Cinéphile m'était conté ...

Cinéphile m'était conté ...

Sorties 2011


Saynètes de la vie conjugale (Happy Happy)

Un film norvégien qui s'intitule Happy Happy, c'est un contraste saisissant avec la tragédie que ce pauvre pays vient de vivre. Parlons donc du film d'Anne Sewitsky, qui n'a rien à voir avec cette triste actualité. Dès les premières images, s'impose le tableau d'un paysage de neige, à l'approche de Noël, d'un blanc immaculé. A l'image du couple qui accueille, le sourire aux lèvres, leurs nouveaux voisins, une avocate séduisante et son athlétique mari, parents d'un adorable enfant noir, adopté. Mais la neige ne reste pas vierge bien longtemps, et l'on se doute que le vernis va craquer sous peu dans cette comédie de moeurs libérée. Ces saynètes de la vie conjugale, pour plus ou moins paraphraser un titre de Bergman, qui visait toutefois nettement plus haut, ne sont pas qu'amusantes, elles ont un côté cruel qui évite au film de tomber dans l'ordinaire, bien que le dénouement soit d'un convenu déconcertant. Anne Sewitsky joue un peu avec le feu, point trop cependant, jusque dans les à côtés de son intrigue principale, quand les enfants des deux couples, un blond et un noir, s'amusent au jeu du maître et de l'esclave, créant une sorte de malaise qui a du mal à se dissiper. C'est un principe nordique bien connu, y compris au cinéma, on se vautre tout nu dans la neige, avant de rejoindre la chaleur du sauna. Happy Happy fonctionne plus au moins de cette manière, tout en restant relativement timide. C'est le reproche principal que l'on pourrait faire au film, ne pas avoir osé davantage et poussé son scénario dans ses retranchements. Au final, cela reste tout de même assez Gentil, Gentil.

 


22/08/2015
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Franco de porc (Le cochon de Gaza)

Romancier à la réputation naissante (Le dernier vol de Lancaster), Sylvain Estibal réalise son premier film d'après un scénario qu'il n'a laissé à personne le soin d'écrire. Cochon qui s'y dédie. Un sujet original, qui ne manque pas d'audace, puisque Le cochon de Gaza se déroule, comme son titre l'indique, sur une terre où la cohabitation entre palestiniens et colons juifs est explosive. Le cinéaste choisit le mode du conte, de la farce même, pour évoquer cette situation inextricable. Casse gueule, pour le moins, et très naïf, c'est entendu, mais la fable est assez bien menée, au point qu'il n'y a pas lieu de se demander si c'est de l'art ou du cochon. Les péripéties s'enchaînent sur un ton grinçant, Estival s'en prenant aux deux communautés avec la même verve, franco de porc. Evidemment, la satire a ses limites et ne résout rien, on s'en doute, et quand le ton se veut plus réaliste, le film retombe dans les travers (de porc) attendus, c'est à dire un angélisme qui ne convainc guère. Au passage, on retrouve avec plaisir l'excellent Sasson Gabai (La visite de la fanfare) qui forme un joli couple avec son camarade porcin, qui montre un beau talent dans un rôle de colombe symbolique qu'il n'interprète pas comme un cochon.

 



22/08/2015
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Rouge comme un monstre (We need to talk about Kevin)

