Cinéphile m'était conté ...

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Oldies


Faisceau de vieux films (Avril/1)

Les bandits (Llanto por un bandido), Carlos Saura, 1964

Les bandits précède de deux ans le premier grand film de Carlos Saura, La chasse. Déjà, le film intrigue par son casting international peu adapté pour un récit profondément espagnol, autour d'un célèbre bandit du XIXe siècle, qui sévissait en Andalousie. Si Francisco Rabal tient son rang, vaille que vaille, Lino Ventura disparaît très vite, après un début musclé, et Lea Massari joue la femme soumise à son homme, de manière peu convaincante. La dimension politique existe mais se perd dans une confusion narrative, à peine stimulée par des airs populaires, chantés façon flamenco.

 

Stress es tres, tres, Carlos Saura, 1968

Tourné entre Peppermint frappé et La Madriguera, Stress es tres, tres reprend la thématique du couple, à travers le triangle classique : le mari, la femme et l'ami, potentiel amant. Saura livre une intrigue linéaire, lors d'un déplacement en voiture, entre Madrid et Almeria, cependant symbolique du mode de vie de la bourgeoisie en période franquiste. Mais c'est bien la jalousie maladive d'un homme à qui tout réussit qui est traqué par le cinéaste, via son voyeurisme et sa paranoïa, laquelle culmine dans l'une des toutes dernières scènes du film. En l'absence de réel rupture de rythme, le film manque un peu de vista mais rejoint, par sa minutie et sa cruauté sous-jacente, les premiers longs-métrages de Polanski. Geraldine Chaplin, affublée d'une perruque blonde, n'a pas de mal à exister face aux deux machos typiques qui l'entourent.

 

No es bueno que el hombre esté solo, Pedro Olea, 1970

S'il est naturel de penser à Grandeur nature de Berlanga (pour la poupée), d'un an postérieur, et évidemment à Psychose, d'Hitchcock, le film de Pedro Olea, cinéaste peu connu en dehors d'Espagne, possède cependant sa propre identité. Entre mélodrame, suspense et humour noir, le long métrage dégage une atmosphère malsaine, encore accentuée par la grisaille du climat de Bilbao, ville d'origine du réalisateur. Dans le rôle principal, José Luis López Vázquez, est absolument fabuleux. La critique franquiste, qui n'était visiblement plus ce qu'elle était en 1973, ne s'est apparemment pas émue de toutes les connotations sexuelles (et même homo) et perverses de ce film d'une grande maîtrise dans sa folie.

 


01/04/2025
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Faisceau de vieux films (Mars/4)

Les ombres sauvages (Divlje seme), Vojislav Rakonjac, 1967

Bien que mort à 35 ans, Vojislav Rakonjac s'est construit une filmographie relativement riche. Divlje seme est une sorte de western rural, assez excessif, avec son personnage principal, échappé de prison, qui n'a de cesse de tuer les frustes villageois qui ont le malheur de le rencontrer. L'histoire se déroule vraisemblablement avant la deuxième guerre mondiale mais ce massacre sans fin sombre dans une hystérie sans véritable explication, si ce n'est les pulsions homicides d'un homme qui prend tout de même le temps de séduire une femme dont on ne sait presque rien, à part le fait que le prêtre du village venait régulièrement lui rendre visite avant, forcément, de tomber sous les balles du tueur impénitent.

 


24/03/2025
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Faisceau de vieux films (Mars/3)

Tistega lepega dne, France Štiglic, 1962

Une vraie comédie sociale, aux accents presque italiens, qui se déroule dans un petit village slovène, en 1930. Avec son écriture limpide, qui ne perd jamais de vue son intrigue principale, le film aménage de l'espace pour des personnages hauts en couleur (la jolie femme installée à Milan, le curé mélomane, les 4 fillettes du veuf, les commères de la bourgade, etc). Sans oublier quelques jeunes fascistes, ridiculisés à maintes reprises. Au bout d'une série d'événements plus ou moins burlesques, le long métrage se termine sur une note de comédie romantique.

 

L'homme à détruire (Čovjek koga treba ubiti), Veljko Bulajić, 1979

Le couronnement d'un faux tsar au Monténégro, en 1767, est historique mais Veljko Bulajić s'en sert pour concocter une intrigue fantastique de laquelle Satan, en personne, tire les ficelles. Ce qui nous vaut une visite guidée, dantesque, de l'enfer, avant une leçon de géopolitique de l'époque, assez fidèle, puisque le faux tsar vainquit ses ennemis, les Ottomans et les Vénitiens, avant de finir assassiné (par son barbier, dans la réalité). Le film, très singulier dans le cinéma yougoslave, s'amuse avec la vérité historique, avec beaucoup d'aplomb et un certain talent, titillant la censure dans une poignée de scènes érotiques et la caressant dans le sens du poil avec une satire des agissements de l'Eglise. Incongru mais pas inintéressant, de la part d'un réalisateur surtout connu pour ses récits épiques de la seconde guerre mondiale.

