Cinéphile m'était conté ...

Cinéphile m'était conté ...

Belgique/Pays Bas


Aux sources de l'horreur (Mary)

Dites Emily et l'on vous répondra certainement Brontë. Essayez Mary et vous récolterez un long silence ou bien le nom de Higgins Clark mais vraisemblablement pas Shelley. Écrire un futur classique comme Frankenstein, à moins de 20 ans, ce n'est pourtant pas rien même si le plus grand nombre des gens (pas les lecteurs, assurément) croient dur comme fer que Frankenstein est le nom du monstre et non celui de son créateur. Mais passons, le propos de Anne Eekhout dans Mary n'est pas d'analyser l’œuvre littéraire mais d'en rechercher la source dans la jeune vie de son autrice, à travers une documentation solide mais en utilisant surtout les ressorts incomparables de la fiction. C'est ainsi que la romancière néerlandaise alterne deux périodes : un séjour en Écosse d'une Mary adolescente et, plus tard, son passage en Suisse auprès de Shelley et de Byron, notamment, alors qu'elle est devenue mère de famille et pleure la mort de son premier enfant. Le livre ne quitte pas son héroïne d'une seule semelle, nous plongeant dans ses tourments, bonheurs, interrogations et fantasmes, au risque de se faire répétitive et un peu trop insistante dans sa psychologie. Dans le même temps, ses personnages "secondaires" sont très convaincants : une adolescente de l'âge de Mary et un homme qui aurait pu servir de modèle au Dr Frankenstein, en Écosse ; les deux poètes dans la résidence helvète. Si l'on doit choisir, c'est sans doute la plus jeune des Mary qui plaira davantage parce que la plus malléable et naïve encore et surtout parce que c'est là que la romancière doit faire preuve d'imagination, en créant un climat brumeux et équivoque aux confins du fantastique et de l'horreur.

 

 

L'auteure :

 

Anne Eekhout est née en 1981 aux Pays-Bas. Elle a publié 4 romans.

 


01/12/2023
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Fièvre aviaire (Psychopompe)

Après un pavé roboratif et tellement romanesque, comme La ville introuvable de Yu Hua, il n'est pas mauvais d'enchaîner avec un texte court, n'est-ce pas, histoire de retomber sur terre. Alors, pourquoi pas Psychopompe, le nouvel opus d'Amélie Nothomb, la stakhanoviste belge, laquelle a depuis longtemps prouvé qu'elle était experte en concision, accordons-lui ce talent, si tant est que cela en soit un ? En l'occurrence, il est appréciable que ce livre soit aussi bref car il part déjà dans tous les sens et il n'est pas certain que cela aurait été supportable sur 200 ou 300 pages. Qualifier Psychopompe de roman semble un abus de langage, à moins qu'Amélie ait ajouté une certaine dose de fiction à ce récit très personnel, ce qui est possible mais peu probable. L'écrivaine revient donc sur son enfance, au gré des déménagements de son père ambassadeur, et expose sa passion pour les oiseaux, une sorte de fièvre aviaire dont elle essaie d'expliquer in fine la relation avec l'écriture car n'est-ce pas, "écrire c'est voler" (sic). Et sinon, on a droit à quelques pages sur sa période d'anorexie, sur sa fascination pour le Japon et sur la conception de quelques uns de ses romans récents. Sans oublier son père et la connivence post-mortem qu'elle entretient avec lui. Psychopompe ressemble à une sorte de lettre à ses lecteurs, où elle révèle des éléments de vie intime, un mélange de psychologie et de pompe, qui n'est pas la raison du titre du livre, pas de méprise. Si les plupart des textes d'Amélie se lisent vite et sans déplaisir, en laissant une trace plus ou moins longue, son petit dernier, de par son égocentrisme encombrant, n'est pas loin de susciter un ennui poli et embarrassé.

 

 

L'auteure :

 

Amélie Nothomb est née le 9 juillet 1966 à Etterbeek (Belgique). Elle a publié 31 romans dont Stupeur et tremblements, Soif et Premier sang.

