Cinéphile m'était conté ...

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Oldies


Fagot de vieux films (Avril/3)

Le squelette de madame Morales (El esqueleto de la señora Morales), Rogelio A. Rogelio A. González, 1960

Dans l'âge d'or du cinéma mexicain (1940-1960), aux noms plus ou moins familiers d'Emilio Fernández, d'Ismael Rodríguez, de Roberto Gavaldón, voire de Julio Bracho, il conviendrait sans doute d'ajouter celui de Rogelio A. González, à condition d'accéder à ses films. La découverte de Le squelette de madame Morales est en tous cas une belle source de jubilation. Cette comédie noire, aux confins du fantastique, s'en prend avec délectation à la petite bourgeoise bigote et à une Église toute-puissante, qui se veut directrice de conscience de tout un pays. La forme n'est pas en reste dans cette fable aux accents surréalistes, la mise en scène de Rodríguez osant quelques cadrages joliment biscornus. La vie conjugale en prend pour son grade et c'est à se demander qui veut la peau du taxidermiste, homme plutôt bienveillant et épicurien dont la vie de couple est devenue un enfer à cause d'une épouse confite en dévotion et habile à se poser en victime auprès de son entourage. La suavité du grand acteur Arturo de Córdova n'est pas pour rien dans le plaisir pris devant cette pépite qui se dévoile enfin au public européen.

 

Cada quién su vida, Julio Bracho, 1960

L'origine théâtrale de Cada quién su vida est très visible dans ce film de Julio Bracho. La mise en scène,

très fluide, fait souvent oublier cet écueil et les personnages, assez pittoresques, abondent dans cette nuit

de la Saint-Sylvestre, dans un cabaret de Mexico, où l'alcool et la mélancolie coulent à flots. Entre des

prostituées dont certaines recherchent le grand amour et des clients qui n'ont pas mieux à faire ce soir-là,

les histoires s'entrechoquent, fausses ou réelles, et les personnalités se dévoilent, peu ou prou. La fête est

un peu triste mais certains cœurs se réchauffent tout de même, du moins pour un temps. Un film cruel,

parfois répétitif, mais riche en humanité.

 

Les frères Del Hierro (Los hermanos Del Hierro), Ismael Rodriguez, 1961

Dans le classement des meilleurs films mexicains de tous les temps, réalisé en 1992, Les hermanos Del Hierro apparaît à la 15èmr place. Ce western a des accents shakespeariens, pour deux frères qui ont vu leur père assassiné sous leurs yeux d'enfants, et qui ont élevés dans le culte de la vengeance par leur mère. Très stylisé, parfois poétique, le film se démarque surtout par ses transitions brutales dans une spirale de violence que rien ne semble pouvoir arrêter. Pas étonnant que le film d'Ismael Rodriguez, cinéaste mexicain majeur de l'après-guerre, soit devenu un classique car il synthétise beaucoup de traits de la société de son pays, à commencer par le machisme. Les cinéphiles les plus curieux noteront les petits rôles de deux figures incontournables du cinéma mexicain : Pedro Armendáriz et Emilio Fernández.

 

 


25/04/2024
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Fagot de vieux films (Avril/2)

Après moi le déluge (I'm all right Jack=, John Boulting, 1959

Suite de Ce sacré z'héros, avec le même personnage niais et dégingandé, agent provocateur malgré lui au

sein d'une usine d'armement, Après moi le déluge s'inscrit dans la veine très féconde des comédies

sociales britanniques des années 50. Un bon film, pas exceptionnel, cependant, qui fait feu de tous bois

satiriques pour évoquer le petit monde de l'entreprise, dont personne ne sort indemne : ouvriers, syndicats

et patronat. Ce sont assurément les seconds qui reçoivent les flèches les plus acérées, ce qui a fait dire à

certains que le film était plus proche d'un esprit conservateur que travailliste. Peut-être mais ses péripéties

sont amusantes à suivre, surtout quand le prodigieux Peter Sellers est à l'écran, immense dans un rôle

assez touchant de chef syndicaliste borné et néanmoins opportuniste. Après moi le déluge ne rejoint pas

les plus grandes comédies anglaises de l'après-guerre mais reste un spectacle fort divertissant.

