Oldies
Fagot de vieux films (Novembre/1)
Les bonnes nouvelles (Buono notizie), Elio Petri, 1979
Le dernier film de Elio Petri, avant sa mort prématurée, est une comédie noire, avec quelques moments hilarants malgré son pessimisme insondable. A travers son personnage principal, interprété par un remarquable Giancarlo Giannini, accompagné des excellentes Aurore Clément et Angela Molina, c'est tout l'absurdité et la violence du monde qui est montré. Rome est envahie de détritus, le terrorisme assassine au quotidien, les grèves s'enchaînent et nombre d'individus sont frappés par des maladies mentales. Là où il y a de la géhenne, il n'y a pas de plaisir, et l'être humain n'a guère d'autres sujets de conversation que le sexe et la mort. A part cela, dans un esprit proche de celui de Lina Wertmuller, le film est très drôle, mais oui !
Nous, les vivants (Noi vivi), Goffredo Alessandrini, 1942
Tourné en 1942 et adapté d'un roman américain, Nous, les vivants a connu un destin tumultueux. Le diptyque constitué de Noi, vivi et de Addio, Kira! est sorti en salle durant quelque mois, dans l'Italie fasciste, avant d'être retiré de l'affiche, la censure s'étant aperçue que le pamphlet anti-communiste était compris par le public comme une attaque insidieuse contre le régime de Mussolini. Grâce à la seule copie restante, le diptyque est finalement ressorti en 1986, sans doute expurgé de certaines scènes "fascisantes", sur une durée de 3 heures. Le récit ressemble aux gros romans russes classiques avec un égal mélange de sentiments exacerbés et de réalisme social. Certaines situations semblent peu crédibles dans l'URSS post-révolutionnaire mais le personnage de Kira, partagé entre deux hommes, aux opinions opposées, reste fascinant, grâce au jeu intense et subtil de la jeune Alida Valli. Au-delà, c'est toute l'étendue de la corruption des âmes et des coeurs, en temps de dictature, qu'elle se prétende ou non prolétaire, qui tient le premier rôle.
Les fleurs du soleil (I girasoli), Vittorio de Sica, 1970
Dans les 14 films que Sophia Loren et Marcello Mastroianni ont tourné ensemble, Les fleurs du soleil est
loin d'être souvent autant cité que Mariage à l'italienne ou Une journée particulière, par exemple. Son thème
est assez récurrent au cinéma : un amour fracassé par une guerre, avec ici le contexte particulier des
soldats qui ne sont pas revenus au pays et ont refait leur vie. Si Vittorio de Sica maîtrise bien son récit, avec
quelques très belles scènes, plusieurs passages ont du mal à être crédibles, en particulier la quête de
l'héroïne en Russie, à la recherche de son mari disparu. Le tout montre cependant une certaine délicatesse,
se plaçant d'abord du côté de l'épouse abandonnée, une bonne idée eu égard à la prestation émouvante
de Sophia Loren. Le personnage joué par Mastroianni est pour sa part bien moins développé. La dernière
scène appartient au mélodrame le plus pur, qui tient surtout grâce à l'alchimie des deux acteurs.
Fagot de vieux films (Octobre/1)
Les roses éclosent sur le rosier (Bara no ki ni bara no hana saku), Hiroshi Edagawa, 1959
Des 10 films du millésime 1959 de la filmographie de Ayako Wakao, Herbes flottantes et Goodbye, Hello sont les fleurons, mais l'actrice a tout de même tourné dans 8 autres longs-métrages, cette année-là. Parmi eux figure Les roses éclosent sur le rosier (traduction française sans doute littérale) qui est le premier film de Hiroshi Edagawa, lequel, selon IMDB, n'en aurait tourné qu'un autre. C'est un mélodrame, plutôt classique mais pas inintéressant, autour d'une jeune femme, orpheline depuis la guerre, qui étudie dur mais dont les projets de mariage, avec un architecte, pourront difficilement se concrétiser, car sa soeur travaille en tant que prostituée. C'est donc le roman d'une jeune fille pauvre dans l'après-guerre, au Japon, condamnée à porter le fardeau de ses modestes origines.
