Oldies
Faisceau de vieux films (Avril/4)
Femmes de tokyo (Onna no saka), Kôzaburô Yoshiwara, 1960
Nonobstant son titre, Femmes de Tokyo se déroule presque intégralement à Kyoto. Porté notamment par la vive Mariko Okada et le ténébreux Keiji Sada, le Gregory Peck japonais, le film trace le portrait de Aeki, jeune femme qui a repris la vieille confiserie familiale. Son histoire d'amour avec un artiste marié et ses relations avec sa mère et son oncle, concurrent de sa petite entreprise, contribuent à rendre le long métrage mélancolique, dans son interrogation sur le statut de la femme japonaise, au début des années 60. Avec un montage tranchant et une mise en scène constamment élégante, Yoshimura délivre un petit film exquis, sans fioritures.
Le vent, encore (Kaze futatabi), Shirô Toyoda, 1852
En dépit de la finesse de la mise en scène de Shirô Toyoda et de la qualité de l'interprétation, avec notamment Setsuko Hara, Le vent, encore est un film mineur, une sorte de comédie romantique, avec quelques rebondissements et un épilogue prévisible. L'héroïne, jeune divorcée, doit en effet choisir entre un garçon de son âge, qui va exercer son métier de scientifique à Hokkaido, et un homme plus âgé, veuf et décidé à se remarier. Le long métrage est assez lisse et les seconds rôles pas vraiment valorisés.
Le tambour brisé (Yabure-daiko), Keisuke Kinoshita, 1949
Le cinéma de Kinoshita peut-être franchement mélodramatique ou glisser vers la comédie, comme dans Le tambour brisé, portrait d'un tyran domestique dont le pouvoir de nuisance sur ses 6 enfants et son épouse ne cesse de s'affadir, en même temps que son entreprise de construction se dirige vers la faillite. Le ton est à la gaieté, à la farce, même, parfois, mais le sujet, en lui-même, évoque les temps difficiles du Japon, quelques années après la capitulation, et une remise en question de la famille, jusqu'alors soumise à la figure autoritaire du père. Ce n'est pas l'un des meilleurs Kinoshita et comporte quelques longueurs mais on y retrouve la bienveillance du cinéaste envers ses personnages, avec la capacité qu'il leur donne à devenir plus humains.
Faisceau de vieux films (Avril/3)
Frénésie d'été (Frenesia dell'estate), Luigi Zampa
Un film choral très anecdotique qui n'ajoute rien à la gloire de Luigi Zampa, avec plusieurs petites histoires dont aucune ne mériterait un court-métrage. Il y a cependant quelques scènes amusantes et d'autres un peu plus gênantes, notamment en lien avec l'homosexualité. Les hommes sont dans l'ensemble couards et les femmes semblent les préférer plus idiots et hâbleurs que la moyenne. Un peu de piment avec de belles actrices dont une adorable Michèle Mercier mais Vittorio Gassman est, pour une fois, peu inspiré dans un rôle guère valorisant. Une comédie italienne à marée basse.
Sluzbeni polozaj, Fadil Hadzic, 1964
Le quatrième film de Fadil Hadžić se déroule dans une entreprise de l'industrie textile, dont le directeur commercial manipule les comptes, tout en corrompant ses collègues et en s'enrichissant lui-même. Nul doute qu'ici le "méchant" est particulièrement réussi dans un récit agencé avec une maîtrise de tous les instants. Les dialogues sont cinglants et l'idéal communiste bien écorné ("Mercure, dieu du commerce, n'avait pas lu Marx", peut-on entendre). Un classique du cinéma yougoslave au discours politique et social sans fioritures.
Chemie und Liebe, Arthur Maria Rabenalt, 1948
Réalisé en 1948 pour le compte de la DEFA, créée deux ans auparavant dans la zone allemande soviétique, Chemie und Liebe est un pur produit anti-capitaliste. Son côté propagandiste se marie assez subtilement à un style rapide, hérité des comédies américaines, avec un point de départ détonant : l'invention d'un chimiste, qui a réussi à transformer l'herbe en beurre, en se passant du lait des vaches. Incongru, de même que la présence d'un narrateur qui agit dans la peau de différents personnages. Délirant, mais pas trop, cela reste un objet de curiosité et de divertissement, loin de l'excellent niveau de certains films postérieurs de la DRFA, signés Staudte ou Maetzig, par exemple.
