis et disparu depuis soixante ans, refait son apparition dans un appartement modeste à Mulhouse. A partir de cette incroyable histoire, Pascal Bonitzer a construit une fiction où l'on subodore autant l'odeur des salles des ventes, un univers très particulier, formellement opposé à la France profonde, celle où le célèbre tableau a fini par atterrir. L'intrigue centrale, autour de l’œuvre peinte, est plutôt excitante mais les différentes ramifications, disparates, déplacent l'intérêt plus souvent qu'à leur tour. A retenir toutefois, le mordant des dialogues, souvent cruels, notamment autour des marchés de l'art où tellement d'argent est brassé que tous les coups y sont permis. L'interprétation est également largement à la hauteur, sans qu'un comédien ne cherche à dépasser ses petits camarades : d'Alex Lutz à Léa Drucker, impeccables dans la sophistication, de Louise Chevillotte à Nora Harnzawi, épatants de naturel, en passant par un excellent Alain Chamfort et les jeunes Arcadi Radeff et Matthieu Lucci. Malgré quelques temps morts et une action parfois volatile, le scénario retombe tout de même sur ses pattes, en ayant offert passage quelques jolis passages de comédie. Dans les règles de l'art mais toutefois assez loin du chef d’œuvre.

 

L'esprit Coubertin de Jérôme Sein

D'où vient l'idée de l'esprit Coubertin, voulu comme une comédie autour des Jeux Olympiques de 2024 ? Sûrement de cerveaux astucieux surfant à contre-courant de la vague cocardière menaçant d'envahir la France, au cœur de l'été. Le film prend le contre-pied du patriotisme obligatoire de la future quinzaine olympique, une posture intéressante mais un peu risquée, susceptible cependant de plaire à une frange du public déjà agacée par l'assourdissante caisse de résonance annoncée. Pour tenir son objectif de satire, le film devait être crédible dans ses décors, soit principalement le village olympique et quelques sites de compétition. Faute d'un budget suffisant, on ne s'y "croit" jamais, lmais alors pas du tout, a piscine, par exemple, ressemblant davantage à l'équipement modeste d'une petite commune, n'importe où en France. Déjà, le bât blesse, mais l'excès dans la caricature, concernant les athlètes, les journalistes ou de la ministre, provoque plutôt le malaise que l'exaltation. Les rires, et il y en a peu, sont plus mécaniques qu'autre chose, tellement les effets apparaissent grossiers. Avec une telle méforme olympique, il n'y a plus qu'à essayer de se raccrocher au jeu d'un Benjamin Voisin méconnaissable et d'une Emmanuelle Bercot à laquelle on ne reprochera rien. On est très loin du podium.

 

Paternel de Roman Tronchot

Sincère et honnête, tels sont les qualificatifs que l'on accolera logiquement à Paternel, le premier long-métrage de Ronan Tronchot. S'il ressemble le plus souvent à un téléfilm, de par son esthétique sobre et sa mise en scène sans audace, le récit n'en est pas moins bien construit, un peu convenu, peut-être, et distillant une certaine pudeur dans sa traversée des sentiments d'un prêtre qui découvre tardivement sa paternité. Au nom du fils, la situation ainsi établie remet en question non sa foi ni sa fidélité dans son sacerdoce mais bien sa position dans l’Église et la rigidité proverbiale de cette dernière. S'inscrit donc en filigrane le thème du célibat des prêtres et de l'ordination des hommes mariés, un sujet que le film rend moins prégnant que les états d'âme de son personnage central mais qui, néanmoins, pose une nouvelle fois le débat, sans volonté pour autant d'imposer un jugement définitif sur la question. Grégory Gadebois apporte sa rondeur, son humanité et sa force tranquille, quoique ébranlée, à un homme qui ne sait, pour un temps, à quel saint se vouer. La bonne tenue de Paternel se mesure aussi à l'excellence de l'interprétation des rôles secondaires, notamment celles de Géraldine Nakache ou de Françoise Lebrun, mais surtout de Lyes Salem qui incarne à lui seul une histoire dans l'histoire, qui aurait pu être développée sans nuire à l'intrigue principale.