Le moment du doute (Fushin no toki), Tadashi Imai, 1968
Parfois appelé Le moment du doute, le film ne s'adresse pas aux admirateurs de Tadashi Imai car il ne s'agit nullement d'un projet personnel. Il avait surtout vocation à plaire aux adorateurs de Ayako Wakao et de Mariko Okada, l'une et l'autre excellentes, voire de Mariko Kaga ou de Jiro Tamiya, le mâle de l'affaire, pris par sa propre faute dans une situation inextricable. L'histoire est celle d'un publicitaire qui voit, à quelques mois près, sa maîtresse puis sa femme lui donner un enfant. A moins qu'aucun des deux ne soit de lui, puisqu'il est censé être infertile. Bref, il s'agit d'une comédie à forte dose ironique, qui met à mal la virilité de l'homme japonais de la fin des années 60.
Bury me deep (Watashi o fukaku), Umetsugu Inoue, 1963
Bury me deep est un polar plutôt qu'un drame, hormis dans ses 5 dernières minutes, dignes d'un vrai mélo. Mais avant la révélation finale, que de cadavres sur la route d'un avocat, très courtisé par ces dames, et qui a le grand tort de rarement fermer son appartement ou d'en laisser la clé un peu trop facilement. Ayako Wakao resplendit une fois de plus dans un rôle très trouble mais la vraie vedette du film est l'excellent Jirô Tamiya, vu dans de nombreux longs-métrages de Masumura, notamment, qui s'est suicidé à l'âge de 43 ans.
Fagot de vieux films (Septembre/1)
The Story of a Blind Woman (Onna mekura monagatari), Kôji Shima, 1965
Difficile de classer ce film peu connu de Kôji Shima, lui-même un cinéaste prolifique mais moyennement
considéré. L'histoire de cette masseuse aveugle oscille entre mélodrame, romance et parfois comédie
légère et un brin licencieuse. Pas de quoi se relever la nuit, donc, sauf pour les inconditionnels de Ayako
Wakao qui est, comme toujours, splendide.
Ojôsan, Tarô Yuge, 1961
Actif comme réalisateur entre 1960 et 1971, Tarô Yuge a réalisé une trentaine de longs-métrages, parmi
lesquels Ojôsan semble l'un des plus connus, sans doute grâce à la présence de Ayako Wakao qui y est
agréablement pétillante. Il s'agit d'une comédie (très) légère sur les incertitudes du couple, en général, et
sur la fidélité et la jalousie, en particulier. Peu d'ambition dans la réalisation et un récit inoffensif, malgré une
poignée de scènes oniriques. Mais bon, il y Ayako Wakao et quand on l'aime, on ne s'ennuie jamais en sa
présence.
Allez voler un million de dollars (Hyakuman-doru o tatakitase), Seijun Suzuki, 1961
L'un des 6 longs-métrages portant le millésime 1961 dans la filmographie de Seijun Suzuki. Une commande
que le réalisateur honore avec sobriété et sans enthousiasme apparent. L'histoire est on ne peut plus banale
,celle d'un jeune garçon qui ne jure que par la boxe pour réussir dans la vie. Celui qui l'a accompagné de
son île vers Tokyo, n'a pas le même destin, sous la coupe de yakuzas. Le combat final, d'une honnête
facture, ne fait pas oublier le côté prévisible et sans éclat de l'ensemble. Pour être indulgent, parlons d'une
petite victoire aux points (poings), parce que l'on ne s'ennuie pas une seule seconde.
Fagot de vieux films (Août/6)
La sombra del caudillo, Julio Bracho, 1960
Julio Bracho, le réalisateur de La sombra del caudillo, ne put jamais voir son film projeté dans les salles
mexicaines. En raison d'une grande ressemblance avec des faits politiques réels, il fit l'objet d'une
interdiction par les autorités mexicaines, durant 30 ans. Le public ne put y accéder qu'à partir de 1990 et
figure désormais dans les listes des 100 meilleurs films mexicains de tous les temps. Situé dans les années
qui ont suivi la fin de la révolution, dans les années 1920, le film raconte sans emphase la lutte pour
l'accession au pouvoir de deux candidats à la présidence, l'un adoubé par le chef de la nation en place,
l'autre non, en dépit de sa popularité. Cette plongée dans le marigot politique se révèle passionnante, à
base de trahisons, de coups fourrés et d'assassinats. La sombra del caudillo n'a rien à envier aux
meilleurs productions du genre, américaines, par exemple, porté par une interprétation sans faille et une
mise en scène d'une parfaite précision. Une salade mexicaine pimentée, à peine adoucie par une légère
pointe de romance.
