Cinéphile m'était conté ...

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Inédits


Une vie entière (Autriche)

Une vie entière (Ein ganzes leben), Hans Steinbichler, Autriche, 2023

Robert Seethaler est l'un des meilleurs romanciers autrichiens contemporains dont l'art minimaliste saisit à merveille l'existence de personnes a priori banales, vivant parfois des situations extraordinaires. Une vie entière en est un exemple frappant et son adaptation au cinéma s'annonçait assez périlleuse. Le défi a té relevé par le Suisse Hans Steinbichler qui est resté assez fidèle au livre et à son esprit. Peu de dialogues, donc, et une ode à la nature qui est le meilleur du film, avec les paysages somptueux du Bas Tyrol. Ce portrait d'un homme modeste et travailleur ne s'élève cependant jamais à la hauteur des montagnes car le cinéaste ne trouve jamais un équivalent au style de l'écrivain. L'interprétation est de bonne qualité et la mise en scène sans chichis, dans un récit qui réussit à ne pas ennuyer un seul instant en dépit de son peu d'ambition. Mais cela eut été un contresens, à l'égard du roman, que de céder à une quelconque emphase.

 

 

Note : 6/10

 


02/04/2024
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Wil (Belgique)

Wil, Tim Mielants, Belgique, 2023

Il serait hasardeux d'essayer de trouver des points communs entre De Patrick, le premier long-métrage complètement marteau (et très drôle) du cinéaste flamand Tim Mielants et son dernier en date, Wil. Il s'agit ici de l'adaptation d'un roman de son compatriote Jeroen Olyslaegers, paru en 2019 en France sous le titre de Trouble. Un livre assez remarquable, au demeurant, se déroulant à Anvers pendant les années d'Occupation, avec pour héros un flic partagé entre la morale et son "devoir", à la botte des Allemands. Un texte chaotique mais brillant, reflétant les ambiguïtés de l'époque, que l'on retrouve évidemment dans Wil, dans un climat oppressant. Le film, qui n'est pas avare de scènes atroces, semble pourtant parfois souffrir de certains défauts narratifs qui nuisent à la cohésion de l'ensemble. Par ailleurs, les extérieurs, tournés en Pologne, ne donnent que rarement l'impression de se trouver véritablement à Anvers. Si le livre, construit en flashbacks, interrogeait sur la fiabilité du narrateur, le film n'utilise que peu la voix off, lui préférant un récit direct, cherchant l'efficacité d'une mise en situation immédiate et insupportable. L'interprétation est à la hauteur mais l'ensemble, paradoxalement eu égard à son sujet, manque de subtilité et surtout d'émotion.

 

 

Note : 5,5/10

 


19/02/2024
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Here (Belgique)

Here, Bas Devos, Belgique, 2023

Quand une bryologiste d'origine chinoise et un ouvrier en bâtiment roumain se rencontrent à Bruxelles, autour d'une petite mousse (de forêt, rien à voir avec la bière), ils n'ont pas besoin de beaucoup de paroles pour apprécier la quiétude de la nature environnante. Le cinéaste belge Bas Devos aime les histoires minimalistes autour de personnages presque invisibles, dans Here, il s'agit presque d'une ébauche de comédie romantique mais sans insister outre-mesure, le réalisateur préférant contempler longuement la beauté des sous-bois. Autant dire qu'il faut accepter d'emblée le rythme très languissant du film et sa propension à vagabonder sans s'en tenir à une structure de scénario identifiée. On s'y adapte très facilement, avec de petits éléments qui créent un peu de chaleur, comme une soupe concoctée avec amour et distribuée avec non moins de générosité. Après 80 minutes, Here se termine assez brusquement. Le début de l'histoire racontée par le film va se développer sans doute après le générique de fin, on peut en tous cas l'envisager. En attendant, sans stress ni drame, sans grands discours non plus, Here a tissé sa toile avec humilité et nous avons croisé un homme et une femme comme beaucoup d'autres mais singuliers aussi, d'une certaine manière, quand on les regarde de près et avec bienveillance.

 

 

Note : 6/10

 


12/02/2024
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Mia (Italie)

Mia, Ivano De Matteo, Italie, 2023

Réalisateur de Les Équilibristes et de La belle gente, entre autres, Ivano De Matteo s'est toujours

préoccupé de l'existence de gens ordinaires, mais plein de contradictions, dans leur vie quotidienne.

