Cinéphile m'était conté ...

Cinéphile m'était conté ...

Sorties 2021


Cosmétique du sordide (A Perfect Enemy)

 

A Perfect Enemy est une adaptation, très libre, de Cosmétique de l'ennemi, publié par Amélie Nothomb en 2001. Du livre, le réalisateur catalan Kike Maillo a retenu le lieu principal, un aéroport, et le principe d'un duel à mots mouchetés entre deux personnages, un homme et une femme (deux hommes dans le roman). Le dispositif très théâtral, fondé par l'abondance de dialogues, n'est pas gênant car le film l'aère avec des histoires au sein de l'histoire principale, dans une mise en abyme censée nous désorienter, à mesure que se précisent les véritables enjeux d'un récit assez sordide. Cet exercice de style s'effectue avec deux protagonistes peu sympathiques, entre l'architecte arrogant à la recherche de la perfection et la sauvageonne qui le harcèle et le pousse dans ses retranchements. Le film se suit comme un thriller mais sa vraie nature est celle d'un drame psychologique, avec un twist final repérable à l'avance et déjà vu dans quantités de films auparavant. Si le but du long-métrage est dé créer un grand malaise, il y parvient assez bien pendant un moment mais plus les ficelles apparaissent, plus l'ensemble devient désagréable et assez vain pour virer carrément au grotesque dans les dernières minutes. Scénarisé par des espagnols, se déroulant dans un aéroport parisien, joué principalement par un polonais et une sud-africaine, et ... tourné en anglais, le côté cosmopolite de A Perfect Enemy ne fait qu'augmenter son aspect très artificiel et que personne ne s'avise d'essayer la moindre comparaison avec Le limier de Mankiewiz, par pitié !
 

 
Le réalisateur :

 
Kike Maillo est né le 3 juin 1975 à Barcelone. Il a réalisé 4 films dont Eva.

 


03/01/2022
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Pas le feu au lac (Goodbye Mister Wong)

 

Au bord du lac Nam Ngum, au nord du Laos, plusieurs se personnages se croisent : français, chinois et laotiens. Goodbye Mister Wong possède un rythme particulier, aussi contemplatif devant les splendides paysages lacustres que devant le mystère insondable des êtres, tous à la recherche de quelque chose : l'amour, l'abandon, l'argent ... Souvent languissant mais rarement ennuyeux, le film avance avec une grande douceur, convoquant aussi bien le passé colonial (avec son héroïne franco-laotienne) que l'avenir (avec l'investisseur chinois). Goodbye Mister Wong file comme les bateaux sur l'onde, sans hâte, le temps suspendu pour contempler la beauté d'une nature encore préservée. Il n'y a littéralement pas le feu au lac mais pour combien de temps encore ? Aux côtés de Marc Barbé et de Nathalie Richard, impeccables, la gracile Nini Vilivong charme par son naturel. Elle a accepté ce premier rôle au cinéma "pour permettre à ses enfants d'avoir un souvenir d'elle."

 

 

Le réalisateur :

 

Kiyé-Simon Luang est né le 25 octobre 1966. Il a réalisé un documentaire.

 


03/01/2022
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Leurs amis, leurs amours, leurs emmerdes (Nos plus belles années)

 

Si le titre français du dernier film de Gabriele Muccino, Nos plus belles années, rappelle immédiatement le long-métrage de Sydney Pollack, l'inspiration avouée vient surtout du chef d’œuvre d'Ettore Scola, Nous nous sommes tant aimés. Un sommet inatteignable, est-il besoin de le préciser, même si Muccino fait preuve d'une certaine ambition dans cette fresque émotionnelle qui court sur près de 40 années en incluant au passage quelques événements de l'histoire italienne ou mondiale. Mais le réalisateur de Juste un baiser sait pertinemment qu'il n'a pas l'envergure des plus grands cinéaste transalpins et Nos plus belles années est parcouru d'une certaine modestie et de légèreté dans son discours, cherchant surtout à raconter des trajectoires de vie de quatre amis depuis l'adolescence, trois garçons et une fille, dont le passage du temps douchera peu à peu leur enthousiasme juvénile. On connait la chanson : leurs amis, leurs amours, leurs emmerdes ... que le film conjugue en entremêlant les destins avec le plus touchant pour la fin quand l'amertume, la nostalgie et la mélancolie se donnent la main. La mise en scène de Muccino manque de relief, ce n'est pas nouveau chez lui, et les transitions sont parfois assez peu fluides mais on se laisse gentiment embarquer, surtout dans les ultimes minutes, dans cette évocation principalement sentimentale. Dommage cependant que le film soit aussi "masculin" et néglige un peu sa seule héroïne dont le rôle se limite presque à faire s'affronter deux des trois garçons. Du côté de l'interprétation, la lutte est un peu inégale entre Pierfrancesco Favino (Le traître de Bellocchio) qui n'a aucun mal à dominer ses petits camarades de jeu.

