Sorties 2018
Ma puce (Upgrade)
Une série B de SF, cyberpunk diront les spécialistes, diablement efficace et divertissante malgré son intense noirceur. Oui, ma puce (électronique) ! Même en étant à la base plutôt versé dans le cinéma d'auteur, il n'est pas interdit de prendre un peu de plaisir à Upgrade, pour la simple et bonne raison qu'il y a là un auteur, derrière le scénario et surtout la mise en scène, brillante, d'un film qui a coûté le budget cantine d'un blockbuster, et encore. Sa vision d'un futur proche où l'intelligence artificielle semble prendre le pas sur l'humanité la plus basique n'est certes pas nouvelle au cinéma mais le film l'utilise de manière maligne, sans l'approfondit outre mesure, cependant, nous sommes dans un film d'action avant tout, ne l'oublions pas. On appréciera au passage son côté organique, charnel même, avec une relation entre cerveau et corps qui en forme l'essence. Évidemment, c'est aussi un Revenge Movie on ne peut plus classique dont l'écriture joue sur un certain nombre de trucs narratifs éculés mais il s'agit avant tout de garder un rythme effréné et de ne pas laisser trop de temps à la réflexion. Au débit du film, malgré tout, des dialogues d'une pauvreté insigne et une interprétation couci-couça, notamment du côté des méchants, aussi charismatiques qu'un troupeau d'encornets.
Classement 2018 : 120/267
Le réalisateur :
Leigh Whannell est né en 1977 à Melbourne. Il a réalisé 3 films dont The Invisible Man.
Chansons pour une époque tragique (La saison du diable)
3 heures et 54 minutes : la durée de La saison du diable pour le cinéaste philippin Lav Diaz équivaut à un court-métrage, habitué qu'il est de traversées filmiques bien plus longues. Evocation de la loi martiale sous la dictature de Marcos, dans les années 70, La saison du diable ne déroge pas au style du réalisateur, qui ne tourne que des plans fixes. Ici, le noir est blanc est somptueux mais le dispositif a évidemment ses limites surtout quand il ne varie pas pendant près de 4 heures. Les dialogues et monologues sont chantés par les acteurs, interprètes au talent variable, a cappella, qui plus est, une belle idée qui n'est guère soutenue par des mélodies qui se ressemblent beaucoup et dont les paroles se répètent sans cesse, tentant de décrire aussi bien la psychologie des personnages que l'action en cours, laquelle, soit dit en passant, aurait très bien pu tenir sur un format plus court. En définitive, ce sont les scènes muettes qui ont le plus d'impact, les parties chantées s'accommodant mal de certaines situations tragiques. C'est le cas des pour les exécutions ou les tortures qui en deviennent abstraites et de toutes manières aucunement porteuses d'émotion.
Classement 2018 : 258/266
Le réalisateur :
Lav Diaz est né le 30 décembre 1958 à Datu Paglas (Phillipines). Il a réalisé 21 films dont Melancholia et La femme qui est partie.
Traumatisme profond (Sans jamais le dire)
C'est un sujet très lourd auquel s'attaque la cinéaste slovaque Terza Nvotova dans son premier long-métrage de fiction, Sans jamais le dire. Celui des conséquences d'un viol sur une adolescente de 17 ans, commis par un homme qu'elle côtoie tous les jours. Un traumatisme profond marqué par le repli sur elle-même de la jeune fille, incapable de mettre des mots sur ce crime. La réalisatrice vient du documentaire et cela se sent dans sa description de l'environnement familial ou scolaire de la victime de ce fait divers plus banal qu'on ne le croit. Mais Sans jamais le dire est aussi une chronique adolescente et un violent réquisitoire contre une société où la parole des femmes a peu de prix et où les seuls traitements administrés, et psychiatriques, sont d'une grande violence. Entre électrochocs et amnésie de son héroïne meurtrie, le film se perd un peu dans l'excès dramatique quand il évoque un suicide ou le handicap du frère de la protagoniste principale. Avec son montage elliptique et l'interprétation impressionnante de son actrice, Sans jamais le dire, même si son propos est uniformément noir, touche cependant par son absence de concession et sa radicalité expressive.