Femmes interdites (Sensualidad), Alberto Gout, 1951
Quelle idée d'avoir traduit Sensualidad par ce Femmes interdites, au pluriel aussi singulier qu'inexact. Une
seule femme occupe constamment l'écran, danseuse, séductrice et cupide. A son tableau de chasse
figurent notamment un voyou sans scrupules, un juge inflexible, dont elle veut se venger pour l'avoir
incarcérée et le fils du susdit, cette fois par amour, enfin peut-être. Le film d'Alberto Gout pousse les feux
du mélodrame mexicain à son paroxysme, avec situations explosives et interprétations excessives, sans
oublier quelques suaves chansons et des danses endiablées pour détendre l'atmosphère. Entre comédie
musicale et suspense, entre trahisons et escroqueries, la tragédie sera au bout du chemin. En femme fatale,
au déhanché suggestif et au décolleté aguichant, l'éternelle Ninón Sevilla fait langoureusement la maille.
L'employé (El dependiente), Leonardo Favio, 1969
En Argentine, Leonardo Favio est connu pour ses talents multiformes : chanteur, compositeur, acteur, scénariste et réalisateur, notamment du très singulier El dependiente. Dans une forme minimaliste et un assez beau noir et blanc, le film dépeint le quotidien d'un employé de quincaillerie, sans qualités particulières, qui obéit le jour à son vieux patron, dont il espère la mort pour hériter de sa boutique, et se rend le soir chez celle qui est future promise, laquelle vit avec sa mère fantasque et son frère, déficient mental, sans oublier un chat quelque peu malmené par ses propriétaires. Le climat est surréaliste, proche de celui des films du grand cinéaste argentin des décennies précédentes, Leopoldo Torre Nilsson, mais avec un soupçon d'humour en plus, noir ou jaune, difficile à dire. Le film se termine par un travelling arrière qui rappelle celui de La gueule ouverte de Pialat. Portrait de l'enlisement dans la vie provinciale, El dependiente est indéfinissable avec ses silences et ses dialogues qui ne disent rien et beaucoup à la fois, sur l'étrangeté des rapports humains.
Fagot de vieux films (Août/5)
Akutarô, l'impénitent (Akutarô), Seijun Suzuki, 1963
Mignon n'est pas le qualificatif habituellement dévolu au cinéma de Seijun Suzuki mais Akutarô donne ce sentiment, parmi d'autres, profonds, dont la tristesse qui émane du dénouement. Le film a souvent un ton de comédie, voire de burlesque, pour fustiger l'ordre qui règne dans un établissement scolaire qui privilégie la discipline et la morale à toute autre caractéristique. Le héros adolescent est donc un rebelle, prêt à défier l"autorité, en attendant de vivre sa vie à Tokyô, loin de la bourgade rurale où sa mère l'a abandonné. Le film se déroule au début de la deuxième décennie du XXe siècle, à l'ère Taishô, en un temps où la culture occidentale pénètre progressivement au Japon, symbolisée ici par un roman de Strindberg. Adapté d'un roman autobiographique, Akutarô, de par son ironie sociale et sa remarquable reconstitution d'époque, constitue une belle illustration du talent de Suzuki, quoique de manière moins spectaculaire qu'à l'habitude.
Dix femmes en noir (Kuroi jûnin no onna), Kon Ichikawa, 1961
Pour mettre fin aux agissements d'un séducteur compulsif, neuf de ses maîtresses et sa propre épouse, ont décidé de l'éliminer. Cependant, comme il s'agit d'un film d'Ichikawa, cette comédie noire joue beaucoup sur l'absurde des situations et présente d'ailleurs le Casanova japonais comme un brave type qui ne cherche pas particulièrement les aventures. Le film condamne le sexisme de la société japonaise des années 60 et se moque de la télévision dont l'objectif est de "tuer" le cinéma. Mais le principal attrait de Dix femmes en noir, au-delà d'un scénario qui finit par patiner, est de voir réunies à l'écran quelques unes des plus talentueuses actrices du cinéma japonais de l'époque, dans des rôles où elles peuvent tenir des discours moins convenus que habituellement. Mais bon, on le sait, être une femme libérée n'est pas si facile ...