We need to talk about Kevin provoque des sensations ambivalentes. Beaucoup de spectateurs sont pétrifiés d'enthousiasme, d'autres sont terrassés d'ennui et agacés par sa prétention. Autre attitude possible (c'est la mienne) : une certaine tièdeur sur un film sur lequel tant d'informations ont déjà circulé, désamorçant la surprise. On admet volontiers la brillance de la mise en scène, l'intensité des face à face entre l'adolescent et sa mère, le mystère quant à la personnalité du "monstre". En revanche, on peut regretter la sursymbolisme (la couleur rouge, ok, on a compris), la confusion entretenue de la première partie avec ses allers et retours incessants dans l'espace-temps. N'allons pas jusqu'à parler de "purge arty-farty" (Les Inrocks) ou de "petit cinéma crâneur et condescendant" (Les Cahiers), mais il y a de cela, quand même. Ah le regard méphistophélique de Kevin ! Oh, le visage constamment consterné de sa génitrice (Tilda Swinton est moyenne,  surtout comparé à sa partition dans Julia de Zonca, pour ne citer qu'un rôle). En somme, on peut passer un moment presque confortable devant ce film, y trouvant un certain intérêt, mais sans jamais y voir autre chose qu'un regard de cinéaste, un exercice de style manipulateur, aux ficelles parfois grossières et jamais réalistes. Ne pas être touché par We need about Kevin, est-ce que cela fait de soi un monstre ?

 



21/08/2015
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Inventeur de rêves (Hugo Cabret)

Décortiqué, analysé, critiqué, le cinéma est devenu une discipline prise très au sérieux, alors qu'il n'est au fond qu'illusion, tour de magie et mensonge éhonté. Hugo Cabret, conte pour enfants et adultes qui ont gardé leur âme de bambins, ce qui doit faire beaucoup de monde, renoue avec l'innocence des débuts du cinématographe et rend un hommage vibrant à cet inventeur de rêves qu'était Georges Méliès. Ce n'est pas le meilleur film de Scorsese, loin de là, mais ne serait-il pas son plus personnel, avec cette déclaration d'amour naïve et désarmante au 7ème art ? Hugo Cabret, avec son atmosphère à la Dickens, remonte le temps, comme d'autres les horloges, à la recherche du plaisir perdu de l'aventure pure et du bonheur de la nostalgie. Le film manque parfois de rythme et d'humour, se perd un peu dans des sous-intrigues doucereuses, mais qu'importe. En cinéaste virtuose, Scorsese recrée un monde, celui de la gare Montparnasse des années 30, à grands coups de travellings époustouflants. Il salue Harold Lloyd (toujours les horloges) et le cinéma muet, terreau d'expérimentation et d'innovations en tous genres. Sa passion de filmer est contagieuse et, autant qu'à l'enfant qui sommeille en nous, c'est au cinéphile qui palpite en nous, qu'il envoie un magnifique message. Bien reçu, cher Martin.

 



21/08/2015
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Rattrapage 2011, suite (Love and Bruises)

En tournant en France, Lou Ye n'a pas changé de style. Love and Bruises, le titre est explicite, épouse la brutalité des sens dans des étreintes sauvages qui n'exhalent ni sensualité ni tendresse. L'acte amoureux, répétitif, est un combat acharné. Le cinéaste chinois ne donne que peu de clés sur la psychologie de ses personnages. L'ouvrier musulman, fruste, est incapable d'exprimer ses sentiments autrement que par la force. Sa maîtresse chinoise, déboussolée, se perd dans une sexualité erratique. Ils sont tous les deux comme en exil sur cette terre de France, clandestins qui se font l'amour et des bleus. Le film est viscéral, agaçant par la multiplication des scènes de sexe, avec une mise en scène qui donne le tournis, caméra à l'épaule. Qu'on aime ou pas, on ne peut pas dire que Lou Ye se compromet, il est toujours fidèle à ses convictions de réalisateur et à ses thèmes de prédilection.

 



19/08/2012
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Et toujours des séances de rattrapage (Beauty/Un heureux événement)

 

Beauty (Skoonheid, Oliver Hermaus). Sorti le 12/10/2011

Le thème de Beauty n'a pas de frontières. Celui de l'emmurement d'un homme, piégé par les règles sociales et son incapacité psychologique à vivre autrement son homosexualité que de façon clandestine et honteuse. Le sujet est cependant extrêmement ancré dans le contexte de la société blanche sud-africaine, avec ses relents de racisme, l'apartheid est toujours dans les têtes, et sa virilité exacerbée. Olivier Hermanus montre des regards, fait entendre des silences, entretient le mystère de la douleur des âmes. Le film est froid, dénué d'empathie envers son personnage principal. Son impact est moins fort que ce qu'il aurait pu être, d'un pur point de vue émotionnel. Il en émane cependant une certaine puissance et un malaise considérable appuyés par l'interprétation remarquable de Deon Lotz.