Faisceau de vieux films (Avril/2)
Condenados, Manuel Mur Oti, 1953
Troisième long métrage de Manuel Mur Oti, Condenados a été tourné après son meilleur film, Cielo negro. Ce drame rural d'une puissance visuelle certaine s'engage sur le chemin du mélodrame rural avec force mais la musique omniprésente de Beethoven, le surjeu occasionnel de Aurora Batista et un dénouement tragique trop attendu plombent quelque peu l'intérêt, bien que l'ensemble soit plus que décent dans sa noirceur, se critique sociale sous-jacente et son érotisme latent. Entre expressionnisme et néo-réalisme, son style seul suffit à en faire un classique du cinéma espagnol sous Franco, dont on sent bien les efforts pour ne pas irriter la censure de l'époque.
Les cruelles (Las crueles), Vicente Aranda, 1969
Wikipédia présente Les cruelles, parfois appelé Le cadavre exquis, ce qui lui convient mieux, comme un giallo. Voire. On est plus proche d'un Chabrol pervers et riche en sous-entendus. Le désir et la vengeance sont deux des moteurs du cinéma de Vicente Aranda et c'est ici le cas avec les mésaventures d'un coureur de jupons qui reçoit des colis macabres par la poste. C'est presque un film #Metoo avant la lettre qui flirte avec le fantastique, tout en évoquant sans fausse pudeur le lesbianisme. D'excellentes et belles actrices participent à un casting international : Capucine, Judy Matheson, Teresa Gimpera, et compensent l'interprétation assez fade du héros malmené, Carlos Estrada.
L'amour sorcier (El amor brujo), Francisco Rovira, 1967
De près de 20 ans antérieur à la version de Carlos Saura, le film de Francisco Rovira ne fait guère preuve d'inventivité mais se laisse voir, faute de mieux, pour ses parties dansées bien que son flamenco soit dépourvu de flamme. Dans le rôle de la belle de Cadix, hantée par le fantôme maléfique et grossièrement insistant de son ancien amant, la dénommée La Polaca, à la carrière plus fournie en tant que chanteuse et danseuse qu'actrice, séduit par sa beauté canaille. C'est beaucoup grâce à elle si le film reste à peu près regardable, et évite de sombrer dans une léthargie profonde.
Faisceau de vieux films (Avril/1)
Les bandits (Llanto por un bandido), Carlos Saura, 1964
Les bandits précède de deux ans le premier grand film de Carlos Saura, La chasse. Déjà, le film intrigue par son casting international peu adapté pour un récit profondément espagnol, autour d'un célèbre bandit du XIXe siècle, qui sévissait en Andalousie. Si Francisco Rabal tient son rang, vaille que vaille, Lino Ventura disparaît très vite, après un début musclé, et Lea Massari joue la femme soumise à son homme, de manière peu convaincante. La dimension politique existe mais se perd dans une confusion narrative, à peine stimulée par des airs populaires, chantés façon flamenco.
Stress es tres, tres, Carlos Saura, 1968
Tourné entre Peppermint frappé et La Madriguera, Stress es tres, tres reprend la thématique du couple, à travers le triangle classique : le mari, la femme et l'ami, potentiel amant. Saura livre une intrigue linéaire, lors d'un déplacement en voiture, entre Madrid et Almeria, cependant symbolique du mode de vie de la bourgeoisie en période franquiste. Mais c'est bien la jalousie maladive d'un homme à qui tout réussit qui est traqué par le cinéaste, via son voyeurisme et sa paranoïa, laquelle culmine dans l'une des toutes dernières scènes du film. En l'absence de réel rupture de rythme, le film manque un peu de vista mais rejoint, par sa minutie et sa cruauté sous-jacente, les premiers longs-métrages de Polanski. Geraldine Chaplin, affublée d'une perruque blonde, n'a pas de mal à exister face aux deux machos typiques qui l'entourent.
No es bueno que el hombre esté solo, Pedro Olea, 1970
S'il est naturel de penser à Grandeur nature de Berlanga (pour la poupée), d'un an postérieur, et évidemment à Psychose, d'Hitchcock, le film de Pedro Olea, cinéaste peu connu en dehors d'Espagne, possède cependant sa propre identité. Entre mélodrame, suspense et humour noir, le long métrage dégage une atmosphère malsaine, encore accentuée par la grisaille du climat de Bilbao, ville d'origine du réalisateur. Dans le rôle principal, José Luis López Vázquez, est absolument fabuleux. La critique franquiste, qui n'était visiblement plus ce qu'elle était en 1973, ne s'est apparemment pas émue de toutes les connotations sexuelles (et même homo) et perverses de ce film d'une grande maîtrise dans sa folie.
