Cinéphile m'était conté ...

Cinéphile m'était conté ...

Sorties 2012


Deux femmes opposées (Une estonienne à Paris)

Son premier film, Klass, hélas inédit en France, était une claque. Le même thème que Elephant de Gus van Sant, en plus violent et radical. Son deuxième, Une estonienne à Paris, est d'un tout autre acabit. Un ton doux/amer, une sourde mélancolie, dans cette histoire qui confronte deux estoniennes aux trajectoires opposées, l'une, fantasque, ayant rejeté ses racines depuis longtemps ; l'autre, terre à terre, découvrant Paris et sa froideur. Le schéma est classique, l'évolution des rapports entre ces deux femmes assez attendue. Il n'empêche, la délicatesse de la mise en scène d'Ilmar Raag, sa douceur malgré les cruautés et humiliations subies, font leur oeuvre, l'air de rien. Laine Mägi tient joliment tête à la roublardise d'une Jeanne Moreau impériale. Un joli film, en fin de compte, d'une grande finesse psychologique qui garde avec lui certains secrets de ses deux héroïnes.

 



02/01/2013
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La consistance d'une bulle (Main dans la main)

Avec Main dans la main, c'est la cinéaste de La reine des pommes que l'on retrouve, pas celle de La guerre est déclarée. Une fantaisie aux accents burlesques, légère comme une bulle et ... toute aussi consistante. Le point de départ est amusant mais n'est pas tenable sur 90 minutes tant le procédé s'avère répétitif et lassant. Valérie Donzelli essaie de varier les effets, de se lancer dans de sous-intrigues, d'introduire des personnages secondaires qui auraient pu insuffler un vent de folie s'ils n'étaient aussi peu développés. Main dans la main reste à l'état d'ébauche, un sympathique effort pour renouveler le terrain de jeu de la comédie romantique. Mais ses limites sont atteintes dès les trente premières minutes. Gros soupir d'insatisfaction ...

 



02/01/2013
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L'art du grotesque (L'homme qui rit)

L'aspect baroque, gothique et volontiers grotesque de L'homme qui rit est plutôt convaincant dans la première moitié de cette adaptation de Victor Hugo par Jean-Pierre Améris. Depardieu, on ne va pas tarder à s'en apercevoir, est pour beaucoup dans la bonne tenue du film. Il est touchant et toujours aussi brillant dans la déclamation de monologues littéraires. Tout part à vau l'eau ensuite quand l'homme qui rit rencontre "sa" duchesse et s'introduit dans un nouveau monde factice et cruel. Le grand Gérard s'efface, la jolie romance avec sa dulcinée aussi et le réalisateur est incapable de changer de braquet et de donner de l'épaisseur à son discours social. Malgré de réelles qualité d'atmosphère (burtoniennes), le film sombre peu à peu dans l'à peu près et le grotesque, cette fois involontaire.

 



02/01/2013
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L'oeil du tigre (L'odyssée de Pi)

Allez, un moment de magie ! Un homme seul dans un bateau avec un tigre (qui servirait donc de moteur, pas au rafiot, mais à l'histoire, nuance). Et ce, pendant combien, près d'une heure ? Pas crédible l'espace d'une seule seconde, n'est-ce pas. Et alors ? Depuis Méliès, le cinéma est un accélérateur de rêves, un distillateur de plaisir qui se moque, peu ou prou, de toute rationalité. L'odyssée de Pi, en dépit ou grâce à sa 3D, à ses bêtes de synthèse, renvoie au bonheur tout simple de l'enfant émerveillé devant les tours de l'illusionniste. Et comme Ang Lee, dont l'éclectisme a de quoi agacer, et ses scénaristes ne sont pas des idiots, ils nous laissent sur l'idée que l'art du conte prime sur la représentation de la réalité laquelle, soit dit en passant, est pure subjectivité. Le cinéma ment, le cinéma enjolive, le cinéma travestit. Pour mieux nous égarer, nous émouvoir et nous ravir. C'est une drogue euphorisante que cette odyssée, une recréation onirique de l'Arche de Noé, ouverte à toutes les exégèses. Il n'y a pas de mal en Pi. Seulement une joie naïve dans l'oeil du tigre.

 



02/01/2013
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Histoires minimes (Jours de pêche en Patagonie)

L'une des oeuvres "majeures" de Carlos Sorin s'appelle Historias minimas. Le titre pourrait être repris pour la quasi totalité de sa filmographie, y compris Jours de pêche en Patagonie. Délicatesse du trait, splendeur des paysages de l'extrême sud argentin, rencontres fortuites, nous sommes bien dans un univers familier à tous ceux qui apprécient le cinéma impressionniste de Sorin. Pourquoi ce quinquagénaire fatigué a t-il décidé d'entreprendre ce voyage ? Pourquoi n'a t-il pas revu sa fille depuis des années ? Que s'est-il passé pour qu'il se sépare de son épouse ? Le film livre des bribes de réponses, laissant au spectateur le soin de combler les vides. Par petites touches, le réalisateur crée un climat qui réchauffe le coeur au fur et à mesure que son personnage principal renaît à la vie. L'immensité des paysages, leur beauté de début du monde font le reste et le charme opère. L'interprétation d'Alejandro Awada, tout en douceur et sourires bienveillants, qui cachent vraisemblablement un lourd passif émotionnel, est tout simplement magnifique. Jours de pêche en Patagonie a tout de même un défaut terrible : il ne dure que 78 minutes ! A peine le temps de s'attacher qu'il faut déjà se dire adieu.