 


22/09/2023
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En compagnie d'un mort (Reste)

Ayant débuté en littérature avec un roman brillant et extrême, La vraie vie, toutes les publications ultérieures de Adeline Dieudonné ne peuvent sans doute être jugées qu'à l'aune de ce livre fondateur. Il en fut ainsi de Kérozène, qui a aussi secoué ses lecteurs, il en sera de même avec Reste et son postulat de départ, glauque à souhait, mais facile à résumer. La narratrice a retrouvé son amant noyé et, incapable d'en aviser quiconque, elle choisit de fuir avec le cadavre, tout en écrivant une lettre (suivie d'une deuxième) à l'épouse du défunt. Commence alors le récit d'une sorte d'errance qui va durer plusieurs jours, racontée par le détail, et entrecoupée par de multiples flashbacks sur l'existence menée par l'héroïne pendant et avant sa liaison. Malgré la situation sordide, il y a quelque chose de "logique" dans ce périple macabre, et c'est tout à l'honneur de l'autrice de nous le faire sinon accepter, du moins comprendre, à travers toutes les pensées, parfois contradictoires, de son personnage, et son travail de deuil. La crédibilité du livre est une autre affaire, devant l'absence de réaction rapide de la femme légitime et surtout de la police mais bon, l'on veut bien accepter ce manque de réalisme, d'autant que le roman baigne parfois dans un halo fantastique (les scènes chez la "sorcière", qui sont limite) et s'accompagne assez souvent d'un humour noir bienvenu. Les passages qui concernent l'état du décomposition du mort sont eux désagréablement insistants mais là encore, Adeline Dieudonné se doit de justifier son statut d'écrivaine inconfortable. Sur un autre plan, ses descriptions du couple, idéal ou presque, dans un cas, dysfonctionnel, dans les deux autres, ramène le livre à un classicisme psychologique qui n'a vraiment rien d'original. Le plus gênant, en fin de compte, est que l'héroïne de cette sombre histoire, avec un aspect plutôt égocentré, n'est jamais jugée que par elle-même puisque étonnamment absoute par les autres. Un contrechamp final et bref, avec les mots de l'épouse, n'aurait-il pas créé une échappée bienvenue ? Ceci n'est qu'une remarque personnelle née d'une frustration pour un livre certes intense mais un peu trop enfermé dans sa propre progression dramatique.

 

 

L'auteure :

 

Adeline Dieudonné est née le 12 octobre 1982 à Bruxelles. Elle a publié La vraie vie et Kérozène.

 


16/04/2023
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Dans le fleuve de l'intranquillité (Je ne suis pas là)

Après le très (trop ?) dérangeant Débâcle, la romancière flamande fait son retour avec Je ne suis pas là, tout aussi inconfortable mais encore plus maîtrisé et nettement moins complaisant dans le scabreux, ce que l'on pouvait reprocher à certains passages de son premier livre. Il s'agit ici de l'histoire d'un couple, où la narratrice est confrontée à la maladie mentale de son amoureux, une bipolarité aigüe qui se manifeste par un cerveau en surchauffe et des bouffées paranoïaques épuisantes. Cela fait penser à l'excellent et poignant film de Joachim Lafosse (tiens, encore un Belge), Les Intranquilles, mais dans une version bien plus frénétique et minutieuse. Le livre se situe à la marge du thriller, avec un compte à rebours qui revient à intervalles régulier, jusqu'au dénouement fatal (ou pas). En attendant que sonne le glas, le roman remonte le temps et la manière dont la maladie a grignoté la tête de l'un et rendu la vie infernale à l'autre. Comme c'est cette dernière qui raconte, elle n'omet aucun détail, atteinte elle aussi par une sorte de dérèglement de sa raison, s'interrogeant sans cesse sur le bien fondé de ses propres actes, visant à protéger celui qui partage sa vie, quitte parfois à se mettre elle même en danger. La violence psychologique ne quitte guère les pages de Je ne suis pas là mais Lize Spit nous rappelle sans cesse qu'il s'agit aussi d'une histoire d'amour, éperdue et tragique. Il est également fréquent, mais moins dans les dernières pages, que la romancière use d'un humour noir dévastateur et irrévérencieux, qui desserre pour quelques instants l'étreinte, montrant au passage qu'elle n'a peur de rien et surtout pas de choquer. On peut voir aussi dans Je ne suis pas là un roman formidable de la ville de Bruxelles, avec une topographie précise qui ravira tous les habitants et les amoureux de la capitale belge. Ce livre est comme un long fleuve intranquille, à la séduction abrasive et décapante, qui exprime un talent sidérant d'écrivaine dont on se languit déjà de lire les prochaines folies.