 

L'homme en gris (The Man in Grey), Leslie Arliss, 1943

L'homme en gris pose les jalons d'une série de mélodrames à costumes produite par le studio

Gainsborough et principalement destinée à un public féminin, dans l'Angleterre en guerre. Le romanesque

flamboyant du film et son ambiance quasi gothique se concrétisent à travers deux couples (qui n'en sont

pas) : d'une part les âmes noires et d'autre part les idéalistes victimes. Ce sont les méchants qui, comme

souvent, forcent l'intérêt, avec une interprétation somptueuse d'un James Mason plein de morgue et de

mépris et de Margaret Lockwood, véritable incarnation du mal en jupons. Cela dit, Phyllis Calvert et Stewart

Granger sont loin de démériter, en dépit de rôles moins sulfureux.

 

Penny Paradise, Carol Reed, 1938)

Le futur réalisateur du Troisième homme n'en est encore qu'à son sixième long-métrage mais possède déjà

d'une belle maîtrise de la mise en scène. Penny Paradise se déroule dans le port de Liverpool (reconstitué

aux studios Ealing) et offre un moment de chaleur humaine et d'humour (et d'un peu de cupidité) autour

d'un marin d'eau douce sur le retour, persuadé d'avoir gagné 20 000 livres au loto sportif de l'époque (à

noter que Chelsea a battu Arsenal 4-3). Quiproquos en cascade, petites romances, bonne humeur et trois

chansons pour la route. Du nanan, avec un merveilleux Edmund Gwenn, symbole de modestie et de

bienveillance, pour mener la joyeuse troupe à bon port.

 


17/04/2024
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Fagot de vieux films (Avril/1)

Hotel Splendide, Michael Powell, 1932

En 1932, un an après ses débuts de cinéaste, Michael Powell tourne 4 "Quota Quickies', des

moyens-métrages précédant le long américain dans les salles britanniques. Hotel Splendide est une

fantaisie policière sans prétention où il est question de perles, d'un chat noir et d'un hôtel défraîchi.

Précision du trait et ironie mordante : malgré la modestie du projet, quelques-unes des qualités du cinéma

de l'auteur des Chaussons rouges sont déjà présentes.

 

Her last Affaire, Michael Powell, 1936

Longtemps considéré comme perdu, Her last Affaire a heureusement refait surface et a été remastérisé

récemment. L'un des nombreux films tournés par Michael Powell dans les années 30, avant de devenir le

remarquable cinéaste que l'on connaît, Her last Affaire est adapté d'une pièce de théâtre mais ne souffre

que peu de son origine, en dépit de dialogues abondants. Cette histoire de presque meurtre, pas

passionnante en soi, est menée de main de maître par Powell, avec quelques touches d'humour et une

poignée de personnages pittoresques pour épicer le tout. Il est toujours passionnant de voir un futur grand

réalisateur faire ses gammes, fût-ce dans un espace contraint.

 

Le masque aux yeux verts (The Wicked Lady), Leslie Arliss, 1945

Il est difficile d'envisager un tel film de nos jours, eu égard à son scénario qui fait de son héroïne une garce

des grands chemins, voleuse et meurtrière. Pas de féminisme ni de sororité ici mais une suave amoralité,

que le dénouement consent à peine à atténuer. Margaret Lockwood s'en donne à coeur joie et parvient

même à éclipser James Mason, ce qui est un réel exploit. Ce qui est appréciable dans le film, pas avare en

péripéties, est sa volonté farouche de ne jamais chercher d'excuses à son personnage principal, qui

incarne le mal sans l'ombre d'un remords, ce qui rendait la vie dans la campagne de l'Angleterre du XVIIe

siècle un peu moins ennuyeuse, ne la rendait-elle pas ?