 

Un heureux événement (Rémi Bezançon). Sorti le 28/09/2011

Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur la maternité sans jamais oser le demander. La grossesse, l'accouchement, les premiers mois du bébé. Fondamentalement, une comédie, mais avec des moments graves et une bonne dose de blues, pré et post-natal. La mise en scène de Rémi Bezançon, moderne et dynamique, et l'absence de tabous évitent de tomber, jusqu'à un certain point, dans les poncifs obligés (le portrait des grands-mères, ultra chargé). Une mention aux deux principaux protagonistes, Pio Marmai (patronyme idéal pour procréer) et Louis Bourgoin, dont l'alchimie fonctionne dans les bons et les pires moments. Une quantité non négligeable de tendresse et d'émotion est offerte en sus.



14/08/2012
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Nouvelles séances de rattrapage (La brindille/Avant l'aube/Tu seras mon fils)

 

La brindille d'Emmanuelle Millet

Fragile histoire d'une frêle jeune fille qui n'a pas choisi et ne veut pas devenir mère. Une interprétation exceptionnelle de Christa Theret dans un portrait d'adolescente délavé et lisse malgré le côté abrupt et buté de son personnage. La construction linéaire du récit, son aspect fruste, sa concentration sur un unique thème et sa mise en scène de reportage télé gonflé en fiction contribuent au sentiment de frustration ressenti devant un film en manque d'intensité et de densité. La brindille s'est envolée avec le vent.

 

Avant l'aube de Raphaël Jacoulot

Sous des allures de thriller, une analyse assez fine des clivages sociaux dans la relation entre un jeune employé d'en bas et un hôtelier d'en haut. Des rapports qui auraient pu d'ailleurs être développés, avec plus de trouble et d'intensité. Il reste une atmosphère naturelle fascinante, les neiges pyrénéennes, et l'excellence du jeu du duo Bacri/Rottiers avec de seconds rôles bien typés. Sympathique.

 

Tu seras mon fils de Gilles Legrand

Saint-Emilion, c'est Dallas et son univers impitoyable. L'immense Niels Arestrup écrase de toute sa morgue le reste de la distribution dans ce drame vinicole. Un film charnu, dont le bouquet manque de subtilité, même si long en bouche. L'épilogue frôle le ridicule. Pas mal charpenté, mais trop riche en tanins.


20/05/2012
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Churchill en plus viril (La dame de fer)

La dame de fer de Phillyda Lloyd et l'homme de fer de Clint Eastwood, même combat. A bien des Edgar. Comprenez que la construction des deux films est similaire. Désormais vieux (vieille) et fané(e), ils ressassent leurs souvenirs du temps où ils avaient le pouvoir, prétexte désarmant de facilité pour déclencher toute une batterie de flashbacks coupés par des images pitoyables de leur déchéance physique. Au secours, il est temps d'arrêter avec ces biopic à la noix, qui mettent sur le même plan la vie privée et le domaine public et tentent de nous apitoyer en montrant avec une complaisance gênante les ravages de l'âge. Madame Thatcher, donc, fille d'épicier, dure, inébranlable, obstinée, sans pitié. Pathétique au soir de sa vie, sous l'emprise d'une maladie dégénérative, qui dialogue encore avec son mari défunt. De ses onze années de règne inflexible, le film ne montre que l'envers du décor, partiellement et partialement, pêchant par omission ou édulcoration éhontée. Sous entendu : elle était impitoyable, la mère Thatcher, mais c'était pour la grandeur de la Grande-Bretagne, Monsieur, et aussi la porte ouverte au libéralisme échevelé, et que ceux qui n'ont pas compris se battent les flancs ! Voyez comment Margaret gère la guerre des Malouines. Plus couillue (excusez la grossièreté) qu'un aréopage de hauts gradées de l'armée. Churchill en plus viril. Incarnée par une actrice moyenne, La dame de fer ne serait qu'une hagiographie à peine déguisée aussi fastidieuse que la lecture de la Constitution anglaise. Seulement, c'est une certaine Meryl Streep qui s'y colle et là, chapeau bas, c'est du très haut de gamme, du magistral, du phénoménal (la silhouette, la démarche, l'accent, la démarche : tout y est). Demandez-lui de jouer Ronald Reagan dans le film qui ne tardera pas à lui être consacré (non, ne faites pas ça !), elle en est tout à fait capable, la diablesse !