 


23/03/2024
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Viva il cinema ! (4)

 

C'è ancora domani de Paola Cortellesi

Le succès prodigieux de Il reste encore demain, en Italie, ne saurait s'expliquer uniquement par sa résonance dans l'air du temps, avec son farouche engagement féministe. Non, il y aussi du cinéma, et de l'excellent, tant dans le scénario, les dialogues, la réalisation et l'interprétation de ce phénomène transalpin. Le ton en est intelligemment hybride, comme un condensé brillant de tout ce que le cinéma italien a produit de meilleur ces 80 dernières années, disons, avec un mélange remarquable de néo-réalisme, de comédie et de mélodrame. Le début du film est volontairement quasi caricatural concernant la condition féminine dans l'immédiat après-guerre, avec une héroïne qui subit les coups d'un mari qui applique à la lettre une tradition patriarcale séculaire. La suite, synonyme d'émancipation, sera bien plus subtile qu'attendu, Paola Cortellesi, la réalisatrice, imposant un regard très personnel pour décortiquer les mécanismes de la violence, la chorégraphiant même pour en extraire l'essence rituelle. Elle use aussi, avec parcimonie, de musiques actuelles, donc anachroniques, pour donner un côté intemporel et par là même universel à l'existence de son personnage principal. Et quel formidable suspense, au final, sur une fausse piste qui se révèle géniale. Le noir et blanc est sublime et accompagne cette histoire très marquée historiquement mais qui s'en affranchit avec virtuosité, sans pour autant imposer son message avec lourdeur, tout au contraire. Paola Cortellesi, célèbre en Italie en tant qu'actrice mais aussi présentatrice, humoriste et chanteuse, s'est offert un rôle en or qu'elle illumine mais c'est la primo-réalisatrice qui doit être saluée pour un film qui mérite mille fois de rencontrer un grand succès de ce côté-ci des Alpes.

 

Ciao ragazzi de Riccardo Milani

Grazie ragazzi reprend, avec une certaine fidélité, la trame d'Un triomphe, film inspiré d'une histoire étonnante, mais bien réelle, autour de la pièce En attendant Godot, jouée par des détenus. Les différences se situent peut-être au niveau du rythme, plus élevé dans le film de Riccardo Milani mais aussi des transitions, nettement moins convaincantes. Le fait de connaître l'intrigue, y compris son dénouement, fausse évidemment le jugement sur Grazie ragazzi, qui reste cependant une œuvre efficace et souvent plaisante, avec quelques éléments purement italiens qui viennent la pimenter. Kad Merad était impeccable dans Un triomphe, Antonio Albanese ne l'est pas moins dans le remake et l'ensemble de l'interprétation se révèle al dente.

 

L'ordine del tempo de Liliana Cavani

Liliana Cavani, 91 ans, n'avait pas tourné pour le cinéma depuis 2002 ! Ce n'est pas manquer de respect à la réalisatrice de La peau et Portier de nuit, entre autres, que d'affirmer que L'ordine del tempo ne restera pas parmi les sommets de sa carrière. Le film est adapté non pas d'un roman mais d'un essai, ce qui n'est pas banal, et se déroule presque entièrement dans une belle maison située en bord de mer. D'où l'impression d'être dans une pièce de théâtre dans laquelle quelques amis sont réunis pour l'anniversaire de la maîtresse de maison. Les protagonistes ont la quarantaine ou la petite cinquantaine et les conversations sont purement existentielles, d'autant qu'une météorite menace d'entrer en collision avec la terre. Tous ces personnages sont des privilégiés, des intellectuels très brillants, dont les failles sont pourtant béantes dans leur vie privée et dans leur couple, en particulier. Les dialogues sont parfois amusants mais l'intérêt est loin d'être constant car il y manque un peu d'ironie ou de férocité quant à l"analyse du comportement humain, surtout quand la fin du monde approche.