Classement 2018 : 205/266
La réalisatrice :
Tereza Nvotova est née le 22 janvier 1988 à Trnva (Tchécoslovaquie). Elle a réalisé un court-métrage et trois courts-métrages.
Et la Vierge apparut ... (Troppa grazia)
Troppa grazia n'a rien à voir avec le récent L'apparition, que ce soit en termes d'ambition ou de structuration. Le film de Gianni Zanasi (Notamment remarqué pour Ciao Stefano) laisse très circonspect quant à ses visées réelles avec la Vierge Marie qui surgit d'un coup dans l'Italie contemporaine aux yeux d'une géomètre mère célibataire, qui n'est même pas croyante mais très confuse dans sa vie. S'agit-il d'une parabole sur le manque de spiritualité de notre époque, qui n'a foi que dans le supposé progrès ? Peur-être mais les ruptures de ton et le ton ironique qui tend vers la comédie ont de quoi perturber dans ce qui s'apparente à une fable dont on a peine à saisir toutes les subtilités. Une fois que l'on a renoncé à chercher le pourquoi du comment, cela va déjà mieux et on peut admirer la qualité plastique de la photo de Troppa grazia et, surtout, oh oui surtout, l'extraordinaire talent d'Alba Rohrwacher, sans nul doute l'une des toutes meilleures actrices actuelles, tous continents confondus. Grazia à elle, le film est regardable et même parfois divertissant.
Classement 2018 : 151/265
Le réalisateur :
Gianni Zanasi est né le 6 août 1965 à Vignola (Italie). Il a réalisé 6 films dont Ciao Stefano.
Mon année cinéma (2018)
Voilà, c'est fini pour 2018. Ou presque, puisque je verrai sans doute quelques films en rattrapage dans les semaines qui viennent (Troppa Grazia, La saison du diable, etc). Mais mon classement de l'année ne devrait pas être chamboulé. Un film russe, en tête, cela me fait plaisir car c'est une cinématographie que j'aime suivre depuis toujours (Arythmie est également bien placé). D'autres cinémas se sont distingués : américain, israélien, turc, français, libanais, japonais, italien, allemand, marocain, britannique, indien, polonais, brésilien, coréen, argentin, hongrois, portugais, tunisien, islandais, péruvien, danois, chinois, espagnol, belge (je m'arrête ici aux 60 premiers films de mon classement). Cette diversité des provenances est ce qui fait mon bonheur même si, parfois, il est bien difficile de pouvoir voir certains longs-métrages dès lors qu'ils ne sont pas produits aux Etats-Unis ou en France. Heureusement, il y a des festivals qui permettent de voyager partout dans le monde. Et maintenant, place à 2019 avec déjà beaucoup de tentations. Vive le cinéma !
Classement au 2/01/2019 :
1. LETO
2. 3 BILLBOARDS
3. CALL ME BY YOUR NAME
4. FOXTROT
5. LE POIRIER SAUVAGE
6. AMANDA
7. L'INSULTE
8. THE THIRD MURDER
9. L'ORDRE DES CHOSES
10. DOGMAN
11. ARYTHMIE
12. LA REVOLUTION SILENCIEUSE
13. RAZZIA
14. PHANTOM THREAD
15. EN GUERRE
16. LA FORME DE L'EAU
17. UNE VALSE DANS LES ALLEES
18. MONSIEUR
19. 3 JOURS A QUIBERON
20. COLD WAR
PUPILLE
AVANT QUE NOUS DISPARAISSIONS
LES FRERES SISTERS
LES BONNES MANIERES
L'APPARITION
IN THE FADE
NOS BATAILLES
THE SPY GONE NORTH
EL PRESIDENTE
JUSQU'A LA GARDE
LA JUSTE ROUTE
JERSEY AFFAIR
LA DOULEUR
PENTAGON PAPERS
LA BALLADE DE BUSTER SCRUGGS
BURNING
LE GRAND BAIN
DIAMANTINO
THE DISASTER ARTIST
NOTRE ENFANT
THE LAST OF US
MADEMOISELLE DE JONCQUIERES
UNE AFFAIRE DE FAMILLE
INVASION
THE HOUSE THAT JACK BUILT
MON CHER ENFANT
ROMA
SUSPIRIA
EN LIBERTE !