Faisceau de vieux films (Mars/4)
Les ombres sauvages (Divlje seme), Vojislav Rakonjac, 1967
Bien que mort à 35 ans, Vojislav Rakonjac s'est construit une filmographie relativement riche. Divlje seme est une sorte de western rural, assez excessif, avec son personnage principal, échappé de prison, qui n'a de cesse de tuer les frustes villageois qui ont le malheur de le rencontrer. L'histoire se déroule vraisemblablement avant la deuxième guerre mondiale mais ce massacre sans fin sombre dans une hystérie sans véritable explication, si ce n'est les pulsions homicides d'un homme qui prend tout de même le temps de séduire une femme dont on ne sait presque rien, à part le fait que le prêtre du village venait régulièrement lui rendre visite avant, forcément, de tomber sous les balles du tueur impénitent.
Faisceau de vieux films (Mars/3)
Tistega lepega dne, France Štiglic, 1962
Une vraie comédie sociale, aux accents presque italiens, qui se déroule dans un petit village slovène, en 1930. Avec son écriture limpide, qui ne perd jamais de vue son intrigue principale, le film aménage de l'espace pour des personnages hauts en couleur (la jolie femme installée à Milan, le curé mélomane, les 4 fillettes du veuf, les commères de la bourgade, etc). Sans oublier quelques jeunes fascistes, ridiculisés à maintes reprises. Au bout d'une série d'événements plus ou moins burlesques, le long métrage se termine sur une note de comédie romantique.
L'homme à détruire (Čovjek koga treba ubiti), Veljko Bulajić, 1979
Le couronnement d'un faux tsar au Monténégro, en 1767, est historique mais Veljko Bulajić s'en sert pour concocter une intrigue fantastique de laquelle Satan, en personne, tire les ficelles. Ce qui nous vaut une visite guidée, dantesque, de l'enfer, avant une leçon de géopolitique de l'époque, assez fidèle, puisque le faux tsar vainquit ses ennemis, les Ottomans et les Vénitiens, avant de finir assassiné (par son barbier, dans la réalité). Le film, très singulier dans le cinéma yougoslave, s'amuse avec la vérité historique, avec beaucoup d'aplomb et un certain talent, titillant la censure dans une poignée de scènes érotiques et la caressant dans le sens du poil avec une satire des agissements de l'Eglise. Incongru mais pas inintéressant, de la part d'un réalisateur surtout connu pour ses récits épiques de la seconde guerre mondiale.
Miss Stone (Mis Ston), Živorad Mitrović, 1958
Le film de Živorad Mitrović raconte l'histoire peu connue de la résistance macédonienne, au tournant du XXe siècle, contre l'Empire ottoman, à l'influence déclinante. L'affaire d'enlèvement qui implique une missionnaire protestante américaine, la dénommée Miss Stone, est relatée en respect de la réalité historique, même s'il s'agit évidemment de célébrer le courage de ces partisans, des villageois, face à la cruauté et à l'inhumanité de la puissance turque occupante. Le syndrome de Stockholm agit à plein dans un film soigné et doté de quelques moyens pour montrer les combats pour la liberté avec un certain sens du spectacle.
Faisceau de vieux films (Mars/2)
Ce n'était pas en vain (Nije bilo uzalud), Nikola Tanhofer, 1957
Premier long métrage de Nikola Tanhofer, un an avant son plus grand film, H-8. Ce drame rural, sous fond de superstitions, avec la présence d'une "sorcière", dont les remèdes s'opposent à ceux d'un jeune médecin récemment débarqué est d'une grande noirceur. Les morts se succèdent, dans une ambiance moite, due aux marais insalubres qui dominent le paysage. Si quelques clichés sont à souligner (la femme du praticien qui s'ennuie, l'alcool largement consommé), le film convainc par son atmosphère malsaine et une utilisation particulièrement efficace du noir et blanc et des bruits de la nature hostile. Tanhofer n'a réalisé que 9 films mais c'est un cinéaste à (re)découvrir.
La chasse au cerf (Lov na jelene), Fadil Hadžić, 1972
Lov na jelene aborde l'un des tabous de la Yougoslavie socialiste, la question des émigrés politiques, considérés comme traîtres à la patrie, quelle que soit leur part prise dans l'Etat fasciste pro-allemand de Croatie (1941-1945). Le film décrit avec précision combien les événements survenus plus d'un quart de siècle plus tôt contaminent toujours la vie dans une petite bourgade de Yougoslavie, alors qu'un émigré revient dans sa ville natale. Un scénario parfaitement écrit, une interprétation remarquable et une mise en scène au cordeau font de ce film un classique du cinéma yougoslave et l'une des réussites de Fadil Hadžić, cinéaste dont la popularité s'est surtout construite avec ses comédies.