Lui-même père d'une fille de 15 ans, il raconte dans Mia la vie d'une adolescente de cet âge, normale et

juste un peu rebelle devant les velléités d'autorité de son père. Rien de grave ne devrait lui arriver sauf si

un intrus ne venait brouiller les cartes et son équilibre. Avec un scénario plus linéaire et presque prévisible,

le cinéaste prend moins de risques que dans ses longs-métrages précédents, faisant le pari de nous

toucher, en creusant l'intimité de ses personnages et la fragilité d'une famille sans histoires. La mise en

place est un peu longue mais nécessaire pour contextualiser un drame qui s'annonce, avec un souci

louable de réalisme. On peut reprocher un côté laborieux, scolaire diront certains, comme si le but était

d'abord pédagogique, pour alerter les parents sur les dangers courus par leurs enfants, en particulier avec

l'omniprésence des réseaux sociaux. Le film est solide, les acteurs bien dirigés et l'intensité va crescendo,

jusqu'à un dénouement à la fois brutal et très ouvert. Une histoire d'aujourd'hui, à hauteur humaine, dans

laquelle parents et enfants se retrouveront, peu ou prou.

 

 

Note : 6,5.10

 

 


30/01/2024
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Aube (République Tchèque)

Aube (Úsvit), Matěj Chlupáček, République Tchèque, 2023

Úsvit peut se traduire par Aube mais porte par ailleurs le titre international de We have never been modern. Peu importe, le film de Matěj Chlupáček témoigne d'une belle ambition et se déroule dans la Tchécoslovaquie de 1937, autour de la ville-usine de la société Bata, à Svit, aujourd'hui en territoire slovaque. L'intrigue est complexe, dominée par une figure féminine, mais son contenu semble plus s'adresser au monde d'aujourd'hui, notamment autour de la notion de genre, que celui d'avant-hier, si ce n'est pour dire que les consciences n'ont que peu évolué. Le style du film, très sophistiqué, qui prend en compte la beauté des paysages des montagnes des Tatras, est son principal atout, avec l'interprétation inspirée de Eliska Krenkova, une actrice originaire de Prague, qui réussit à incarner une femme au physique des années 30, avec des idées avant-gardistes. Répétons-le, le traitement de l'histoire d'hermaphrodisme que raconte le long-métrage semble quelque peu anachronique, dans le sens où il s'ingénie à calquer des débats et des visions pertinentes d'aujourd'hui sur des faits qui, il y a désormais près d'un siècle, ne suscitaient que peu de vagues et encore moins d'opinions contrastées. Úsvit en dit finalement plus sur notre vision du monde d'avant-guerre que sur la réalité de ce dernier, si tant est qu'il soit possible, aujourd'hui, de la comprendre.

 

 

Note : 6/10

 


30/01/2024
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Eileen (Etats-Unis)

Eileen, William Oldroyd, Etats-Unis, 2023

Certains premiers longs-métrages, comme The Young Lady du Britannique William Oldroyd, donnent l'envie immédiate de suivre leur auteur dans leurs réalisations futures. Le voici donc, ce second film, Eileen, avec un changement de continent, via une action située au Massachusetts, et d'époque, pour le début des années 60. Mais dans cette adaptation d'un roman de Ottessa Moshfegh, c'est à nouveau une jeune femme qui est au centre de l'intrigue. Eileen travaille dans un prison pour adolescents criminels et vit avec un père alcoolique, ancien policier, qui ne s'est jamais remis de la mort de sa femme. Eileen, frustrée et désœuvrée, dont certains fantasmes sordides envahissent parfois ses pensées, voit dans l'arrivée d'une belle psychologue sophistiquée l'occasion de transfigurer son quotidien et de donner un sens à sa pauvre existence. Plutôt réussi dans son atmosphère de film malsain, le scénario s'emballe dans sa dernière partie et bifurque vers le thriller, suite à une série d'événements bien difficiles à avaler. Sauf, bien entendu, si l'on considère que ceux-ci ne sont que des fantasmes de plus dans l'esprit perturbé d'Eileen, mais ce n'est pas vraiment ce que le film semble suggérer, alors qu'il ne ressemble plus qu'à une sorte de pastiche des films noirs de la grande époque de Hollywood. Malgré cela, impossible de ne pas souligner la prestation étonnante de Thomasin McKenzie et celle, plus classique, dans le registre de la femme fatale, de Anne Hathaway.