Tous mes enfants (Minna waga ko), Miyoji Ieki, 1963
Basé sur les archives d'une école élémentaire tokyoïte, évacuée à partir de juin 1945, le film de Miyoji Ieki livre une reconstitution très authentique, dans une veine presque documentaire, ou plutôt néo-réaliste. La pénurie de nourriture et l'endoctrinement des enfants participent de la vie quotidienne dans cette école mais les jeux de leur âge, leur débrouillardise et les bagarres fréquentes, en dehors des cours, sont aussi de la partie et, quand les adultes se désespèrent de la reddition du Japon, les gosses font la fête, car ils vont retrouver leurs parents et leur environnement familier. A hauteur d'enfants, le film rappelle le cinéma de Shimizu, en moins brillant, cependant, dans sa mise en scène.
Fagot de vieux films (Août/4)
Furin, Shigeo Tanaka, 1965
Théoricien esthétique des relations sexuelles, fermement opposé au mariage, un écrivain mène de front deux liaisons, sans état d'âme. Quand ses deux maîtresses s'installent chez lui et deviennent très liées, il se retrouve piégé dans ce triangle amoureux. L'amoralité joyeuse et légère du film fait merveille dans des dialogues enlevés qui font oublier une mise en scène assez pâle. On y parle de sujets importants avec une liberté de ton étonnante : avortement, suicide, homosexualité. Cerise sur le gâteau, Ayako Wakao est tout bonnement resplendissante.
Goodbye, Hello (Anata to watashi no aikotoba : Sayônara, konnichiwa), Kon Ichikawa, 1959
Une jeune femme qui s'interdit de se marier pour ne pas laisser seul son père, veuf et sans emploi, ce n'est pas la première fois que l'on voit cela, dans un film japonais. Mais dans Goodbye, Hello, ce n'est que l'un des aspects d'une intrigue qui évolue entre une demi-douzaine de personnages, dans une véritable ronde des sentiments, chacun d'entre semblant amoureux sans réciprocité. Une comédie vive et joliment dialoguée, qui voyage d'Osaka à Tokyo, et dans laquelle Ayako Wakao, une fois de plus, touche au sublime par son talent et sa beauté (dixit quelqu'un qui a depuis longtemps perdu de son objectivité vis-à-vis de l'actrice). Un Ichikawa mineur, bien évidemment, mais plein de vie et nuancé d'une petite touche de mélancolie, qui s'attache aux femmes japonaise modernes, actives et un brin américanisées, de la fin des années 50.
Sogeki, Hiromishi Hirokawa, 1968
Il n'y a qu'un seul moment où le héros de Sogeki se sent véritablement vivre, c'est quand il exerce son talent de tueur et peu importe quelle est la cible. Ce thriller de Hiromishi Hirokawa, ancien assistant de Kurosawa, n'a rien d'extraordinaire mais n'est pas dénué d'intérêt non plus. Une petite amie et un tueur adverse ajoutent du piment à ce film existentialiste (une citation de Camus le clôt) qui se permet quelques brèves diversions poétiques ou psychédéliques. L'acteur principal, Yûzô Kayama, vu notamment dans Barberousse et, par ailleurs, chanteur de rock, est absolument parfait dans un rôle terriblement melvillien de meurtrier au sang froid.
Fagot de vieux films (Août/3)
Retreat from Kiska (Taiheiyo Kiseki no Sakusen: Kisuka), Seiji Maruyama, 1965
Conçu comme un semi-documentaire, pour ce qui est des faits historiques, Retreat from Kiska ressemble quand même beaucoup à un long-métrage patriotique japonais, même s'il s'agit ici de l'évacuation des troupes d'une île aléoutienne en 1943, et non d'une victoire. L'occasion de montrer que le "mourrons jusqu'au dernier pour l'Empereur" n'a pas toujours prévalu dans cette opération audacieuse, une sorte de Dunkerque en modèle réduit. C'est bien fait et parfois spectaculaire, avec un militaire autoritaire et contesté aux commandes, rôle dans lequel Toshiro Mifune impose son stoïcisme à toute épreuve.
Pavane pour un homme épuisé (Nihon no seishun), Masaki Kobayashi, 1968
Dans la filmographie des grands réalisateurs, et Masaki Kobayashi en est assurément un, il convient de ne
pas négliger les longs-métrages supposés mineurs et qui recèlent parfois de belles surprises. Il en est ainsi
pour le cinéaste japonais avec, par exemple, Je t’achèterai, mais aussi Pavane pour un homme épuisé (La
jeunesse du Japon, si l'on traduit littéralement son titre original), dont la densité romanesque (une
adaptation de l'auteur japonais du célèbre Silence) et l'humanisme donnent le frisson. Au-delà d'un assez
classique affrontement entre la génération des pères, qui ont connu la guerre, et des fils, qui ne savent que
faire de cet héritage, dans le Japon de la deuxième moitié des années 60, c'est l'intelligence de la narration,
avec des flashbacks superbement enchâssés et deux voix off contradictoires, qui impressionne le plus.