Vesna, František Čáp, 1953
Plus de 70 ans après sa sortie, la fraîcheur naïve de Vesna, film réalisé en Slovénie par le réalisateur d'origine tchécoslovaque, František Čáp, reste intacte. Il est vrai qu'à l'époque de l'après-guerre, le cinéma yougoslave se caractérisait surtout par des récits héroïques, mettant en valeur les combats des partisans. Point de cela dans cette insouciante chronique d'un printemps à Ljubljana où les étudiants se dévergondent dans l'attente des examens, où les jeunes filles rêvent d'amour et où les parents ne comprennent rien à la nouvelle génération. Un vent d'optimisme et de gaieté souffle sur un film qui figure toujours parmi les plus populaires dans les pays de l'ex-Yougoslavie (Note de 8,1/10 sur le site IMDB).
Faisceau de vieux films (Mars/1)
Diaries of the kamikaze (Â doki no sakura), Sadao Nakajima, 1967
En octobre 1943, alors que le Japon subissait des revers dans le Pacifique, 100 000 étudiants furent enrôlés dans l'armée. Parmi eux, certains devinrent des pilotes kamikazes. Le film de Nakajima, qui comporte de nombreux passages d'archives, montre trois de ces étudiants, forcés de suivre une formation et "volontaires" contraints pour l'ultime sacrifice. La mise en contexte est plutôt réussie, montrant la brutalité de l'armée mais aussi le doute de recrues quant à la victoire finale du Japon. Moins convaincantes sont les scènes familiales, très sentimentales, alors que le film essaie malgré tout de faire comprendre, sinon justifier, ces missions suicidaires qui se révélèrent en définitive aussi inutiles que criminelles, pour une partie de la jeunesse du pays.
The Passionate Spinster (Kekkon sôdan), Kô Nakahira, 1965
Shimako a 30 ans et n'est toujours pas mariée, ce qui la rend malheureuse et suspecte aux yeux de son entourage. Elle se résout à faire appel à une agence matrimoniale mais celle-ci se révèle une entreprise malhonnête et Shimako tombe de Charybde en Scylla. Cette satire de la société japonaise du milieu des années 60, conservatrice, se révèle mordante à souhait, faisant fi d'une certaine morale, au passage, et dressant un portrait sans aménité de la condition féminine à l'époque. Omniprésente dans le film, la charmante Izumi Ashikawa (89 ans, aujourd'hui) se révèle très douée dans tous les registres. Elle a tourné autour de 70 films, entre 1953 et 1968, notamment sous la direction de Nakahira, Kurahara, Masuda et Suzuki.
La grande muraille (Shin shikôtel), Shigeo Tanaka, 1962
A l'instar des productions hollywoodiennes épiques de la même époque, La grande muraille présente une ambition démesurée, celle de raconter la vie du premier empereur de Chine, Qin Shi Huang, plus de deux siècles avant J.C. S'il réussit l'unité des différentes provinces chinoises et prit de nombreuses mesures positives, il est surtout connu pour sa tyrannie, qui lui valut la haine de son peuple, dans un règne marqué notamment par des autodafés de livres et la construction de la grande muraille de Chine, qui fit des victimes innombrables. Le film de Shigeo Tanaka semble suivre assez fidèlement le récit de l'existence de l'empereur, tout en accordant une large place aux combats et à la romance. Les dialogues sont assez ridicules et la grandiloquence de l'ensemble digne d'un mauvais péplum. Ayako Wakao défend avec opiniâtreté son maigre rôle et parvient, pour un temps, à redonner de la flamme à un métrage bien trop long (160 minutes) et emphatique.
Faisceau de vieux films (Février/2)
Furtivos, José Luis Borau, 1975
Sorti finalement en Espagne sans les coupes exigées par la censure, deux mois avant la mort de Franco, Furtivos est un acte de résistance devant un régime agonisant. La forêt, avec ses chasses et ses meurtres, devient un symbole sordide d'une époque qui sera bientôt révolue. Le film a été annoncé avec cette phrase terrible : "Qu'est-ce qui pourrit derrière une forêt en paix ?" La réponse prend la forme d'une allégorie puissante où un braconnier introverti, une mère incestueuse, un criminel en fuite, une jeune femme issue d'un couvent et un gouverneur corrompu mènent une sinistre sarabande dans une nature sauvage maltraitée par les humains. Un film aussi essentiel que Cria Cuervos, daté de l'année suivante.