 



27/12/2012
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Serial killers en goguette (Touristes)

Tuer n'est-il pas un acte écolo ? C'est l'une des questions, profondes, qu'évoque en passant le couple de serial killers en goguette dans le très déjanté Touristes de Ben Wheatley. Very British, cela va sans dire, avec son humour noir macabre relevé de quelques séquences gore qui réjouiront les amateurs du genre. Le film est plutôt amusant, disons pendant sa première partie et puis, comme rien ne ressemble plus à un meurtre qu'un autre meurtre, il se met à patiner grave. Visiblement, il n'y a pas plus d'essence dans le scénario et Wheatley s'avère incapable de trouver de nouveaux enjeux laissant le film s'enliser dans un schéma répétitif à peine troublé par une dernière pirouette sarcastique. Forcément, derrière tout cela, on sent le désir de choquer et de dézinguer le politiquement correct. Entreprise à moitié réussie, on va dire.

 


26/12/2012
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Une vraie tuerie (Gangs of Wasseypur 2)

Encore meilleur que sa première partie (sortie en juillet), ce Gangs of Wasseypur 2 ! Un opéra violent sur fond de vendetta familiale où les meurtres se succèdent à la vitesse de rafales de kalachnikov. La mise en scène d'Anuraq Kashyap ne lésine sur rien : hémoglobine, romance, chansons parodiques inspirées par Bollywood, que le réalisateur exècre. L'excès est le credo du film, avec un humour jouissif sous-jacent et un aspect documentaire (presque rien n'est inventé) sublimé par les artifices de la fiction. Ce film indien, clairement influencé par Scorsese et Tarantino, est une tuerie dans tous les sens du terme, son systématisme dans l'épanchement sanguinolent étant la seule chose que l'on puisse lui reprocher. Mais le scénario est en béton armé, il faut juste ne pas perdre le fil, et bien plus lisible dans ce deuxième volet de 2 heures 40. Nul doute d'ailleurs que voir la totalité des 5 heures de Gangs of Wasseypur en continuité serait une expérience encore plus gratifiante.

 



26/12/2012
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Vacuité existentielle (The Exchange)

Changement radical de style pour Eran Kolirin après La visite de la fanfare. The Exchange raconte la perte d'identité d'un type devenu devenu soudain étranger à lui-même et à sa propre vie. Une sorte de zombie dont on suit, aussi atterré que lui, les apathiques pérégrinations. Léthargie à tous les étages dans ce film désincarné qui semble aller nulle part, sinon dans le mur. L'aspect absurde de la chose aurait pu être rehaussé par une pincée d'humour mais si celui-ci existe, il est drôlement bien caché. Les expressions hébétés de son pauvre héros renforcent l'impression d'avoir affaire à un film sous Prozac. Paradoxe : l'attirance du vide a pour effet de susciter un début de fascination. On ne pense même plus à s'ennuyer, c'est à n'y rien comprendre. A moins que tout ceci ne nous renvoie à notre propre vacuité existentielle ? Oups !

 



26/12/2012
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Pas de faim du monde (4h44- Dernier jour sur terre)

La fin du monde selon Abel Ferrara. Rien de renversant ni de baroque. Le réalisateur -devenu écolo-bouddhiste ?- la joue sobre, viscérale et, somme toute, fataliste. Un huis clos, ce 4h44, là où tant d'autres cinéastes recherchent le spectaculaire, simplement humain. Le problème est que le scénario est d'une minceur rédhibitoire et que les messages de bonté, semés comme autant de petits cailloux, finissent par devenir soulants ou naïfs, comme on voudra. Que font les hommes quand la fin du monde approche ? Ils font l'amour, boivent un coup avec des potes et skypent avec leurs proches. What else ? Eh bien, rien, justement. Un peu court monsieur Ferrara, malgré l'abattage de Willem Dafoe. On reste vraiment sur sa faim (du monde).

 



26/12/2012
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La coiffeuse chauve (Love is all you need)

Plus naturellement portée vers le drame, Susanne Bier (Brothers, Open Hearts, Revenge, ...) a sans doute dû se faire violence pour aller sur les terres de la comédie sentimentale (pas tout à fait romantique, il ne faut pas exagérer non plus). Love is all you need charrie son lot de douleurs et de tourments qui rendent le film tout sauf léger et ce n'est pas un coucher de soleil sur une baie italienne qui changera la donne. Néanmoins, la réalisatrice fait comme si elle y croyait : les paysages sont magnifiques et les coeurs s'emballent. Une poignée de sous-intrigues noient un temps le poisson et un brin d'humour caustique reste le bienvenu. Plus que Pierce Brosnan, un rien pincé, c'est l'épatante Tryne Dyrholm qui emporte le morceau et suscite de petites pointes d'émotion. Il y a également dans le film ce qui peut être considéré comme une spécialité danoise à part entière : les fêtes qui foirent lamentablement (voir Festen ou Melancholia). Un élément qui donne un peu de vitalité à cette fausse comédie un tantinet poussive.

PS : Le titre original danois pourrait se traduire par La coiffeuse chauve. Evidemment, c'est moins sexy que Love is all you need.

 



26/12/2012
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