50. WOMAN AT WAR
MON PERE
MA FILLE
DESOBEISSANCE
COME AS YOU ARE
THE GUILTY
LES CHATOUILLES
CORPS ETRANGER
UNE PLUIE SANS FIN
SENSES
EVERYBODY KNOWS
GIRL
LA SAVEUR DES RAMEN
MAUVAISES HERBES
UN 22 JUILLET
FIRST MAN
UN AMOUR IMPOSSIBLE
SICILIAN GHOST STORY
QUIEN TE CANTARA
SILVIO ET LES AUTRES
ABRACADABRA
BRAVO VIRTUOSE
LA NUIT A DEVORE LE MONDE
MEKTOUB, MY LOVE
A L'HEURE DES SOUVENIRS
LA ROUTE SAUVAGE
AU POSTE !
UNDER THE SILVER LAKE
BONHOMME
PARANOÏA
SOFIA
HEUREUX COMME LAZZARO
WILDLIFE
RAFIKI
POROROCA
BLACKKKLANSMAN
PLAIRE, AIMER ET COURIR VITE
LA MAUVAISE REPUTATION
SHEHERAZADE
L'ILE AUX CHIENS
SEULE SUR LA PLAGE LA NUIT
LES HEURES SOMBRES
TRANSIT
APRES LA GUERRE
KATIE SAYS GOODBYE
THE MUMBAI MURDERS
LA TETE A L'ENVERS
I FEEL GOOD
CHIEN
BAJIRAO MASTANI
100. MARY SHELLEY
LA PRIERE
MAYA
FORTUNA
LAND
TESNOTA
WAJIB
MY WONDER WOMEN
CENTAURE
LES ANGES PORTENT DU BLANC
LEAVE NO TRACE
L'EMPEREUR DE PARIS
LES CONFINS DU MONDE
CARMEN ET LOLA
NOBODY'S WATCHING
LOS ADIOSES
THUNDER ROAD
NICO,1988
MOI,TONYA
MY PURE LAND
LES VEUVES
UN PEUPLE ET SON ROI
LA TENDRE INDIFFERENCE DU MONDE
KURSK
BOHEMIAN RHAPSODY
PLACE PUBLIQUE
LA PERMISSION
LE VENT TOURNE
YOMEDDINE
BIRD BOX
LA VIE COMME ELLE VIENT
MARIO
KINGS
HOSTILES
VERS LA LUMIERE
L'HOMME FIDELE
TULLY
OH LUCY!