 

 

Le réalisateur :

 

Gabriele Muccino est né le 20 mai 1967 à Rome. Il a réalisé 12 films dont Juste un baiser et Une famille italienne.

 


02/01/2022
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Mère intérieure (The Lost Daughter)

 

Le passage à la réalisation de Maggie Gyllenhaal ne doit vraiment pas représenter une surprise tant sa manière très personnelle d'investir ses rôles, en tant qu'actrice, laissait à penser qu'elle avait en elle la capacité d'aller plus loin que la simple interprétation. En adaptant Poupée volée d'Elena Ferrante, elle se frotte à un sujet de plus en présent en littérature ou au cinéma, alors qu'il a été longtemps tabou, celui de la maternité "contre nature", selon l'expression même utilisée par l'héroïne de The Lost Daughter. Le film voyage sur les rives d'une mère intérieure entre le présent (les vacances en Grèce d'une femme solitaire de 48 ans) et le passé (la même, une vingtaine d'année plus tôt, avec ses deux filles), avec des flashbacks de plus en plus prégnants, qui ne sont pas loin de briser l'équilibre du long-métrage. Mais le désordre émotionnel et l'absence d'harmonie sont au cœur de The Lost Daughter qui fait sourdre la tension dramatique d'événements parfois a priori anodins. C'est dans la création d'une atmosphère inquiétante sur cette île grecque, où tout ne devrait être que calme et volupté, que Maggie Gyllenhaal montre une maîtrise étonnante et fait regretter les trop nombreux retours dans le passé, évoqués auparavant. Indépendamment, et ce n'est pas non plus une source d'étonnement, c'est dans la direction d'acteurs que la néo-réalisatrice se révèle infiniment douée, y compris pour des rôles secondaires comme celui d'Ed Harris. Ses trois personnages féminins sont intenses et magnifiquement joués par Dakota Johnson, Jessie Buckley et, planant comme un aigle royal au-dessus de la mêlée, Olivia Colman, sublime dans sa force fragile et ses vibrations intimes.

 

 

La réalisatrice :

 

Maggie Gyllenhaal est née le 16 novembre 1977 à New York.

 


01/01/2022
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La maîtresse anglaise du grand écrivain (Tromperie)

 

Arnaud Desplechin adapte Tromperie, roman assumé comme autobiographique par Philip Roth. Pas simple de retrouver l'équivalence du style de l'écrivain américain à l'écran alors même que ses grands thèmes : les femmes, la judéité, le sexe et la mort, y sont présents. En premier lieu, ce sont les inconditionnels de Roth et de Desplechin qui vont prendre du plaisir à Tromperie. Pour les autres, et malgré une mise en scène qui ne manque pas d'éclat, difficile de rester concentré plus de 100 minutes autour de conversations à deux, le plus souvent entre le grand écrivain et sa maîtresse anglaise. Bien sûr qu'il y a des motifs d'intérêt comme le processus de création littéraire ou le donjuanisme de l'auteur mais le film prend la forme d'un exercice de style qui parfois lasse et auquel davantage d'émotion et de vibrations n'aurait pas nui. Avec l'introduction d'autres personnages (majoritairement des femmes) et même un simulacre de procès de misogynie fait à l'écrivain, le film parvient à relancer l'attention mais reste malgré tout en grande partie cérébrale y compris dans ses moments les plus crus, et il y en a quelques uns. Mais même les contempteurs du film devront reconnaître que Denis Podalydès accomplit un travail très impressionnant et personnifie parfaitement Roth tel qu'on on l'imagine à travers ses écrits. Quant à Léa Seydoux, qui n'a cessé depuis ses débuts d'essuyer des critiques quant à son talent, elle devrait clouer définitivement quelques becs avec son interprétation tout en nuances subtiles.

 

 

Le réalisateur :

 

Arnaud Desplechin est né le 30 octobre 1960 à Roubaix. Il a réalisé 12 fims dont Esther Kahn, Rois et reine, Trois souvenirs de ma jeunesse.