 


26/02/2024
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Viva il cinema ! (3)

 

 

Lubo de Giorgio Diritti

Lubo pourrait aisément figurer parmi les meilleurs films de 2024, si tant est qu'il puisse être distribué en dehors des frontières italiennes de manière satisfaisante, ce qui est loin d'être acquis. C'est qu'il s'agit d'un long-métrage de près de trois heures, signé du maître italien Giorgio Diritti, trop méconnu, et qui évoque le sort de la communauté nomade Yéniche, en Suisse, tout au long du 20ème siècle, marqué par les persécutions continuelles de l’État helvétique et le vol de leurs enfants, afin de les placer dans des familles "convenables" et de les rééduquer. Mais Lubo, outre cet aspect passionnant, largement ignoré, n'est pas que cela : c'est aussi un formidable film romanesque, autour de son personnage principal, suivi pendant plus de 2 décennies, avec un destin qui alterne violence, pouvoir, amour et déchéance. La maîtrise de Diritti, dans une reconstitution historique impeccable, fait merveille, donnant à son intrigue une densité peu commune, au point que les 3 heures semblent n'en durer qu'une seule. Au-delà de nous raconter des faits peu connus, qui se sont déroulés très près de la France, et qui rappellent, toutes proportions gardées, ceux narrés dans Killers of the Flower Moon, Lubo nous rappelle à quel point Franz Rogowski est un acteur exceptionnel. Quel autre comédien actuel est aussi expressif dans ses silences ? Ne cherchez pas, il n'en existe aucun !

 

Bassifondi de Francesco Pividori

Le nom d'artiste de Francesco Pividori est Trash Secco, un pseudonyme qui en dit long sur sa volonté de ne pas emprunter des sentiers balisés. Son premier long-métrage, Bassifondi, est en effet radical même si Pividori trouve triste que l'on ait salué sa vision "différente" du monde des sans-abri car pour lui elle est on ne peut plus "normale." Bassifondi reste cependant un film difficile à regarder, cru et sans concession, le plus souvent inconfortable. Sous les ponts de Rome, ce duo de personnages invisibles choque et interpelle mais il faut avoir l'estomac bien accroché, au milieu des rats et de la saleté, avec cette autre facette de la société que nous avons tant de mal à regarder. La mise en scène ne se prive pas de quelques envolées oniriques, bienvenues, mais le scénario reste peut-être trop linéaire, ne nous attachant pas suffisamment à ses protagonistes, en refusant, à quelques détails près, de nous expliquer comment ces hommes en sont arrivés à cet état de misère.

 

Dante de Pupi Avati

Dante Alighieri, dont l’œuvre d'écrivain est plus connue que la vie, méritait bien qu'un cinéaste tel que Pupi Avati se penche sur son cas. Le prisme choisi est d'ailleurs astucieux puisque c'est à travers un autre personnage illustre, Boccace, que l'existence de l'auteur de La divine comédie nous est contée. Outre l'orphelin de mère, l'amoureux de Béatrice et, bien entendu, le poète, c'est aussi l'homme politique qui se révèle, son engagement lui valant son exil de sa chère ville de Florence. Il y a beaucoup de goût dans la reconstitution du 14ème siècle italien et la qualité picturale du film devrait être une bonne raison de s'extasier. Mais hélas, l'austérité de la construction du récit et sa sécheresse de ton, ainsi que son absence de fluidité narrative, avec les passages incessants de Boccace à Dante, ont assez tôt fait de diluer l'attention, voire même de l'annihiler totalement, ce qui est bien sûr regrettable eu égard à l'intérêt porté a priori sur son sujet.

 


25/02/2024
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