VIERGES
MES PROVINCIALES
WONDER WHEEL
FLEUVE NOIR
LADY BIRD
MIRACLE
FRERES ENNEMIS
UNE ANNEE POLAIRE
LA VITA POSSIBILE
CAPHARNAÜM
GHOSTLAND
UNDER THE TREE
150. UNE FAMILLE ITALIENNE
THE CAKEMAKER
UTOYA, 21 JUILLET
MON TISSU PREFERE
QUE LE DIABLE NOUS EMPORTE
LES HERITIERES
GUTLAND
COMME DES ROIS
DONBASS
CLIMAX
SONATE POUR ROOS
LAST FLAG FLYING
LE RETOUR DU HEROS
VOLONTAIRE
PIG
FROST
CANDELARIA
CAS DE CONSCIENCE
AGA
LE PERE D'ITALIA
HOW TO TALK TO GIRLS AT PARTIES
AMIN
LE DOSSIER MONA LINA
SUR LA PLAGE DE CHESIL
LES BONNES INTENTIONS
JOUEURS
UN COUTEAU DANS LE COEUR
TROIS VISAGES
VOYEZ COMME ON DANSE
LA FETE EST FINIE
MY LADY
GUY
L'HOMME QUI TUA DON QUICHOTTE
THE RIDER
IL FIGLIO, MANUEL
LES GARCONS SAUVAGES
VENT DU NORD
LOLA ET SES FRERES
SAMI, UNE JEUNESSE EN LAPONIE
LA SURFACE DE REPARATION
UNE FEMME HEUREUSE
LES DESTINEES D'ASHER
JE VAIS MIEUX
MANHATTAN STORIES
LA PARTICULE HUMAINE
THE BOOKSHOP
STRONGER
THE LAST FAMILY
DOWNSIZING
THE CHARMER
200. THE BACCHUS LADY
EVA
INDIVISIBLES
L'ECHAPPEE BELLE
MOBILE HOME
A GENOUX LES GARS
BATTLESHIP ISLAND
FORTUNATA
L'AMOUR DES HOMMES
SAUVAGE
MALA JUNTA
NORMANDIE NUE
PREMIERE ANNEE
A STAR IS BORN
GRASS
FRERES DE SANG
LES FILLES DU SOLEIL
OTAGES A ENTEBBE
LE CERCLE LITTERAIRE DE GUERNESEY
GALVESTON
LE GRAND JEU
PHOTO DE FAMILLE
DON'T WORRY HE WON'T GET FAR ON FOOT
RETOUR A BOLLENE
LES VERSETS DE L'OUBLI
LUNA
READY PLAYER ONE
SAUVER OU PERIR
LA BELLE ET LA BELLE
DARK RIVER
LA MORT DE STALINE
THE HAPPY PRINCE
LA CAMERA DE CLAIRE
DAPHNE
ZAMA
DOVLATOV
CARNIVORES
LE 13H17 POUR PARIS
L'AMOUR EST UNE FETE
GUEULE D'ANGE
ENGLAND IS MINE
WINTER BROTHERS
TOUCH ME NOT
BECASSINE!
MADEMOISELLE PARADIS
COEURS PURS
MADAME HYDE
CORNELIUS, LE MEUNIER HURLANT
LE JOUR DE MON RETOUR
ESCOBAR
250. GASPARD VA AU MARIAGE
MARIE CURIE
JESUS -PETIT CRIMINEL
UNE SAISON EN FRANCE
SI TU VOYAIS SON COEUR
VOYAGE A YOSHINO
LE MONDE EST A TOI
IL SE PASSE QUELQUE CHOSE
PAUL SANCHEZ EST REVENU !
UNE PRIERE AVANT L'AUBE
MANIFESTO
MARIE MADELEINE
NO DORMIRAS
HIGH LIFE
REVENGE
Consternation de l'amant (L'homme fidèle)
La petite musique de L'homme fidèle nous semble familière dès les premiers instants, notamment avec cette voix off qui vient commenter les états d'âme de son héros. Des voix off, il y en a même trois dans le film de Louis Garrel, qui emprunte les voies souvent trop évidentes du triangle amoureux. Le dispositif rappelle nécessairement la Nouvelle Vague d'autant que c'est principalement du cinéma en "chambre" où les dialogues tiennent la première place. Est-ce l'apport du grand Jean-Claude Carrière, toujours est-il que le deuxième long-métrage du ténébreux décoiffé se révèle bien plus abouti que son premier essai, Les deux amis. Il y a une touche de burlesque qui fait mouche et aussi un gamin, excellent d'ailleurs, qui vient mettre son grain de sel dans une histoire qui aurait pu tourner en rond (dans un triangle, ce serait le comble). On se laisse volontiers faire par le marivaudage de L'homme fidèle, avec ses petits coups de théâtre, ravi que le réalisateur-acteur se fasse élégamment manipuler par deux jolies femmes, avec son visage d'amant consterné, dès que l'une d'entre elles le fait plier. selon sa volonté. Si Lily-Rose Depp est encore un peu tendre, du point de vue du jeu, ce n'est pas du tout le cas de Laetitia Casta que l'on n'avait que rarement vue aussi épanouie et solide dans son rôle. Ajoutons le fait que Garrel ne prétend en aucun cas viser les sommets cinématographiques et montre une certaine humilité dans son propos jusqu'à avoir la politesse de ne pas s'attarder au-delà d'une et quart de projection. On ressort de ce moment espiègle et charmeur avec un certain contentement. Pas plus, mais pas moins.