 


01/01/2022
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Un voisin qui vous veut du mal (Next Door)

 

La structure artificielle de Next Door, premier long-métrage réalisé par Daniel Brühl, est pleinement assumée, avec un décor quasi unique, un bar suranné de Berlin, et une joute oratoire entre un acteur célèbre prénommé Daniel et un voisin qui possède des dossiers accablants sur lui. Précision importante : le film a été coécrit par une autre célébrité d'outre-Rhin, le romancier Daniel (encore !) Kehlmann, auteur entre autres de Gloire, qui ironisait déjà sur la célébrité et ses inconvénients. La mise en scène n'est pas particulièrement brillante dans Next Door, la primauté étant donnée aux dialogues, cinglants et cruels, destinés à faire tomber la star de son piédestal et de ses certitudes égocentriques, tout en dressant un portrait peu amène de Berlin, entre gentrifiés et déphasés de l'ex RDA. Très bien, mais le côté programmatique du film est un peu trop flagrant et invraisemblable (l'acteur qui ne cesse de ne différer son départ pour un rendez-vous crucial pour sa carrière, cela reste peu crédible, quelles que soient les circonstances). Ce qui est acceptable dans une pièce de théâtre, avec ses conventions, l'est nettement moins au cinéma. Par ailleurs, comme un dans un film d'action, la montée en puissance passe ici par une sorte d'escalade dans les actions supposées du voisin irritant vis à vis de la star qui n'en peut mais et, là encore, la vraisemblance s'éloigne. C'est un exercice de style, soit, d'auto-dérision très contrôlée (le personnage est un double de Daniel Brühl mais ce n'est pas vraiment lui) mais qui tourne finalement en rond avec des messages assénés. Reste l'interprétation de Peter Kurth, monument du cinéma et de la télévision allemands, à la présence colossale dans son rôle de voisin qui vous veut du mal.

 

 

Le réalisateur :

 

Daniel Brühl est né le 16 juin 1978 à Barcelone.

 


31/12/2021
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Gamins de Téhéran (Les enfants du soleil)

 

Ali,12 ans, commet des actes délictueux quand il ne travaille pas dans un garage. Et il ne fréquente l'école que lorsqu'il y a un gros coup à la clé. Dédié à tous les enfants victimes du travail forcé, Khorshid frappe par l'authenticité de son interprétation avec des gamins tous recrutés dans les rues de Téhéran. L'intrigue centrale, la recherche d'un trésor hypothétique, assez peu plausible, n'est qu'un prétexte pour établir un constat social terrible et rendre hommage aux écoles caritatives, à l'équilibre financier précaire, qui tentent d'éduquer des gamins livrés à eux-mêmes. Tout ne fonctionne pas parfaitement dans le film de Majid Majidi, notamment réalisateur de Les enfants du ciel, et il est même parfois brouillon, abandonnant certains éléments narratifs en route, mais son énergie et son rythme ne sont jamais pris en défaut. Il y est aussi question de la situation des Afghans en Iran, population souvent stigmatisée, et le film parvient assez adroitement à montrer une société inégalitaire, sans pour autant critiquer plus que de raison les autorités du pays. Au point même qu'il a été choisi pour représenter l'Iran à l'Oscar du meilleur film international où il fait partie de la shortlist dévoilée en février 2021.

 

 

Le réalisateur :

 

Majid Majidi est né le 17 avril 1959 à Téhéran. Il a réalisé 14 films dont La couleur du paradis et Le chant des moineaux.

 


31/12/2021
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Dernière carte (The Card Counter)

 

Bien qu'il ait réalisé une vingtaine de longs-métrages, Paul Schrader continuera éternellement être reconnu comme le scénariste de Taxi Driver. Ceux qui connaissent et apprécient son travail de cinéaste depuis Blue Collar ne seront pas surpris par The Card Counter et son côté janséniste qui en font un film hors du temps ou plus précisément calqué sur une atmosphère très années 70. Les amateurs de cinéma d'action en seront pour leurs frais, à l'image de son héros ténébreux et magnétique, The Card Counter refuse le spectaculaire et se balade dans des contrées introspectives, avec ses images volontairement répétitives de salles de casino, de chambres d'hôtel et de parties de poker filmées sans aucune fièvre. Avec pour thème la rédemption, sujet obsessionnel pour Schrader, le film abat ses cartes de manière lancinante, créant une ambiance fascinante et délétère même s'il n'y a aucune violence apparente. La grande scène attendue, eu égard au passé traumatique du personnage principal, n'intervient que dans les dernières minutes du film et encore est-elle escamotée, hors champ, car ce n'est évidemment pas l'essentiel. Porté une B.O étrange et pénétrante et rehaussé (paradoxalement) par le jeu minimaliste d'Oscar Isaac, The Card Counter est un grand film à l'âme noire où jouer sa dernière carte prend toute sa signification.