 

 

Note : 5,5/10

 


30/01/2024
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Doux rêves (Pays-Bas)

Doux rêves (Sweet Dreams), Ena Sendijarević, Pays-Bas, 2023

Après Take me to somewhere nice, un premier long-métrage prometteur mais frustrant, voyage initiatique dans sa contrée d'origine, la Bosnie, Ena Sendijarević évoque avec Sweet Dreams le passé colonial du pays dans lequel elle a grandi, les Pays-Bas. Pour parler de ce "bon vieux temps des colonies", la cinéaste choisit une palette lumineuse, digne d'un conte de fées et truffe son récit de morceaux de réalisme magique et/ou de grotesque. Cette satire, située aux alentours de 1900, sur une petite île des Indes néerlandaises, se révèle parfaitement efficace, drôle et cruelle, pour ses colons, et tout en nuances pour une population autochtone loin d'être idéalisée et qui se débat entre assujettissement et désir d'indépendance. Le personnage de la servante, en particulier, pétri d’ambiguïtés, montre quels mécanismes met en branle le colonialisme, tant sur le plan physique que mental. Choisi par les Pays-Bas pour la compétition des Oscars 2024, dans la catégorie du meilleur film international, Sweet Dreams est une savoureuse évocation du temps passé, dont le traitement moderne, loin d'être révisionniste, touche à une grande part de vérité, en accentuant, à la manière d'un Greenaway, ses traits les plus haïssables tout en s'en moquant de la plus sardonique manière.

 

 

Note : 7/10

 


09/01/2024
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Les dernières cendres (Luxembourg)

Les dernières cendres (Läif a séil), Loïc Tauson, Luxembourg, 2023

Un western entièrement parlé en luxembourgeois et situé un peu avant et quelque temps après l'indépendance du pays, c'est évidemment alléchant pour tout cinéphile curieux. Il s'agit sans aucun doute du plus grand projet jamais monté autour de l'histoire du Grand Duché et le film a indubitablement des ingrédients dignes d'un blockbuster, à commencer par une violence éruptive qui rappelle les plus belles heures de Sam Peckinpah. Western, oui, The Last Ashes y ressemble, ou parfois plus proche d'un film de vikings, mais avec des éléments "modernes", à commencer par son héroïne, en croisade contre le patriarcat particulièrement cruel du petit village auto-suffisant où elle est née, et qui a tout du fonctionnement d'une secte, dans ses us et coutumes impitoyables. Nous assistons donc à quelque chose qui ressemble au retour de la vengeance d'une rebelle au sang froid, non sans avoir eu droit auparavant à un prologue étonnant en noir et blanc et format carré. Le long-métrage s'avère efficace, c'est indéniable, avec un souci de réalisme dans les décors et les costumes, mais il s'égare parfois dans un esthétisme emphatique et comporte quelques lacunes dans la cohérence de son scénario, dont l'une, fondamentale, concernant la survie de son héroïne. Au sein d'un casting riche en gueules pittoresques, l'interprète principale, Sophie Mousel, livre une performance, notamment physique, impressionnante.

 

 

Note : 6/10

 


01/01/2024
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Soo (Estonie)

Soo, Ergo Kuld, Estonie, 2022

En 1917, Toomas, jeune artiste peintre, de retour de Paris, revient sur sa terre natale estonienne, auprès de son fermier de frère. Dans cette région de marais, Toomas va évoluer entre trois femmes, sa belle-soeur, une baronne excentrique et une jeune fille surgie des marais, destinée à se marier avec un garçon dont la laideur n'a d'égale que sa violence. Hormis de superbes paysages, Soo n'a pas énormément à offrir, avec des personnages très caricaturaux, notamment le méchant de l'histoire, véritable monstre campagnard. Il y a heureusement un dénouement très spectaculaire qui rachète quelque peu le côté outré de l'ensemble, l'interprétation ne brillant guère par sa subtilité.

 

 

Note : 4/10

 

 

 


31/12/2023
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Adversaire (Suède)

Adversaire (Motståndaren), Milad Alami, Suède, 2023

Choisi par la Suède comme représentant ) pour l'Oscar 2024 du meilleur film international, Adversaire est un long-métrage qui respire autant l'authenticité que l’ambiguïté. Authenticité avec la description d'un centre pour réfugiés, situé aux confins de la Suède, près de la frontière finlandaise, où une famille iranienne a trouvé un asile provisoire. Une situation que le réalisateur, Milad Alami a connu enfant, après avoir fui son pays natal avec ses parents. Vraie aussi est l'attente insoutenable, avec de nombreuses tracasseries administratives, pour obtenir enfin la possibilité de s'installer définitivement dans un nouveau pays. Mais l'intrigue centrale, autour du personnage principal du film, Iman, est bien plus ambiguë. Marié et père, celui-ci a dû s'exiler à cause d'une dénonciation sur ses prétendues orientations sexuelles. Qu'en est-il exactement ? Le réalisateur laisse planer le doute, accentué encore par le sport que son héros pratique, la lutte, avec ses corps-à-corps filmés avec une certaine sensualité. Pas entièrement clair dans le fin mot de son histoire, le film se permet également quelques ellipses audacieuses, au risque de ne pas paraître crédible. L'interprétation de Payman Maadi, grand acteur vu notamment chez Farhadi et Roustayi, est en revanche remarquable.

 

 

Note : 6/10

 

 


30/12/2023
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