 

 

L'auteure :

 

Lize Spit est née en 1988 à Vierseel (Belgique). Elle a publié Débâcle.

 


06/03/2023
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Au terne de sa vie (Le livre des sœurs)

30 ans déjà que la stakhanoviste Amélie Nothomb répond présente à chaque rentrée littéraire sans faillir : excusez du pneu et chapeau bas ! Avec des romans systématiquement courts qui mêlent légèreté et gravité, dotés de fulgurances stylistiques et/ou narratives qui n'empêchent pas, au final, de se sentir frustré, ne serait-ce que par la brièveté du récit qui a souvent tendance à s'effilocher au fil des pages. Ses livres ne sont pas interchangeables, loin de là, mais il y a un air de famille évident à l'ensemble de ses ouvrages et le ressenti des ses lecteurs, semble en définitive plus lié à l'humeur de ces derniers qu'aux qualités intrinsèques de chacune de ses livraisons. Que dire de son dernier opus si ce n'est qu'il démarre tambour battant et prend immédiatement l'allure d'un conte cruel avec une fillette surdouée et sage dont la vraie douleur est de ne pas être suffisamment considérée par des parents trop occupés à former un couple fusionnel et fatalement égoïste. C'est très agréable à lire, avec cette mélancolie qui gagne la jeune héroïne qui trouve dans son adorable sœur des raisons d'oublier un spleen qui l'envahit parfois, en s'apercevant que son image auprès des autres, à quelques exceptions près, est celle d'une fille "terne" malgré son intelligence pétillante. Et le temps défile, avec plusieurs drames à la clé, qui instaurent l'idée que le monde adulte est toujours décevant et fracasse les grandes espérances (illusions) de l'enfance. A mesure que Le livre des sœurs progresse vers son dénouement, le roman se fait moins dense et original et se termine de manière abrupte, comme c'est souvent le cas chez Amélie Nothomb, comme si elle avait épuisé son temps d'écriture. Dommage, ses personnages ne manquaient pas de moelle et les suivre plus avant dans leur existence aurait été réjouissant. Alors, il est pour quand ce grand roman (par la taille) que nous doit absolument la native d'Etterbeek ?

 

 

L'auteure :

 

Amélie Nothomb est née le 9 juillet 1966 à Etterbeek (Belgique). Elle a publié 32 livres dont Stupeur et tremblements, Cosmétique de l'ennemi, Soif et Premier sang.

 


18/08/2022
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L'algorithme du bonheur (Les Imparfaits)

Dans les romans d'anticipation qui imaginent une société future se voulant "parfaite", l'intrigue repose le plus souvent sur des rebelles au nouvel ordre établi, des résistants décidés à vivre une existence libre, loin des diktats assénés par un régime autoritaire, que ce soit dans un gant de velours ou de fer. C'est aussi le principe de Les Imparfaits du Néerlandais Ewoud Kieft, dont l'action se situe en 2060, mais avec un aménagement subtil : l'histoire de Cas, trentenaire devenu déviant, est raconté par son assistante personnelle, Gena, une intelligence artificielle qui est présente dans son oreille depuis son plus jeune âge et dont l’algorithme sophistiqué la conduit à une fonction de confidente, presque toujours sur un mode sage et bienveillant (cela rapproche le roman de Klara et le soleil de Kazuo Ishiguro, même si les deux livres ont des approches et un style très différents). Cas vit dans le meilleur des mondes hygiéniste, celui de la jeunesse quasi éternelle et de la santé florissante, dans la recherche d'un bonheur quotidien et émollient, alors que, plus globalement, le réchauffement climatique a été maîtrisé et que manger de la viande ou fumer n'est plus une option. Au-delà de la révolte attendue du héros, c'est la "personnalité" de Gena qui fait l'intérêt du livre, avec son caractère presque humain et en même temps soumis à un système de contrôle des individus. Le reproche majeur que l'on peut faire à Ewoud Kieft est d'avoir ajouté une couche explicative avec l'intervention régulière d'un Comité de surveillance qui analyse les raisons de la défection de Cas, à travers le témoignage de Gena. C'est comme si l'auteur avait voulu mettre les points sur les i, tout en sous-entendant, évidemment, que notre société actuelle, de plus en plus dominée par le virtuel et l'artificiel, y compris dans les relations humaines, dérivait peu à peu vers ce modèle. Malgré ce bémol, Les Imparfaits est le plus souvent excitant pour l'esprit, faisant partie de de ces livres qui permettent de s'interroger sur les avancées technologiques du XXIe siècle et de l'érosion du lien social qu'elles impliquent.