 

Miss Stone (Mis Ston), Živorad Mitrović, 1958

Le film de Živorad Mitrović raconte l'histoire peu connue de la résistance macédonienne, au tournant du XXe siècle, contre l'Empire ottoman, à l'influence déclinante. L'affaire d'enlèvement qui implique une missionnaire protestante américaine, la dénommée Miss Stone, est relatée en respect de la réalité historique, même s'il s'agit évidemment de célébrer le courage de ces partisans, des villageois, face à la cruauté et à l'inhumanité de la puissance turque occupante. Le syndrome de Stockholm agit à plein dans un film soigné et doté de quelques moyens pour montrer les combats pour la liberté avec un certain sens du spectacle.

 


17/03/2025
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Faisceau de vieux films (Mars/2)

Ce n'était pas en vain (Nije bilo uzalud), Nikola Tanhofer, 1957

Premier long métrage de Nikola Tanhofer, un an avant son plus grand film, H-8. Ce drame rural, sous fond de superstitions, avec la présence d'une "sorcière", dont les remèdes s'opposent à ceux d'un jeune médecin récemment débarqué est d'une grande noirceur. Les morts se succèdent, dans une ambiance moite, due aux marais insalubres qui dominent le paysage. Si quelques clichés sont à souligner (la femme du praticien qui s'ennuie, l'alcool largement consommé), le film convainc par son atmosphère malsaine et une utilisation particulièrement efficace du noir et blanc et des bruits de la nature hostile. Tanhofer n'a réalisé que 9 films mais c'est un cinéaste à (re)découvrir.

 

La chasse au cerf (Lov na jelene), Fadil Hadžić, 1972

Lov na jelene aborde l'un des tabous de la Yougoslavie socialiste, la question des émigrés politiques, considérés comme traîtres à la patrie, quelle que soit leur part prise dans l'Etat fasciste pro-allemand de Croatie (1941-1945). Le film décrit avec précision combien les événements survenus plus d'un quart de siècle plus tôt contaminent toujours la vie dans une petite bourgade de Yougoslavie, alors qu'un émigré revient dans sa ville natale. Un scénario parfaitement écrit, une interprétation remarquable et une mise en scène au cordeau font de ce film un classique du cinéma yougoslave et l'une des réussites de Fadil Hadžić, cinéaste dont la popularité s'est surtout construite avec ses comédies.

 

Vesna, František Čáp, 1953

Plus de 70 ans après sa sortie, la fraîcheur naïve de Vesna, film réalisé en Slovénie par le réalisateur d'origine tchécoslovaque, František Čáp, reste intacte. Il est vrai qu'à l'époque de l'après-guerre, le cinéma yougoslave se caractérisait surtout par des récits héroïques, mettant en valeur les combats des partisans. Point de cela dans cette insouciante chronique d'un printemps à Ljubljana où les étudiants se dévergondent dans l'attente des examens, où les jeunes filles rêvent d'amour et où les parents ne comprennent rien à la nouvelle génération. Un vent d'optimisme et de gaieté souffle sur un film qui figure toujours parmi les plus populaires dans les pays de l'ex-Yougoslavie (Note de 8,1/10 sur le site IMDB).

 

 

 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
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11/03/2025
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Faisceau de vieux films (Mars/1)

Diaries of the kamikaze (Â doki no sakura), Sadao Nakajima, 1967

En octobre 1943, alors que le Japon subissait des revers dans le Pacifique, 100 000 étudiants furent enrôlés dans l'armée. Parmi eux, certains devinrent des pilotes kamikazes. Le film de Nakajima, qui comporte de nombreux passages d'archives, montre trois de ces étudiants, forcés de suivre une formation et "volontaires" contraints pour l'ultime sacrifice. La mise en contexte est plutôt réussie, montrant la brutalité de l'armée mais aussi le doute de recrues quant à la victoire finale du Japon. Moins convaincantes sont les scènes familiales, très sentimentales, alors que le film essaie malgré tout de faire comprendre, sinon justifier, ces missions suicidaires qui se révélèrent en définitive aussi inutiles que criminelles, pour une partie de la jeunesse du pays.