 

 


10/04/2024
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Fagot de vieux films (Mars/3)

Shiro to kuro, Hiromichi Horikawa, 1963

Avec moins de 30 films à son actif, entre 1955 et 1995, Hiromishi Horikawa n'est pas le cinéaste japonais le plus prolifique et il ne figure pas non plus parmi les plus renommés. Shiro to kuro, son thriller hitchcockien, n'est pourtant pas si mal que cela, avec un beau twist final, à son crédit, et pas mal de scènes inutiles, à son débit. Le film commence par un meurtre, celui d'un avocat qui étrangle sa maîtresse, et se poursuit par l'arrestation d'un voleur qui a eu le malheur de se trouver sur le lieu du crime. Tout du moins, c'est ce que nous croyons, car il finit par craquer en avouant l'assssinat. Quelques rebondissements plus tard, la vérité finira bien par éclater. Cela se regarde sans passion mais aussi sans ennui.

 

On devient tous fous (Subete ga kurutteru), Seijun Suzuki, 1960

Everyhthing goes wrong, The Madness of Youth ou encore On devient tous fous : le film de Seijun Suzuki possède plusieurs titres mais pourrait en adopter un seul : Un garçon en colère. Ce manifeste nihiliste, sans aucun temps mort, fait partie d'une vague de films japonais consacrés à une jeunesse désespérée et sans avenir qui rejette son mal de vivre sur la génération précédente, celle de la guerre. C'est du Suzuki pur jus, virtuose dans sa mise en scène, très dans l'air du temps mais qui, contrairement à d'autres réalisations du cinéaste, semble cette fois un peu trop fabriqué et programmatique, dans le cheminement vers une tragédie annoncée.

 

Dogora, the Space Monster (Uchû daikaijû dogora), Ishirô Honda, 1964

Dogora est un film hybride, à moitié fantastique, pour son monstre de l'espace qui se nourrit de carbone, et à moitié policier, avec une chasse policière de voleurs de diamants. Quelques scènes spectaculaires mises à part, l'ensemble ne brille pas par son originalité, avec des personnages stéréotypés (le vieux savant, le flic séduisant, la traîtresse voluptueuse, le voyou sans pitié, etc). La plus grande déception vient du monstre, sorte de pieuvre gélatineuse qui suscite plus l'incrédulité que la terreur. Le film est toutefois suffisamment rythmé et bref pour ne pas avoir le temps de s'ennuyer.

 


31/03/2024
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Fagot de vieux films (Mars/2)

La muerte camina en la lluvia, Carlos Hugo Christensen, 1948

Cette adaptation argentine de L'assassin habite au 21 souffre évidemment de la comparaison avec le premier long-métrage de Clouzot. C'est surtout du côté de l'interprétation que le bât blesse, celle-ci apparaissant fort théâtrale pour ne pas dire outrée. Pour le reste, l'atmosphère n'est pas vraiment à couper au couteau, le meilleur restant le rythme trépidant de l'action avec quelques notes humoristiques pour faire passer le tout. Et que l'on se rassure, l'assassin habite toujours au 21, là où est située la pension Babel.

 

Le coq d'or (El gallo de oro), Roberto Gavaldón) 1964

Le coq d'or ne présente pas un scénario très original, hormis le fait qu'il se déroule dans le milieu des combats de coq, mais le savoir-faire de Roberto Gavaldón et la qualité de la photographie du grand Gabriel Figueroa offrent une certain hauteur à l'ensemble. Le film est surtout prétexte à illustrer divers aspects de la culture populaire mexicaine et la production n'a pas lésiné, en particulier, sur les costumes et les chansons traditionnelles, au point qu'il s'agit presque d'une comédie musicale. Précisons qu'à l'époque la condition animale n'était pas vraiment un sujet aussi sensible qu'aujourd'hui. Fier comme un coq mais pauvre hère qui n'aura qu'un temps le droit de caresser le rêve mexicain, le héros du film est éclipsé par la prestance de la chanteuse Lucha Villa qui trouvait là son premier rôle important au cinéma.