Loin d'être un simple mélodrame, le film use parfois d'un ton sardonique, voire délibérément comique,
autour de son anti-héros qui a beau être considéré comme un lâche par certains de ceux qui l'entourent,
n'en est pas moins un honnête homme, avec ses failles et ses erreurs. En dépit d'une ou deux coïncidences
trop marquées dans son déroulement, Pavane pour un homme épuisé fait partie de ces pépites japonaises,
et elles sont légion, que l'on découvre avec une intense jubilation.
Le serment rompu (Hakai), Kon Ichikawa, 1962
Le serment rompu nous éclaire sur la caste des burakumin, cette caste traditionnellement rejetée par la
société japonaise car chargées des métiers « impurs », ceux liés au sang et à la mort. Ie film d'Ichikawa
n'est pas un documentaire mais une fiction se déroulant au début du XXe siècle, aux alentours de Nagano,
avec pour personnage principal un enseignant qui a promis à son père de ne jamais révéler ses origines, de
manière à ne pas être ostracisé. C'est un beau film, d'une grande délicatesse, qui devient sans doute trop
sentimental sur la fin. Mais ce sujet autour d'intouchables, qui bien que tabou de nos jours au Japon, reste
cependant une triste réalité.
Fagot de vieux films (Août/2)
L'âge du mariage (Konki), Kôzaburô Yoshimura, 1961
Rien que pour ses actrices : Ayako Wakao, Machiko Kyô et Hitomi Nozoe, L'âge du mariage mérite d'être vu. La première, toujours aussi belle, même affublée de lunettes, joue à contre-emploi une (presque) vieille fille, puisqu'elle approche des 30 ans ! Les trois soeurs vivent ensemble, aux crochets du mari de l'une d'entre elles, lequel suscite peu d'empathie de par ses tromperies en série. Mais c'est bien d'une comédie qu'il s'agit, riche en dialogues, délicieusement féministe, où l'on apprécie entre autres la présence dune bonne âgée, qui veille sur tout ce petit monde, toujours à deux doigts de l'insolence. Même si l'on retient surtout de Kôzaburô Yoshimura ses drames, il montre le même talent de mise en scène, sur un registre plus léger, véritable et malicieuse chronique domestique japonaise du début des années 60.
Deep River Melody (Furyu fugakawata), Sô Yamamaura, 1960
Acteur à près de 200 rôles, Sô Yamamura a aussi réalisé 6 films. Deep River Melody est un charmant mélodrame bien rythmé, où un amour contrarié tient la première place, au milieu de vicissitudes financières, de problèmes de statut social et de pressions familiales. Le thème aurait pu convenir à Mikio Naruse qui en aurait sans doute fait quelque chose de plus poignant mais la mise en scène de Yamamura, vive et inspirée, de même que la qualité de l'interprétation, en font un spectacle très agréable et émouvant.
Modae, Umetsugu Inoue, 1964
Connu aussi sous le titre explicite de The Night of the Honeymoon, Modae examine les conséquences de l'impuissance masculine sur une vie d'un jeune couple. Beaucoup de circonvolutions dans ce drame, néanmoins assez sensuel, qui aurait pu d'ailleurs se jouer sur un registre de comédie. Le récit piétine donc, avec quelques échappées symboliques pas toujours bien vues, et l'arrivée inopinée d'une sorte de gigolo en guise d'amant potentiel pour l'épouse frustrée. Le film bénéficie de la présence épidermique de Ayako Wakao et, en conséquence, toutes les réticences ont tendance à s'envoler.
Fagot de vieux films (Août/1)
Baie de Tokyo (Tôkyô Wan), Yoshitaron Nomura, 1962
Un polar classique, sur fond de trafic de drogue, pour sa plus grande part, avec un duo de policiers composé d'un ancien cynique et d'un jeune enthousiaste. Mais le film,prend une autre tournure, dans sa dernière partie, en approfondissant les personnages, y compris celui du criminel, complexe, marqué par son expérience pendant la deuxième guerre mondiale. Le dénouement est spectaculaire à souhait avant une note finale d'une tristesse infinie, sans illusion sur la condition humaine. Seule la mort est une délivrance.