 

The Passionate Spinster (Kekkon sôdan), Kô Nakahira, 1965

Shimako a 30 ans et n'est toujours pas mariée, ce qui la rend malheureuse et suspecte aux yeux de son entourage. Elle se résout à faire appel à une agence matrimoniale mais celle-ci se révèle une entreprise malhonnête et Shimako tombe de Charybde en Scylla. Cette satire de la société japonaise du milieu des années 60, conservatrice, se révèle mordante à souhait, faisant fi d'une certaine morale, au passage, et dressant un portrait sans aménité de la condition féminine à l'époque. Omniprésente dans le film, la charmante Izumi Ashikawa (89 ans, aujourd'hui) se révèle très douée dans tous les registres. Elle a tourné autour de 70 films, entre 1953 et 1968, notamment sous la direction de Nakahira, Kurahara, Masuda et Suzuki.

 

La grande muraille (Shin shikôtel), Shigeo Tanaka, 1962

A l'instar des productions hollywoodiennes épiques de la même époque, La grande muraille présente une ambition démesurée, celle de raconter la vie du premier empereur de Chine, Qin Shi Huang, plus de deux siècles avant J.C. S'il réussit l'unité des différentes provinces chinoises et prit de nombreuses mesures positives, il est surtout connu pour sa tyrannie, qui lui valut la haine de son peuple, dans un règne marqué notamment par des autodafés de livres et la construction de la grande muraille de Chine, qui fit des victimes innombrables. Le film de Shigeo Tanaka semble suivre assez fidèlement le récit de l'existence de l'empereur, tout en accordant une large place aux combats et à la romance. Les dialogues sont assez ridicules et la grandiloquence de l'ensemble digne d'un mauvais péplum. Ayako Wakao défend avec opiniâtreté son maigre rôle et parvient, pour un temps, à redonner de la flamme à un métrage bien trop long (160 minutes) et emphatique.

 


04/03/2025
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Faisceau de vieux films (Février/2)

Furtivos, José Luis Borau, 1975

Sorti finalement en Espagne sans les coupes exigées par la censure, deux mois avant la mort de Franco, Furtivos est un acte de résistance devant un régime agonisant. La forêt, avec ses chasses et ses meurtres, devient un symbole sordide d'une époque qui sera bientôt révolue. Le film a été annoncé avec cette phrase terrible : "Qu'est-ce qui pourrit derrière une forêt en paix ?" La réponse prend la forme d'une allégorie puissante où un braconnier introverti, une mère incestueuse, un criminel en fuite, une jeune femme issue d'un couvent et un gouverneur corrompu mènent une sinistre sarabande dans une nature sauvage maltraitée par les humains. Un film aussi essentiel que Cria Cuervos, daté de l'année suivante.

 

El mundo sigue, Fernando Fernán Gómez, 1965

Le réel de Madrid, au début des années 60, tel est ce que montre El mundo sigue, en dépit de son dénouement mélodramatique. Portrait du petit peuple de la capitale espagnole, pendant la période franquiste, le film s'attache notamment à deux soeurs qui se haïssent, l'une mariée à un joueur impénitent de loto sportif, l'autre ne sortant de la pauvreté que grâce à l'argent de ses amants. Sans concession pour une société répressive et destructrice, le film brille par ses courts flashbacks, ses voix off représentant la psychologie des personnages, ses ellipses et sa galerie de protagonistes secondaires, tous remarquablement interprétés. La censure a exigé peu de coupes mais a retardé la distribution du film de 2 ans qui n'a été à l'affiche qu'à Bilbao, avant de sortir sur toute l'Espagne en 1975, devenant immédiatement un classique du cinéma espagnol.

 

El Inquilino, José Antonio Nieves Conde, 1958

El Inquilino est tourné la même année que El Pisito de Marco Ferreri, sur un sujet presque similaires autour de la grande crise immobilière que connaît l'Espagne vers la fin des années 50. Dans une veine néo-réaliste, la tragi-comédie de José Antonio Nieves Conde s'attache à une humble famille, avec 4 enfants, qui ne trouve aucune solution pour se loger. El Inquilino est sorti très brièvement à Valence, avant de devoir attendre 6 ans pour rencontrer enfin son public mais au prix du remplacement du dénouement, imposé par la censure, plein d'optimisme, à l'encontre de tout ce qui constitue l'essence du film. Les deux fins cohabitent désormais pour ce long métrage de Nieves Conde qui n'atteint pas le très haut niveau de Surcos, la réussite majeure du cinéaste.