 

Maluala, Sergio Giral, 1979

Maluala est le dernier volet de la trilogie de Sergio Giral consacrée à l'esclavage dans les Caraïbes. Le film se situe au 19ème siècle, dans un palenque, un refuge d’esclaves échappés, cachés dans les montagnes de l’Ouest de Cuba. Les autorités espagnoles tendent un piège en proposent un traité, semant la discorde entre deux des principaux chefs noirs, Gallo et Coba. Film d'action, de propagande et historique, Maluala est tout cela à la fois, naviguant avec une certaine aisance entre les ors des palais espagnol et la forêt des esclaves, avec les religieux pour intermédiaires, sans compter des trafiquants de tous poils. Le manque de moyens se fait parfois ressentir mais le film compense par une mise en scène efficace dans les combats.

 


26/03/2024
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Fagot de vieux films (Mars/1)

Les nuits faciles (Suna no ue no shokubtsu-gunà, Kô Nakahira, 1964

Mort à 52 ans, Kô Nakahira a tout de même réalisé autour de 45 films en vingt ans de carrière. Figure marquante de la nouvelle vague japonaise, il n'a pas cependant l'aura d'un Ôshima ou d'un Imamura alors que certains de ses films, Passions juvéniles et Les lundis de Yuka, par exemple, mériteraient d'être davantage connues. Ce n'est pas tout à fait le cas de Les nuits faciles, parfois opaque dans son récit surréaliste, où le noir et blanc classique est parfois aspergé de flashes de rouge. Le héros du film, hanté par son père, séducteur patenté et mort à 32 ans, se retrouve entre deux sœurs dans une relation sado-masochiste assez dérangeante. Nakahira expérimente et sacrifie un peu trop au style aux dépens d'une intrigue érotisée qui embarrasse plutôt qu'elle ne séduit.

 

Industrial Spy (Sangyo supai), Eiichi Kudô, 1968

Les treize tueurs est à peu près le seul long-métrage de Eiichi Kudô disposant d'une certaine réputation. Industrial Spy, comme son nom l'indique, est un film qui s'intéresse au vol de secrets d'entreprise, destinés à la concurrence, réalisés par un individu indépendant dont la seule motivation reste pécuniaire. Sauf que ce dernier peut parfois se faire manipuler à l'insu de son plein gré. L'histoire d'Industrial Spy n'est pas palpitante, malgré ses instants pop et ses gadgets dignes d'un James Bond de l'époque. Un cinéaste du calibre de Masumura aurait sans doute rendu l'affaire excitante mais Kudô n'a visiblement pas une once de son talent et son film, certes regardable, pêche par un manque de vivacité et une inaptitude à ménager des transitions dignes de ce nom. Tout est moyen dans ce film, y compris l'interprétation et un absolument dédain pour les personnages féminins.

 

Cuba mon amour (Kyuba no koibito), Kazuo Kuroki, 1969

En voici une curiosité japonaise ! La partie fictionnelle de Cuba mon amour n'est guère étoffée, avec un marin japonais qui débarque à La Havane, 10 ans après la révolution, et qui passe son temps à flirter avec les jolies demoiselles de l'île. Ce n'est pas A lui les petites cubaines car le propos est plutôt documentaire (extraits de discours du Che et de Castro, images de la bataille de la Baie des cochons) qui  se présente comme un état des lieux, très bienveillant et un peu didactique. Cela dit, comme la caméra est agile et se faufile partout, privilégiant l'apparente spontanéité d'un peuple qui ne saurait proférer la moindre critique à l'égard du régime, le film se voit avec un certain intérêt historique.

 


01/03/2024
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Fagot de vieux films (Février/4)