 

 

Le réalisateur :

 

Paul Schrader est né le 22 juillet 1946 à Grand Rapids (Michigan). Il a réalisé 20 films dont American Gigolo, Patty Hearst et The Canyons.

 


30/12/2021
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Les silences de l'agneau (Lamb)

 

Les moutons, plus nombreux que les habitants, font partie du décor habituel des films islandais se déroulant en milieu rural. De même qu'en Nouvelle-Zélande (vous vous souvenez de Black Sheep ?), les ovins nourrissent naturellement l'imaginaire des cinéastes, surtout si, comme Valdimar Jóhannsson, le réalisateur de Lamb, ils ont passé leur enfance dans une ferme. Avec 3 personnages, un chien, un chat et un troupeau de moutons, le film se présente comme une épure, au milieu de nulle part, c'est à dire dans un endroit isolé d'Islande où la splendeur des paysages est aussi source d'inquiétude. Le silence (de l'agneau) règne dans Lamb, qui n'a besoin que de peu de dialogues pour installer une atmosphère sourde d'angoisse, comme si quelque chose d'inhabituel, voire de monstrueux se passait (et c'est le cas mais révéler quoi que ce soit de l'histoire serait criminel). Le film est un conte ou une parabole, comme l'on voudra, aux résonances bibliques, qui traite de manière dérangeante de la maternité, du deuil et de l'animalité chez les humains, à moins que ce ne soit de l'humanité chez les animaux. Toujours est-il que défier les lois de la nature est une tentation à laquelle il ne vaut mieux pas céder, au risque d'y perdre plus que son âme. Malgré un petit fléchissement dans sa dernière partie, Lamb fascine par son outrage tranquille à la normalité et perturbe constamment notre entendement par rapport à ce qui est montré sur l'écran. A sa manière, Lamb suscite le même délicieux malaise que Border (2018), avec la magnétique présence de Noomi Rapace, en plus.

 

 

Le réalisateur :

 

Valdimar Johannsson est né en 1978 en Islande. Il a réalisé 1 court-métrage.

 


29/12/2021
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Double Je (Madeleine Collins)

 

Ah oui, on imagine très bien comment Hitchcock aurait "utilisé" la blondeur de Virginie Efira, en femme fatale et névrosée, se baladant inconsciente, au bord du précipice. Que cela soit clair, Antoine Barraud n'appartient pas à la même classe que le réalisateur de Vertigo, loin s'en faut, et sa mise en scène manque cruellement d'intensité et de fluidité dans Madeleine Collins. Tant pis, le film est tout de même un habile thriller psychologique, parfois effrayant par ce qu'il suggère (une histoire à la Jean-Claude Romand ?) alors qu'il emprunte finalement une toute autre route, assez peu balisée et qui ne serait pas crédible un seul instant sans le pouvoir d'incarnation de son interprète principale. L'introduction du long-métrage est forte et mystérieuse et reste longtemps une énigme avant la révélation presque finale : un bon point pour le scénario habité par l'idée des doubles : identité, nationalité, vie ... Au jeu du double Je, le puzzle va se reconstituer et surprendre, loin d'une banale affaire d'adultère, en insistant sur la personnalité indiscernable de son héroïne. Il sera toujours possible d'ergoter sur la vraisemblance des situations mais cela vient bien moins à l'esprit que le ravissement un brin pervers de voir à quel point Virginie Efira s'approprie ce rôle ambigu, sans un instant chercher l'empathie. Barraud la filme de façon énamourée, comme Kim Novak vous savez par qui ou encore Marlene par von Sternberg (n'ayons pas peur des comparaisons) en semblant s'étonner lui-même de la capacité de l'actrice à sublimer son personnage. Cette année, elle a été, entre autres, Benedetta et Madeleine, quelle performance ! Qui d'autre, Isabelle Huppert mise à part, pourrait aller aussi loin dans l'art de la composition ?

 

 

Le réalisateur :

 

Antoine Barraud est né en 1972. Il a réalisé Song, Les gouffres et Le dos rouge.

 


27/12/2021
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