 



15/02/2012
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Séances de rattrapage (17 filles ; La nouvelle guerre des boutons)

 

 

C'est un film inabouti. Sans doute parce que les réalisatrices, Muriel et Delphine Coulin, viennent du documentaire et préfèrent montrer que démontrer. 17 filles part pourtant d'un sujet original, une histoire réelle, qu'elles ont transposé de l'Amérique à Lorient, ville des espoirs déchus, en pleine débâcle économique. Comment un acte aussi individuel que l'attente d'un bébé devient une revendication groupée d'adolescentes du même lycée, on rêve de ce qu'une Céline Sciamma aurait pu faire d'un tel thème. A cette épidémie de grossesses, le film ne donne qu'une explication : l'envie de faire quelque chose de sa vie et de ne pas connaître le désenchantement misérable des adultes. A moitié raté dans le portrait de ces jeunes femmes bientôt mères, à quelques scènes près (une partie de foot sur la plage avec un ballon enflammé), le film l'est totalement quand il s'agit d'évoquer l'incompréhension des enseignants et des parents. Les soeurs Coulin hésitent entre la tentation de suivre la "meneuse", joliment incarnée par Louse Grinberg, ou de la jouer collectif. Du coup, 17 filles est constamment assis entre deux chaises et se pare de langueurs monotones qui ne servent à rien. Difficile de s'en contenter.

 

Le livre de Pergaud adapté en changeant l'époque et en choisissant 1944, c'est plutôt une idée intéressante. Cela dilue un peu le coeur du sujet, mais y introduit de nouveaux enjeux. Seulement, Barratier verse peu à peu dans l'imagerie rassurante d'un petit bout de France où tout un village résiste aux vilains miliciens et où les héros résistants finissent par se dévoiler et conquérir ainsi le coeur, qui de son fils, qui de son amoureuse. C'est atrocement niais et on en oublie le jeu très naturel de ces gamins. Si j'aurais su, je l'aurais pas vu !

 


13/01/2012
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Scandale à l'italienne (L'empire des Rastelli)

Largement inspiré du scandale Parmalat, L'empire des Rastelli est pétri de bonnes intentions et entend se placer dans la continuité des grands films politiques et sociaux des Rosi, Petri et tutti gli altri. L'ennui, c'est qu'Andrea Molaioli n'a pas le talent de ses aînés et que son scénario est passablement mal écrit. Le film hésite entre la satire et un ton plus documentaire et ne fait qu'empiler les informations, plus ou moins utiles, dès lors que l'on a compris, très tôt, que la grande entreprise qu'il décrit va dans le mur et que ses dirigeants ont beau corrompre la gent politique, ils n'arrêteront pas sa chute. L'idée de suivre le directeur financier de la société, l'un des rares à être presque honnête en son sein, et qui paiera pour les plus puissants, était bonne, d'autant que le rôle est joué par le toujours excellent Toni Servillo. Mais elle est sous-exploitée et s'accompagne d'une historiette sentimentale qui n'a pas sa place. Molaioli voulait livrer une charge féroce contre les dérives capitalistes sous le règne de Berlusconi, c'était prometteur. Mais le film est réalisé de manière si terne qu'il devient aussi palpitant qu'une course de crabes sur la plage.

 



31/12/2011
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