La religieuse, Jacques Rivette, 1967

Oublions son titre de sortie (Suzanne Simonin, la religieuse de Diderot), la polémique de l'époque et surtout la version de 2013, très pâle, de Guillaume Nicloux. L'aura de chef d’œuvre, concernant le film de Rivette, semble un tantinet abusive, tout comme son succès en salles fut certainement causé par le parfum de scandale. Deux couvents, deux ambiances : la fracture est nette entre ces deux lieux où souffre sœur Suzanne, forcée à l'enfermement par sa famille. Cette rebelle, face au sadisme puis à la concupiscence d'une mère supérieure, est traitée dans une austérité et un certain classicisme qui n'ont que peu à voir avec la doctrine de la Nouvelle Vague. Si le film n'est pas ennuyeux quoiqu'un peu lourd, il le doit surtout à l'excellence du jeu d'Anna Karina, omniprésente, dans cette œuvre pas aussi anti-cléricale que décrété par ceux qui ont réclamé son interdiction et qui, évidemment, ne l'avaient pas vu. Rivette a modifié la fin du roman, c'était son droit mais les dernières minutes, vite expédiées, ne sont pas ce qu'il y a de mieux dans le long-métrage. Si jamais un classement des meilleurs films de couvent était réalisé, La Religieuse serait à coup sûr dans un Top 5 mais pas à la première place, l'étonnant La Fourmilière (1971) de Zoltán Fábri lui étant assez supérieur, ne serait-ce que par son traitement moins pesant, plus subtil (et assez insolent) du confinement religieux.

 

Le vieil homme et l'enfant, Claude Berri, 1967

Qui pourrait détester le premier long-métrage de Claude Berri, chronique en grande partie fidèle de son "exil" à la campagne, durant les mois qui ont précédé la Libération ? L'histoire est à hauteur d'enfant, autour de l'amitié entre un ancien combattant, pétainiste et antisémite, et ce garçon juif de 9 ans, qui doit cacher ses origines. Cette vision de la France occupée n'a pas la prétention de raconter l'état des lieux de l'époque mais de saisir la sensibilité d'un enfant qui ne comprend pas tous les enjeux de la guerre mais qui joue avec les préjugés de son grand-père de circonstance en nous impliquant dans le ridicule de ces a priori. L'on attend un ressort dramatique supplémentaire, comme la confrontation attendue du vieil homme avec l'identité de son petit protégé, mais elle n'aura pas lieu. Personne ne meurt dans le film (quid de la vie des parents durant sur cette période ?) et les Allemands sont absents, de même que la Résistance, d'ailleurs. Car Berri a souhaité avant tout focaliser son intrigue sur cette relation entre un gamin innocent coupé de sa famille et un vieux bougon aux idées préconçues mais au cœur d'or. Michel Simon, au milieu d'interprétations plus ou moins convaincantes, est prodigieux dans l'un de ses meilleurs rôles de la dernière partie de sa carrière.

 

Bande à part, Jean-Luc Godard, 1964

Au fond, Bande à part c'est le Jules et Jim de Godard, avec son trio infernal et amoureux. Dans lequel, de manière presque caricaturale, il est aisé de pointer les convergences et différences du cinéaste franco-suisse avec François Truffaut. Le film raconte quelques chose de construit, chose notable chez Godard, mais de moyennement captivant, et vaguement inspiré d'un roman américain. Un ersatz de film noir, à la française, ou de série B, qui ne privilégie pas l'action mais l'intériorité, assez creuse hélas, de ses trois héros, que commente avec emphase et prétention la voix off du réalisateur. La traversée du Louvre est amusante mais bien brève et la seule scène qui mérite d'être admirée est celle de la danse dans le café où l"élégance de Sami Frey fait merveille. Anna Karina joue une ravissante idiote mais on lui pardonne car il s'agit d'un rôle de composition (pour la bêtise, pas pour la beauté) et Claude Brasseur semble un peu absent. Certains passages (le cours d'anglais) s'étirent en longueur sans raison alors que d'autres sont escamotés. Bref, ce n'est pas avec Bande à part que les pro et anti Godard peuvent se réconcilier. Les plus neutres y trouveront quelques moments agréables et le restant franchement sans intérêt.

 


20/02/2024
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La semaine d'un cinéphile (354)

Lundi 12 février

 

Longtemps, j'ai repoussé l'idée de voir La religieuse de Diderot de Jacques Rivette. Il va bien falloir que je le regarde et c'est aujourd'hui.

 

 

Mardi 13 février

 

Plus que 8 jours avant le festival Viva il Cinema ! de Tours, avec quelques inédits qui d'ailleurs le resteront sans doute ensuite.

 

 

Mercredi 14 février

 

Ces temps derniers, je ne me rends qu'une fois en ville par semaine, pour aller au cinéma. Cela changera quelque dans 8 jours.