El mundo sigue, Fernando Fernán Gómez, 1965
Le réel de Madrid, au début des années 60, tel est ce que montre El mundo sigue, en dépit de son dénouement mélodramatique. Portrait du petit peuple de la capitale espagnole, pendant la période franquiste, le film s'attache notamment à deux soeurs qui se haïssent, l'une mariée à un joueur impénitent de loto sportif, l'autre ne sortant de la pauvreté que grâce à l'argent de ses amants. Sans concession pour une société répressive et destructrice, le film brille par ses courts flashbacks, ses voix off représentant la psychologie des personnages, ses ellipses et sa galerie de protagonistes secondaires, tous remarquablement interprétés. La censure a exigé peu de coupes mais a retardé la distribution du film de 2 ans qui n'a été à l'affiche qu'à Bilbao, avant de sortir sur toute l'Espagne en 1975, devenant immédiatement un classique du cinéma espagnol.
El Inquilino, José Antonio Nieves Conde, 1958
El Inquilino est tourné la même année que El Pisito de Marco Ferreri, sur un sujet presque similaires autour de la grande crise immobilière que connaît l'Espagne vers la fin des années 50. Dans une veine néo-réaliste, la tragi-comédie de José Antonio Nieves Conde s'attache à une humble famille, avec 4 enfants, qui ne trouve aucune solution pour se loger. El Inquilino est sorti très brièvement à Valence, avant de devoir attendre 6 ans pour rencontrer enfin son public mais au prix du remplacement du dénouement, imposé par la censure, plein d'optimisme, à l'encontre de tout ce qui constitue l'essence du film. Les deux fins cohabitent désormais pour ce long métrage de Nieves Conde qui n'atteint pas le très haut niveau de Surcos, la réussite majeure du cinéaste.
Faisceau de vieux films (Février/1)
La tía Tula, Miguel Picazo, 1964
La carrière de Miguel Picazo aurait été sans doute été autre sans la censure franquiste qui a bloqué la
plupart de ses projets. Pourtant, celle-ci n'a pas vu le mal dans le premier film du réalisateur, une peinture
accablante, mais très subtile, de la vie provinciale en Espagne dans les années 60, marquée par le poids de
l’Église et la répression morale et sexuelle. Adapté d'un roman de Miguel de Unamano, le film procède par
de remarquables ellipses, autour de la vie quotidienne d'une petite famille, sans la mère, décédée, avec sa
sœur pour la remplacer. Le climat oppressant culmine dans deux scènes violentes , volontairement courtes.
Le personnage de la tante Tula, énigmatique par certains points, est sublimée par le jeu de l'actrice Aurora
Bautista. La tía Tula, de par sa finesse narrative, son ambiguïté constante et la qualité de sa mise en scène,
mérite amplement sa place de grand classique du cinéma espagnol.
L'appartement (El pisito), Marco Ferreri, 1958
Des trois premiers longs-métrages de Marco Ferreri, tous tournés en Espagne, El cochecito est sans doute
le plus connu mais il ne faut pas négliger pour autant El pisito (L'appartement). A Madrid à la fin des années
1950, la crise du logement sévit. Rodolpho et Pietra ne se sont toujours pas mariés faute de posséder leur
propre appartement. Afin d'en récupérer un, Rodolpho se résigne à épouser la vieille Martina, mourante.
Voilà, tout est dit dans le synopsis et cette comédie noire, souvent chaotique et très bruyante, avec des
actions et des dialogues qui se chevauchent, n'est pas si loin, dans l'esprit, de l'Affreux, sales et méchants
de Scola. Le film eut la chance de ne pas déplaire à la censure, contrairement à d'autres films sur le même
sujet, à l'époque, en Espagne, dont le tort était de ne pas user d'une veine satirique.
Fata Morgana, Vicente Aranda, 1965
Autodidacte, le Barcelonais Vicente Aranda coréalise un premier long métrage aveant de se lancer en solo,
avec Fata Morgana. Cette dystopie mystérieuse, où il est question d'un meurtre qui va être commis, avec
une sublime jeune femme pour cible (Teresa Gimpera), évolue dans un climat onirique, ou surréaliste, si l'on
préfère, avec une tendance pop, celle-là même que l'on retrouvera plus tard dans Modesty Blaise ou
Barbarella. Volontiers opaque et malheureusement à peu près dénué d'humour, le récit de Fata Morgana,
témoigne cependant, comme les premiers films de Carlos Saura, d'une liberté nouvelle dans un cinéma
espagnol jusqu'alors bridé par la censure franquiste.