Classement 2018 : 135/262
Le réalisateur :
Louis Garrel est né le 14 juin 1983 à Paris. Il a réalisé Les deux amis.
Le fils du retablier (Mon père)
La dernière fois que l'on a pu s'enthousiasmer pour le cinéma péruvien, c'était en 2006 pour Madeinusa, le premier long-métrage de Claudia Llosa, suivi trois ans plus tard de Fausta. Las, la réalisatrice a ensuite succombé aux sirènes américaines et commis un film oubliable, L'attrape-rêves. Mon père (Retablo), premier essai d'Alvaro Delgado Aparicio, redonne goût à ce cinéma andin dont le premier attrait est le dépaysement même si cela ne suffit évidemment pas à contenter tout à fait notre gourmandise de cinéphile. Ici, nous sommes bien en terre relativement inconnue : la langue quechua, des hauts-plateaux spectaculaires, des marchés aux couleurs chatoyantes et deux personnages principaux qui sont un fabriquant de retables (retablier ?) et son fils, qui apprend le métier à son contact. Serait-ce un simple film sur la transmission avec l'apprentissage d'un garçon de 14 ans, tiraillé entre l'attrait de cet artisanat et l'envie de se mêler davantage aux jeunes gens de sa communauté qui ne pensent qu'aux filles ? Oui, dans un premier temps, avant que ne surgisse le drame. Il faut une grande délicatesse à la mise en scène et beaucoup de subtilité à la narration pour ne pas enfiler les clichés attendus. Le parti pris de ne filmer que ce que voit son jeune héros est le bon, la violence et l'intolérance qu'il va rencontrer de même que la remise en question de son attachement filial (pour des raisons qu'il serait dommage de déflorer) sont autant d'aspects de sa maturation qui sont traités avec la distance et le tact nécessaires. L'émotion n'est pas bridée pour autant et surgit dans un dénouement tragique où la pratique de l'art du retable, comme tout au long du film, en dit bien plus long que bien des discours.
Classement 2018 : 51/261
Le réalisateur :
Alvaro Delgado Aparicio est né au Pérou. Il a réalisé 2 courts-métrages.
Une famille agitée (La vie comme elle vient)
Benzinho, en portugais, signifie Mon chéri. Le traducteurs du deuxième long-métrage du brésilien Gustavo Pizzi ont préféré le titre de La vie comme elle vient. C'est un peu passe-partout mais plutôt fidèle à l'esprit d'un film qui s'attache aux petits riens du quotidien d'une famille cependant assez agitée avec père, mère, 4 enfants dont des jumeaux sans oublier la soeur de la seconde, en instance de séparation, avec son propre rejeton. Tout cela donne un aréopage relativement bruyant qui n'aurait pas déparé dans un film italien au sens que l'on y entend plus de cris que de chuchotements. Le film s'éparpille un peu et on a parfois l'impression d'un assemblage de scènes bruyantes qui ont du mal à suivre un fil conducteur. Ce dernier, finalement, est constitué par la figure de la mère, très attachante, exubérante comme une mamma transalpine (encore !) mais aussi soumise à des coups de blues soudains. Il est vrai qu'elle n'est pas aidée par un mari velléitaire et des enfants insupportables, dont l'aîné qui ne va pas tarder à s'envoler vers d'autres aventures. Malgré ses aspects cahoteux et chaotiques, La vie comme elle vient ne manque pas de charme surtout que la mise en scène de Pizzi est loin d'être dénuée de talent, à certains moments, dans ses cadrages et ses compositions. Peut-être le film aurait-il cependant gagné à aller vers davantage de burlesque et/ou d'absurde en quittant son mode réaliste ? Tel quel, il lui manque un peu de densité pour séduire davantage.