 

 

L'auteur :

 

Ewoud Kieft est né le 12 septembre 1977 aux Pays-Bas. Il a publié 2 romans.

 


22/06/2022
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Avec modération (Les choses que nous avons vues)

L'intérêt principal de Les choses que nous avons vues réside dans la description d'un métier nouveau, celui de modérateur de contenu sur une plateforme du Net. Le cahier des charges imposée par leur société sous-traitante, aussi contestable soit-il, permet à ces petites mains virtuelles de supprimer, ou pas, des publications douteuses ou carrément immondes. Dans cette partie documentaire du livre, les conditions de travail et l'absence de soutien psychologique, notamment, y sont parfaitement détaillées par Hanna Bervoets, auteure néerlandaise reconnue mais inconnue en France jusqu'alors. Mais hélas, dans ce court roman, l'on serait bien en peine de trouver autre chose de consistant à se mettre sous la dent, tant la construction en flashbacks d'un récit destiné à un avocat invisible est bien banale, de même que l'histoire sentimentale, tout de même centrale, qui se termine en queue de poisson pour des raisons peu explicites. Visiblement, la romancière avait beaucoup de choses à dire sur le milieu qu'elle décrit mais sa contextualisation au sein d'une fiction très faible (ne parlons pas de la conclusion, bâclée) se révèle très décevante. Un livre à ne pas conseiller sans modération, donc.

 

 

L'auteure :

 

Hanna Bervoets est née le 14 février 1984 à Amsterdam. Elle a publié 8 livres.

 


07/06/2022
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Le Flamand rosse (Une ascension)

Enquêter sur des faits anciens et nous plonger dans une histoire basée sur la vérité historique, agrémentée de l'inspiration crédible du romancier, beaucoup d'écrivains s'y sont essayé mais peu parviennent à passionner comme peut le faire Stefan Hertmans. Après le formidable Le cœur converti, en s'attaquant à une période plus récente, mais en procédant de la même manière, l'auteur belge récidive avec éclat autour du sinistre Willem Verhulst, SS flamand, collaborateur zélé du Troisième Reich. Une ascension n'est donc pas une biographie classique de ce Flamand rosse mais une approche d'un réalisme inouï, quasi en immersion auprès de ce triste personnage, de son épouse, de sa maîtresse et de ses enfants. Mais c'est surtout une époque qui revit sous la plume de Stefan Hertmans, avec en point d'orgue l'occupation de la Belgique et la haine des deux grandes communautés qui peuplent le pays : wallonne et flamande, la collaboration avec les nazis n'ayant épargné ni l'une ni l'autre mais avec une fureur, si l'on ose dire, plus forte encore du côté de la deuxième et qui est au cœur du livre. C'est aussi un voyage à Gand, la ville natale de l'auteur, qui raconte dès les premières pages d'Une ascension comment il en est venu à s'intéresser à Verhulst. Les pages qu'il consacre à la documentation qu'il a patiemment amassé, loin de freiner la lecture, l'enrichissent diablement et constituent à la fois une respiration et une perspective. Nourri de témoignages de première main (auprès des descendants du dignitaire nazi), d'archives diverses (dont les journaux de sa femme) et même de photographies, le "roman" montre, sans vouloir les expliquer à tout prix, la rage, les mensonges et les atroces égarements de Vehulst, dont la figure diabolique ne parvient pas à effacer celle, à l'opposé, de son épouse, pacifiste et victime de cet associé des forces du mal, lequel n'aura finalement pas payé si cher pour ses méfaits.

