Cinéphile m'était conté ...

Cinéphile m'était conté ...

Journal de La Rochelle (9)

 

A feu doux (Familiar Touch) de Sarah Friedland

Sur un thème régulièrement traité au cinéma, ces dernières années, À feu doux se place d'emblée au côté de son personnage principal, une vieille femme digne, qui croit encore maîtriser la réalité qui l'entoure. Sur son état, l'on comprendra aisément ce qu'il en est, de par les conversations entendues à la volée, dans un nouvel environnement pour elle. Avec pudeur et bienveillance, Sarah Friedland nous fait ressentir ce que la tête de son héroïne enregistre et analyse, sans céder un pouce à une vision pathétique des choses, bien que la tonalité globale soit évidemment d'une grande tristesse. Toute aussi délicate est la manière de montrer les rapports d'un fils avec une mère qui perd peu à peu le contact et insiste parfois dans le déni, sans oublier le travail des soignants. À feu doux a obtenu pas moins de trois prix dans le cadre de la Mostra de Venise 2024 : celui de meilleur premier film et, dans la section Orizzonti, celui de la meilleure actrice pour Kathleen Chalfant, ce qui semble amplement mérité, eu égard à sa prestation, tout en finesse, et enfin, celui de la mise en scène, distinction plus contestable car c'est bien le domaine dans lequel le long métrage reste on ne peut plus classique, voire même paresseux et sans grande créativité, malheureusement.

 

Que la bête meure de Claude Chabrol (1969)

Que la bête meure prend place dans la période la plus féconde de Claude Chabrol, adapté d'un livre policier signé du père de Daniel Day-Lewis. Philippe Noiret ayant renoncé au rôle de salaud que lui proposait le réalisateur (pour cause de mal de mer), Chabrol sonde Jean Yanne pour savoir s'il verrait un inconvénient à jouer une crapule et se voit offrir cette belle réponse par l'acteur : je n'y vois pas d'abjection. Pour cette fois, le cinéaste ne privilégie pas l'étude sociale, focalisant l'intérêt sur le duel entre ses deux personnages principaux, Jean Yanne, donc, et Michel Duchaussoy, tous les deux remarquables. Caroline Cellier et Maurice Pialat, dans des rôles secondaires, sont également parfaits. L'intrigue use parfois de ficelles un peu grosses mais qui y retrouverait à redire, franchement, avec une copie neuve qui rend grâce à l'excellence du travail de mise en scène. 

 

Little Trouble Girls (Kaj ti je deklica) de Urška Djukić 

Née en 1986, en Slovénie, Urška Djukić a notamment réalisé un court-métrage intitulé La vie sexuelle de ma

grand-mère. De quoi lui faire confiance, assurément, au moment de son passage au long avec Little Trouble

Girls. Comme de nombreux autres cinéastes auparavant, elle s'y attaque à l'adolescence, dans un récit

d'apprentissage au féminin qui, fort heureusement, se distingue par sa mise en scène, délicate et sensuelle,

mais aussi son scénario; qui traite du désir, de la confusion et de la compétition au sein d'un se déroule au

milieu d'un chœur de filles, dans une sorte de séminaire destiné à la perfectionnement de leur art vocal. En

outre, leur appartenance à une école catholique ajoute encore au plaisant trouble d'un film, qui n'hésite pas

à construire des passerelles entre religion et sensibilité charnelle et entre candeur et perversité. Avec un

soupçon d'onirisme par dessus et de jeunes actrices étonnantes, notamment l'héroïne, Little Trouble Girls

parvient à marquer de sa personnalité un thème pourtant rebattu. Au point que, lorsque la projection

s'achève, après un peu moins de 90 minutes, c'est une certaine frustration qui s'installe, en se remémorant

cette histoire de transport émotionnel et physique, qui laisse un tout petit goût d'inachevé.

 

 



06/07/2025
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