 


04/02/2025
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Faisceau de vieux films (Février/1)

La tía Tula, Miguel Picazo, 1964

La carrière de Miguel Picazo aurait été sans doute été autre sans la censure franquiste qui a bloqué la

plupart de ses projets. Pourtant, celle-ci n'a pas vu le mal dans le premier film du réalisateur, une peinture

accablante, mais très subtile, de la vie provinciale en Espagne dans les années 60, marquée par le poids de

l’Église et la répression morale et sexuelle. Adapté d'un roman de Miguel de Unamano, le film procède par

de remarquables ellipses, autour de la vie quotidienne d'une petite famille, sans la mère, décédée, avec sa

sœur pour la remplacer. Le climat oppressant culmine dans deux scènes violentes , volontairement courtes.

Le personnage de la tante Tula, énigmatique par certains points, est sublimée par le jeu de l'actrice Aurora

Bautista. La tía Tula, de par sa finesse narrative, son ambiguïté constante et la qualité de sa mise en scène,

mérite amplement sa place de grand classique du cinéma espagnol.

 

L'appartement (El pisito), Marco Ferreri, 1958

Des trois premiers longs-métrages de Marco Ferreri, tous tournés en Espagne, El cochecito est sans doute

le plus connu mais il ne faut pas négliger pour autant El pisito (L'appartement). A Madrid à la fin des années

1950, la crise du logement sévit. Rodolpho et Pietra ne se sont toujours pas mariés faute de posséder leur

propre appartement. Afin d'en récupérer un, Rodolpho se résigne à épouser la vieille Martina, mourante.

Voilà, tout est dit dans le synopsis et cette comédie noire, souvent chaotique et très bruyante, avec des

actions et des dialogues qui se chevauchent, n'est pas si loin, dans l'esprit, de l'Affreux, sales et méchants

de Scola. Le film eut la chance de ne pas déplaire à la censure, contrairement à d'autres films sur le même

sujet, à l'époque, en Espagne, dont le tort était de ne pas user d'une veine satirique.

 

Fata Morgana, Vicente Aranda, 1965

Autodidacte, le Barcelonais Vicente Aranda coréalise un premier long métrage aveant de se lancer en solo,

avec Fata Morgana. Cette dystopie mystérieuse, où il est question d'un meurtre qui va être commis, avec

une sublime jeune femme pour cible (Teresa Gimpera), évolue dans un climat onirique, ou surréaliste, si l'on

préfère, avec une tendance pop, celle-là même que l'on retrouvera plus tard dans Modesty Blaise ou

Barbarella. Volontiers opaque et malheureusement à peu près dénué d'humour, le récit de Fata Morgana,

témoigne cependant, comme les premiers films de Carlos Saura, d'une liberté nouvelle dans un cinéma

espagnol jusqu'alors bridé par la censure franquiste.

 


02/02/2025
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Faisceau de vieux films (Janvier/2)

El crimen de la calle de Bordadores, Edgar Neville, 1946

En ces temps difficiles de 1946, sous la dictature de Franco, un film comme El crimen de la calle de Bordadores montre que le spectacle de divertissement pouvait se parer de qualités qui en font aujourd'hui un véritable classique. Dans cette affaire d'assassinat d'une vieille dame riche, Edgar Neville s'amuse habilement avec les retours en arrière, surprend avec un twist final, joue avec une pincée d'humour noir et un soupçon de mélodrame. Mais c'est surtout un tableau très vivant de la société madrilène au tournant du XXe siècle.

 

A hierro muere, Manuel Mur Oti, 1962

Une coproduction entre l'Espagne et l'Argentine, fortement influencée par Hitchcock, avec un verre de lait qui joue un rôle primordial, et Clouzot (le film a été exploité sous le titre Les démoniaques, au Canada). Un bon film noir, avec les habituels ingrédients du genre, où un crime peut en cacher un autre et où les deux coupables jouent au chat et à la souris, non seulement avec la police, mais aussi entre eux, pour se disculper. Mise en scène au cordeau de Manuel Mur Oti, dont on n'oublie pas qu'il a signé l'extraordinaire Cielo negro, et interprétation presque parfaite.

 

Vida en sombras, Lorenzo Llobet-Gracia, 1949

Grâce à la filmothèque de Barcelone, qui l'a restauré en 2012, Vida a sombras, l'unique long métrage de Lorenç Llobet Gràcia a pu renaître, dans la version voulue par le réalisateur, avant les coupes exigées par la censure franquiste. L'histoire est inspirée de la propre existence du cinéaste, fou de cinéma depuis son enfance et précurseur, d'une certaine façon, du cinéma d'auteur. Le film consacre une grande place à la guerre civile, sans prendre parti, et penchant même du côté de la gauche, ce qui lui a valu d'être tronqué et pratiquement pas distribué dans les salles espagnoles, avant d'être exhumé bien des années plus tard. Dégoûté, Llobet Gràcia, a définitivement abandonné le cinéma au début des années 50. Vidas en sombras, dans lequel plusieurs extraits de films des frères Lumière, de Chaplin et d'Hitchcock sont montrés, est désormais un grand classique du cinéma espagnol et le mérite amplement.