 

 

Jeudi 15 février

 

J'entretiens depuis toujours une relation contrastée avec Jean-Luc Godard. Cela ne m'empêche pas de revenir vers lui, à intervalles réguliers.

 

 

Vendredi 16 février

 

Je retourne toujours vers le patrimoine japonais. Avec l'envie d'explorer davantage l'univers de Kô Nakahira, par exemple.

 

 

Samedi 17 février

 

Je n'ai toujours pas vu Le jeu de la reine. Sans doute vais-je devoir attendre le 27 mars. C'est long, après sa présentation cannoise.

 

 

Dimanche 18 février

 

Tranquillité du dimanche. Avec un vieux film japonais qui se déroule à Cuba. Cela ne peut pas être anodin.

 

 

 


18/02/2024
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Fagot de vieux films (Février/3)

Les mauvais coups, François Leterrier, 1961

Avant de venir à un cinéma commercial, François Leterrier a commencé avec de réelles ambitions puisque Un roi sans divertissement a suivi Les mauvais coups, son premier long-métrage, une adaptation d'un roman de Roger Vailland, située dans la campagne française, dans un automne (ou un hiver) sinistre. Un film avec principalement trois personnages, dont un couple usé et une jeune femme qui vient de débarquer. L'ambiance est souvent détestable entre le mari et la femme, la seconde noyant dans l'alcool sa crainte ou son désir, peut-être les deux, que son époux ne succombe à la tentation de la nouvelle venue. Le scénario n'est pas très étoffé mais l'atmosphère épaisse fait son oeuvre et c'est surtout un régal de voir une Simone Signoret parfaite face à une Alexandra Stewart éclatante de beauté et déjà excellente actrice malgré son jeune âge.

 

Mon oncle Benjamin, Edouard Molinaro, 1969

N'oublions pas que Mon oncle Benjamin date de 1969 et que le (re)voir avec le prisme de 2024 serait une funeste erreur. Il y a une bonne dose d'esprit français dans ce film déluré, entre Ronsard et Rabelais, qui fait l'apologie de l'épicurisme et du libertinage et qui moque les privilèges des puissants, riches ou nobles, dont la morgue et le mépris méritent bien l'opprobre, de nos jours encore. Molinaro n'est pas un grand cinéaste, tout juste un bon artisan, mais il avait sous la main un matériau de choix et il a su donner du rythme et de l'allure à un long-métrage qui rappelle ceux de de Broca, avec un soupçon de paillardise en plus. C'est donc fort agréable à regarder, d'autant qu'à côté de Jacques Brel, qui ne montre que peu ses lacunes d'acteur, les seconds rôles sont somptueux, de Paul Frankeur à Paul Préboist, en passant par Bernard Blier, Lyne Chardonnet, Rosy Varte, Robert Alban, Alfred Adam, Bernard Alane et, surtout, la magnifique Claude Jade.

 

L'insoumis, Alain Cavalier, 1964

Le combat dans l'île, L'insoumis et Mise à sac : les trois premiers longs-métrages d'Alain Cavalier, dont les deux premiers ont eu maille à partir avec la censure, impressionnent encore aujourd'hui par leur maîtrise. Ils vieillissent moins que bien des œuvres des années 70 et 80, de par leur sécheresse narrative qui s'accompagne d'une sorte de romantisme noir. L'insoumis se déroule à une époque soigneusement évitée par le cinéma français, à savoir les derniers soubresauts de la guerre d'Algérie, marqués par les actions désespérées de l'OAS. Mais le film abandonne vite son aspect politique pour se centrer sur son personnage principal, un déserteur qui a ensuite libéré l'otage qui était sous sa surveillance. Cet homme, à force de mauvais choix, se retrouve au bout de sa route et son parcours final s'apparente à un calvaire, avec la blessure physique qui le fait souffrir autant que celle, psychologique, qui le taraude. L'histoire d'amour qui arrive inopinément n'offre pas le meilleur côté de L'insoumis mais Lea Massari, énigmatique, et Alain Delon, magnétique, dans l'un de ses tout meilleurs rôles, font de ce couple maudit quelque chose d'obscurément beau. Concis et viscéral, ce film, longtemps invisible, a sa place dans les anthologies du cinéma français.