 

 

L'auteur :

 

Stefan Hertmans est né le 31 mars 1951 à Gand. Il a publié 9 romans dont Guerre et térébenthine et Le coeur converti.

 


05/02/2022
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Le hobereau excentrique (Portrait du baron d'Handrax)

Quel bonheur de retrouver la plume de Bernard Quiriny, tel qu'en lui-même, dans Portrait du baron d'Handrax, c'est à dire à mille lieux d'un récit réaliste, ayant pour simple ambition de nous divertir en repoussant les limites de l'absurde et de l'incongru. De quoi s'agit-il dans son nouveau forfait ? "Le baron d’Handrax existe, Bernard Quiriny l’a rencontré. Installé en famille dans son manoir de l’Allier, cet hobereau excentrique aux allures de géant barbu est débordant d’idées folles, qui font de lui le

plus attachant des compagnons." Voilà, tout est dit, ou presque. D'histoire à proprement parler, il n'y en a pratiquement pas, l'auteur s'amusant plutôt à détailler les mille et une fantaisies de cet original aux idées le plus souvent farfelues et non dénuées de poésie, voire de bon sens, parfois. C'est un homme d'un autre temps, rétrograde et paternaliste sans doute, par certains comportements, mais aussi généreux et sentimental et surtout libre de mener la vie qui lui convient, peu conventionnelle, à partir du moment où ses ressources financières lui permettent. Ce personnage hors sol est avant tout un prétexte à Quiriny pour exposer des trouvailles baroques, imaginer des situations tordantes (les dîners de sosies), digresser dans de brèves et étranges histoires et rire, par ricochet, des pauvres humains que nous sommes et qui se prennent au sérieux, faute de voir le ridicule de nos vies, privées de légèreté et d'humour. Bref, sans être le meilleur des ouvrages de son auteur, Portrait du baron d'Handrax est du Quiriny pur jus, avec un héros qui marche parfois à reculons pour ne pas voir les laideurs de ce monde (panneaux publicitaires, centres commerciaux, lignes à haute tension, etc.).

 

 

L'auteur :

 

Bernard Quiriny est né le 27 juin 1978 à Bastogne (Belgique). Il a publié 10 livres dont Contes carnivores et Le village évanoui.

 


15/01/2022
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La gloire de son père (Premier sang)

Dire que Premier sang est différent des autres livres d'Amélie Nothomb pourrait constituer un élément marketing de plus, dont la romancière n'a pas besoin pour vendre, mais l'argument est incontestable. Il s'agit ici pour elle de raconter la jeunesse de son père et le début de sa carrière de diplomate, marquée par une prise d'otages en 1964 à Stanleyville, dans l'ex-Congo belge. L'écriture est familière : rythme rapide, dialogues percutants et fantaisie permanente mais tout est mis au service d'un hommage non dissimulé à un homme singulier, attachant et courageux, bien qu'il ne supportât point la vue du sang. En remontant le temps, à grandes enjambées comme à son habitude, Amélie Nothomb s'arrête cependant sur plusieurs périodes significatives de la première vie de Patrick Nothomb, dans des scènes qui rappellent tour à tour Les Misérables (le château ardennais de son grand-père), Cyrano de Bergerac (lettres écrites pour la bien-aimée de son meilleur ami) et enfin Shéhérazade (la prise d'otages). Le tout, évidemment, façon Nothomb, c'est à dire avec une plume légère et espiègle sachant que la fin du livre a une tonalité plus dramatique. Toujours est-il qu'on on a rarement été aussi touché par un récit de la native d'Etterbeek, sans pour autant qu'elle se départisse de la malice de sa plume. Bien entendu, le roman est trop court pour ne pas susciter une frustration coutumière, tout du moins chez les lecteurs qui n'ont pas d'idée préconçue au sujet d'Amélie Nothomb, ni thuriféraires fidèles, ni contempteurs systématiques.

 

 

L'auteure :

 

Amélie Nothomb est née le 9 juillet 1966 à Etterbeek (Belgique). Elle a publié 30 livres dont Hygiène de l'assassin, Stupeur et tremblements et Soif.

 


19/08/2021
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