Classement 2018 : 126/260
Le réalisateur :
Gustavo Pizzi est né au Brésil en 1977. Il a réalisé Craft.
Maître et servante (Monsieur)
Monsieur s'inscrit avec bonheur dans un nouveau courant de films indiens féministes qui a notamment donné La saison des femmes, Déesses indiennes en colère et même le merveilleux The Lunchbox. Et c'est par le biais de la comédie romantique, dont elle réinterprète les codes, que Rohena Gera parvient à montrer combien le poids des préjugés et des traditions continue d'entraver les désirs et le destin des femmes de Bombay, Delhi ou Calcutta. Et pourtant, le système des castes a été officiellement aboli, mais pas dans les mentalités, les familles ou la société. Comment imaginer, en effet, une histoire d'amour heureuse entre un maître et sa servante, même quand un doux sentiment se développe entre deux âmes mélancoliques ? C'est vrai que Monsieur se place du côté de la tendresse et de la tolérance et n'évoque que peu la violence et la misère du pays. Exact aussi que le portrait du maître manque d'aspérités et lui donne un aspect un peu trop lisse de prince charmant. Mais peu importe, on s'attache avant tout aux pas de cette domestique, qui se rêve créatrice de mode, et se sacrifie pour que sa soeur ait une vie meilleure que la sienne. Une belle personne, sans contestation, mais une battante aussi, qui déteste l'injustice et n'hésite pas à s'exprimer. C'est par petites touches que Rohena Gera fait progresser son intrigue, délicatement, comme une couturière qui fait preuve de doigté et fignole les détails, sans se hâter. Un travail d'artisanat qui passe par une fluidité discrète de la mise en scène, un beau sens du cadrage et un montage remarquable, respectant le temps des scènes sans pour autant les étirer. Et en donnant aux silences et aux regards toutes leurs significations. Le dénouement est un peu trop optimiste et pas crédible ? Et pourquoi donc ? N'est-ce pas Shakespeare qui écrivait que nous sommes de l'étoffe dont sont faits les rêves ?
Classement 2018 : 18/259
La réalisatrice :
Rohena Gera est née en 1973 en Inde. Elle a réalisé un documentaire.
Cochon qui s'en dédit (Pig)
Comme Valley of Stars, son surprenant film précédent, Pig, signé Mani Haghighi, se nourrit de genres très différents et le mélange, assez explosif a priori, n'est pas aussi détonant qu'attendu. Mais au moins, Haghighi tente et assume cette volonté rebelle et iconoclaste qui n'a pas grand chose à voir avec ce que l'on croit, à tort, constituer l'essence du cinéma iranien (néo-réaliste, contemplatif et psychologique). Avec ses tee-shirts dédiés aux groupes de Heavy Metal, le héros de cette pochade parfois adolescente qu'est Pig n'a rien de conventionnel. Interdit de tournage par les autorités, il assiste impuissant aux meurtres en série de ses amis réalisateurs, de plus en plus jaloux de ne pas figurer parmi les victimes. Sujet rock'n roll que Haghighi illustre avec une pincée de gore mais sans véritablement jouer à fond la carte du thriller. Il semble plus intéressé par la satire du petit monde du cinéma en Iran, avec ses metteurs en scène égocentriques, tout en s'attaquant à la censure de son pays, avec une certaine insolence d'ailleurs. Mais ce sont surtout les réseaux sociaux, aussi nuisibles en Iran qu'ailleurs, qui sont l'objet principal de son courroux. Il pousse le bouchon un peu loin dans la caricature mais c'est la signature du film tout entier qui est marquée par ce goût de l'excès, que ce soit dans le réalisme, l'onirisme ou l'absurde. Cochon qui s'en dédit semble marteler le cinéaste qui effectivement a réalisé un film bien imparfait, moins drôle qu'espéré mais suffisamment perché pour qu'on le regarde avec intérêt.
Classement 2018 : 158/258
Le réalisateur :
Mani Haghighi est né le 17 juillet 1969 à Téhéran. Il a réalisé 7 films dont Valley of Stars.