Le contour de la nuit (Yoru no henrin), Noboru Nakamura, 1964
C'est une histoire vieille comme le monde, ou presque, vécue sous toutes les latitudes par les fleurs de bitume, aussi nommées péripatéticiennes. Yoshie, l'héroïne du film de Noboru Nakamura, cinéaste estimable, a connu un engrenage fatal, avec le choix d'un mauvais garçon en guise de naïf préambule. Entre passé, qui explique le chemin parcouru, et le présent, qui offre une possibilité de sortie d'impasse, le récit ne fait pas toujours preuve de la fluidité espérée. Quelques moments sordides sont traités avec crudité et élégance en même temps, et l'aspect très stylisé de l'ensemble dessert parfois son propos naturaliste. Cela reste un film de bonne facture, avec un dénouement moyennement probant, qui offre surtout à Miyuki Kuwano un rôle en or massif, qu'elle habille d'un talent incontestable.
La renarde folle (Koi ya koi nasuna koi), Tomu Uchida, 1962
Fascinante histoire que celle de La renarde folle, bien que certains éléments de l'intrigue restent finalement en suspens. Un film historique (au 10ème siècle) et fantastique qui se termine dans une forme de théâtre kabuki, le long-métrage de l'expérimenté et talentueux Tomu Uchida compte son lot de traîtres et de personnages mi-humains, mi-animaux (gare au goupil) mais n'est-ce pas avant tout un conte qui décrit un amour qui outrepasse la mort et dont les contours entre réalité et rêve ne cessent de s'estomper ? D'une grande beauté et à réserver en priorité aux amateurs de culture nippone.
Fagot de vieux films (Juillet/6)
Entre le ciel et la terre (Bayn el samaa wa el ard), Salah Abou Seif, 1959
Un après-midi torride, 14 habitants du Caire sont bloqués dans un ascenseur. Avec Mahfouz au scénario et Abou Seif à la réalisation, ce film représentait un véritable défi, y compris sur le plan commercial, car dénué de chants et de danses. C'est un authentique microcosme égyptien, un jus de Cairotes, qu'égratigne avec malice le scénario, avec une représentation sociale très diverse, de l'actrice au pickpocket, du couple adultère à la femme enceinte, du cuisinier avec son plat en sauce à la jeune fille suicidaire, etc. Après les scènes étouffantes en huis-clos et les situations extérieures qu'i impacte, le film se termine avec une somptueuse mise en abyme. Très drôle et remarquablement agencé, Entre le ciel et la terre connut un succès retentissant et inattendu, dans son pays, et peut être considéré comme l'un des points d'orgue de la carrière de Salah Abou Seif.
Un peu de souffrance (Chay min el adhab), Salah Abou Seif, 1969
Le film ressemble à un roman-photos, avec excès de mélodrame et une interprète trop âgée pour le premier rôle féminin.. Mais Un peu de souffrance, titre représentant un véritable euphémisme, est signé Salah Abou Seif et donc digne d'intérêt, même s'il ne s'inscrit parmi les meilleurs longs-métrages du "parrain" du cinéma égyptien. Le film pointe la différence d'âge entre un artiste au crépuscule et la jeune fille qui l'admire, dans le cadre idyllique d'une belle maison isolée, non loin de la plage. Sans imposer une morale définitive, le film dépeint les illusions de la jeunesse et l'aveuglement de la vieillesse, tout cela au nom d'un sentiment nommé amour, qui pourra aussi bien être appelé emprise, dans un cas, et désir dans l'autre. En définitive, qUelque chose comme leurre de vérité, si tant est que cette dernière existe.
Je suis libre (1na hourrah), Salah Abou Seif, 1959
Un beau portrait de jeune femme dans l'Egypte du début des années 50, pendant l'occupation britannique, peu avant la révolution de 1952. Amina, rebelle par nature, veut aller à l'université et travailler, refusant le mariage. Son évolution, féministe jusqu'à un certain point, puisque son salut passera par un homme, est contée avec efficacité par Salah Abou Seif, qui montre aussi qu'il est un véritable styliste, notamment dans sa description des rues du Caire. Si le cinéaste reste fidèle à une veine populaire, il est indéniable qu'il est aussi un auteur de valeur. Son actrice principale, Lubna Abdel Aziz, qui a débuté à l'écran 2 ans plus tôt avec le même réalisateur, tient tout le film sur ses épaules, avec un talent indéniable.