 


14/01/2025
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Faisceau de vieux films (Janvier/1)

Portrait de l'enfer (Jigokuhen), Shirô Toyoda, 1969

L'antépénultième film de Shirô Toyoda, de nouveau une adaptation littéraire, se déroule durant l'ère Heian (794-1185). C'est à un fascinant jeu cruel que l'on assiste entre un souverain tout-puissant, qui se targue d'être le protecteur des arts, sans voir la misère de son peuple, et un peintre d'origine coréenne, auquel on demande des tableaux paradisiaques et qui ne peut s'y résoudre, eu égard à l'enfer qu'il aperçoit autour de lui. Ce dialogue entre ces deux personnalités obstinées est imprégné d'un climat spectral et de visions d'horreur qui vont crescendo. Toyoda maîtrise à la perfection le fantastique et la surenchère, dans une somptuosité visuelle de tous les instants.

 

Choueki juhachi-nen, Tai Katô, 1967

18 ans de prison, c'est ce à quoi a été condamné le héros du film, en 1947, alors que cet ancien soldat tente d'aider certains de ses compatriotes avec le marché noir. L'occupation américaine est clairement désignée comme responsable des difficultés de l'après-guerre japonais mais la prison, avec sa corruption et ses rapports de force, n'est pas non plus un lieu d'épanouissement. Un film nerveux et efficace mais avec une mise en scène qui suit d'un peu trop près les préceptes du film noir et ne laisse pas suffisamment de temps pour approfondir la psychologie de ses personnages.

 

Sexy Line (Sekushi Chitai), Teruo Ishii, 1961

Un portrait sur le vif des bas-fonds de Tokyo, au tournant des années 60, entre voyous, prostituées, flics et la foule des badauds. Du cinéma vérité pour le cadre mais sur le fond un recyclage un brin scolaire du genre noir, avec ses coïncidences, ses hasards et son humour piquant. Les personnages féminins ont un peu d'épaisseur et les masculins beaucoup moins. De quoi se distraire sans se prendre la tête.

 


12/01/2025
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Fagot de vieux films (Décembre/3)

The living Magoroku (Ikite iru Magoroku), Keiduke Kinoshita, 1943

Sorti en 1943, le deuxième long métrage de Keisuke Kinoshita est nécessairement une oeuvre de propagande mais celle-ci apparaît aujourd'hui comme plutôt légère et surtout basée sur la solidarité et la tradition, sauf quand celle-ci (la culture d'un champ jamais exploité depuis une vieille bataille) doit se plier à l'effort de guerre. L'esprit communautaire et l'hommage à ceux qui se battent sur le front pour le pays irriguent le film mais l'on y retrouve déjà le talent de Kinoshita pour le romanesque, sa bienveillance pour ses personnages et sa sensibilité à l'humain.

 

Fantômes japonais (Yotsuya Kaidan), Shirô Toyoda, 1965

Yotsuya Kaidan, à l'origine pièce de théâtre kabuki, a connu maintes adaptations sur grand écran, avec notamment Kinoshita, Nakagawa et Misumi. De Shirô Toyoda, fin adaptateur d'oeuvres littéraires, cette version joue beaucoup plus sur le suspense que sur l'horreur, et si la mise en scène reste fluide, les transitions sont assez souvent abruptes, ce qui pourrait s'expliquer par le fait que le film durait trois heures à l'origine, ce qui n'est pas confirmé. Quoi qu'il en soit, Fantômes japonais, avec ses assassinats en série et ses hallucinations multiples peut difficilement se ranger parmi les plus grandes réussites de Toyoda.

 

La vie d'un tatoué (Irezumi ichidai), Seijun Suzuki

La vie d'un tatoué va bien au-delà de ce que son titre laisse entendre et ne se cantonne pas à un énième film de bagarres au sein du monde des Yakuzas. C'est aussi une évocation historique, celle du Japon de 1925, où ceux qui ont quelque chose à fuir ou à se reprocher voient la Mandchourie lointaine comme un eldorado possible. La chronique sociale a également du sens et la double intrigue sentimentale brille par intermittence, sans s'autoriser une quelconque mièvrerie. Sobre et limpide, le style de Suzuki s'emballe pour un final excitant et virtuose où meurent les illusions mais pas l'espoir.

 


24/12/2024
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