 


18/02/2024
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Fagot de vieux films (Février/2)

La vie en rose, Jean Faurez, 1948

Avec le même dispositif que La vie de plaisir d'Albert Valentin, tourné sous l'Occupation, La vie en rose, qui n'a rien à voir avec Édith Piaf, raconte doublement la même histoire selon des interlocuteurs différents. Le procédé fonctionne parfaitement et annonce, avec modestie, ce que Kurosawa, puis récemment kore-eda, en feront, avec bien plus de brio. Malgré tout, il est dommage que le film, à l'instar de son auteur, Jean Faurez, soit tombé totalement dans l'oubli, tellement il s'en exhale un charme désuet, qui en fait une des œuvres parmi les plus attachantes de l'après-guerre. Si François Périer, Simone Valère et la gracieuse Colette Richard font partie de la distribution, les deux vedettes en sont le remarquable Louis Salou, à la voix si reconnaissable, et Henri Jeanson, dont les dialogues, surtout dans la toute première partie, pétillent par leur humour et leur aisance pour faire ressortir l'élégance de la langue française, quand elle est châtiée, ce qui, convenons-en, n'est plus guère la coutume dans le cinéma hexagonal de ces dernières années. Et au final, à l'inverse du titre joyeux qu'il porte, La vie en rose s'impose surtout par sa mélancolie profonde et le peu de résistance des rêves face à l'impitoyable réalité.

 

Un roi sans divertissement, François Leterrier, 1963

Un roi sans divertissement est une anomalie, pour plusieurs raisons. Dans le cinéma français du début des années 60, tout d'abord, car il se situe bien loin de la Nouvelle Vague et à égale distance des films des réalisateurs classiques et chevronnés de l'époque. Ensuite, il témoigne des relations complexes de Giono avec le cinéma, lui qui n'a tourné qu'un seul long-métrage et qui, ici, réécrit totalement son roman éponyme. Enfin, François Leterrier, après quelques films ambitieux, s'est tourné vers des productions commerciales insipides dont Goodbye, Emmanuelle et Je vais craquer sont les pépites (rires). Un roi sans divertissement est un film fascinant pour son atmosphère enneigée et ses silences languissants et agaçant pour ses prétentions métaphysiques quant à la nature ou la condition humaine, on ne sait plus trop, et la tentation du mal qui guette chacun d'entre nous. Il est vrai que quelques gouttes de rouge sur un tapis blanc, en hiver, c'est joli, et qu'une chanson de Brel pendant les deux génériques, c'est la classe ultime. Et puis n'oublions pas Colette Renard et Charles Vanel, remarquables, qui dament le pion à Claude Giraud, plutôt fade.

 

Le défroqué, Léo Joannon, 1954

Comment les spectateurs, fort nombreux, réagirent-ils aux projections du Dédroqué, lors de sa sortie en 1954, et notamment les fervents catholiques ? Faute de le savoir, voir aujourd'hui le film de Léo Joannon, assez bon artisan du cinéma français, reste une expérience fort intéressante, en essayant de se mettre au diapason d'une époque qui avait d'autres valeurs que celles d'aujourd'hui. Il y a une extrême violence dans ce portrait d'un ancien prêtre qui n'a de cesse d'insulter la religion, alors même que ses amis l'ont embrassée, y compris l'un deux, rencontré au stalag, qui se déclare son disciple. Ce mélodrame passionnel est à la fois brillant dans sa narration et assez souvent au bord de la rupture et du ridicule, avec deux scènes en particulier, dantesques : celle du cabaret et celle du dénouement. Et l'on ne peut qu'être impressionné par la performance de Pierre Fresnay, complètement habité par son rôle. Dans ce combat entre Judas et Jésus, où tous les coups sont permis, le spectateur se mue en arbitre et évite de peu le K.O technique. Une sacré film, dans toutes les acceptions du terme.

 

 


11/02/2024
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