Inédits
Sous le volcan (Pologne)
Sous le volcan (Pod wulkanem), Daman Kocur, 2024, Pologne
Parler de la guerre en Ukraine, d'une manière différente, telle est l'ambition de cette production polonaise dont le titre évoque le célèbre roman de Malcolm Lowry, sans rien d'autre en commun. Le film suit la fin de vacances à Tenerife d'une petite famille ukrainienne privilégiée, dont le retour au pays est ajourné par le déclenchement des hostilités. Loin de Kyiv, le caractère intimiste du film aurait pu amener une certaine émotion mais par son aspect naturaliste le confine à une certaine neutralité de ton, traversée rarement par quelques bouffées plus intenses, comme une conversation entre le père et sa fille, pré-adolescente. Le centre d'intérêt se situe d'ailleurs du côté de cette dernière qui vit cette vacance, au sens strict du terme, dans une triste humeur, au gré de tensions exacerbées au sein d'une famille déboussolée par une situation dont elle subit les conséquences sans pour autant, encore, se trouver en son épicentre.
Note : 5,5/10
Vol 404 (Egypte)
Vol 404 (Rehla 404), Hani Khalifa, Egypte, 2024
Par certains côtés, le film de Hani Khalifa rappelle certaines réalisations égyptiennes des années 50 et 60, celles de Henri Barakat, par exemple, qui essayaient de mêler réalisme social et romanesque, voire mélodrame. Non sans théâtralité, c'est le cas dans Flight 404, et avec une interprétation volontairement outrée. Le métrage bénéficie d'une certaine liberté langagière et on y évoque sans tabous religion, avortement et prostitution. Au-delà d'une facture proche de celle des feuilletons populaires et sentimentaux, le portrait de l'héroïne, symbole de la condition féminine dans l'Egypte d'aujourd'hui, avec une indépendance revendiquée mais difficile à atteindre, dans les faits, est particulièrement intéressant.
Note : 5,5/10
My Late Summer (Bosnie)
My Late Summer (Nakon ljeta), Danis Tanović, Bosnie, 2024
Le réalisateur bosnien Danis Tanović a connu le succès dès son premier long métrage de fiction, No Man's Land, Oscar du meilleur film étranger. Depuis, sa carrière a été honnête, avec une inspiration plus ou moins avérée. My Late Summer se situe plutôt du côté du divertissement, commençant sérieusement, avec la quête d'un héritage pour une femme qui a peu (ou pas ?) connu son père. Mais c'est assez vite une comédie romantique qui pointe son nez, assez triste d'ailleurs, mais anodine, dans le cadre de la fin de saison d'une île croate, avec des personnages hauts en couleur. Pas beaucoup de profondeur dans tout cela hélas et un humour guère convaincant, par-dessus le marché.
Note : 5,5/10
Rita (Guatemala)
Rita, Jayro Bustamante, Guatemala, 2024
Avec Ixcanul et ses films suivants, Jayro Bustamante a placé le Guatemala sur la carte du cinéma. Rita, qui s'appuie sur un tragique fait divers survenu en 2017 dans son pays, utilise le réalisme magique pour évoquer un orphelinat où les mauvais traitements sont quotidiens, sans que quiconque, à proximité, ne s'en émeuve. Les adolescentes y sont représentées comme des anges unies par une volonté commune de révolte face à des démons dépourvus de toute pitié. En recourant à la fantaisie dans un univers surréel, le film édulcore largement la réalité et, même si certaines scènes se reconnectent à la réalité, le propos semble cependant affadi par cette volonté de transfigurer les éléments les plus dramatiques de la plus sordide vérité. La puissance visuelle du métrage est évidente et l'interprétation à la hauteur mais Rita ne génère pas l'émotion attendue, à cause des partis pris d'un récit qui se détermine comme une sorte de conte horrifique. En même temps, si Jayro Bustamante avait voulu s'inscrire dans une démarche naturaliste, le film aurait été très difficile à regarder et insoutenable dans ce qu'il aurait dit de la violence et de la cruauté des comportements humains, y compris face à l'innocence et à l'impuissance de ses victimes expiatoires.
Note : 6/10
Le temps d'un été (Canada)
Le temps d'un été, Louise Archambault, Canada, 2023
Le cinéma québécois est depuis longtemps passé maître dans l'art de mélanger humour et émotion, dans des histoires humaines qui transcendent la vie. Le temps d'un été est de cette race-là, généreux et bienveillant, autour d'un curé qui emmène avec lui son "gang de pouilleux" dans un domaine en Gaspésie, dont il a hérité. Le film prend le temps de détailler le sort de tous ces cabossés de l'existence, avec une certaine pudeur, laquelle ne dure cependant pas pendant les 125 minutes du récit. Accompagné d'une multitude de chansons folk qui soulignent avec insistance la mélancolie ambiante, le long métrage verse peu à peu dans un sentimentalisme très marqué, tout en aplanissant avec un peu trop de facilité les conflits existants. Rien à reprocher, en revanche, à la splendeur des paysages et à une interprétation solide, dominée par le charismatique Patrice Robitaille.
Note : 6/10
Carbon (Moldavie)
Carbon, Ion Borş, Moldavie, 2022
A l'été 1992, alors que la Moldavie s'apprête à fêter son premier anniversaire de nation indépendante, après le démantèlement de l'URSS, la guerre du Dniepr oppose pendant 4 mois les troupes moldaves aux sécessionnistes pro-russes de la Transnistrie. C'est dans ce contexte, dans un petit village proche du front, que se situe l'action de Carbon, l'un des rares exemples de cinéma moldave de ces dernières années. La découverte d'un cadavre carbonisé, impossible à identifier, constitue le début d'une intrigue qui montre, à la façon d'une satire, les balbutiements d'une démocratie qui a du mal à se prendre en place, surtout au milieu de nulle part, bien loin de la capitale, Chișinău. Le problème est que l'humour local est parfois difficile à décrypter et que la mise en scène, guère dynamique, de même que l'interprétation, trop faible, n'aident pas à s'enthousiasmer. Cela reste néanmoins un film "historique" d'un niveau acceptable, avec son atmosphère à la Kusturica, en moins endiablé, toutefois. Il complète aussi les rares romans moldaves qui nous sont parvenus, ces derniers mois, de Iulan Ciocan, par exemple, et qui expriment de la même manière la crainte des visées expansionnistes du voisin russe.
Note : 5,5/10
Miki (Slovaquie)
Miki, Jkub Kroner, Slovaquie, 2024
Une comédie musicale peut-elle se révéler sapide, en dépit d'une intrigue minimale, voire quasi inexistante ? L'histoire du cinéma, notamment américain, nous révèle que oui, c'est envisageable, mais il faut alors des ingrédients parfaits dans tous les domaines : mise en scène, interprétation, musique, costumes, etc. Nul ne pourra prétendre que Joli joli, de Diastème, frise la perfection dans tous ses aspects mais l'énergie de l'ensemble, la bonne tenue de la plupart des chansons, un sens du rythme narratif indéniable, la reconstitution colorée d'une époque, les années 70, qui paraît déjà lointaine participent au plaisir simple et vif que l'on prend devant le film. Ceci à la condition d'accepter que son seul sujet est celui des amours contrariées, déclinées sous le mode hétéro ou homo, et que les quelques clins d’œil à notre monde d'aujourd'hui (des téléphones portables au mouvement #MeToo) ne brillent pas véritablement par leur finesse. Mais si on se laisse faire sans renâcler (question d'humeur du spectateur), Joli joli est un charmant voyage rétro, où l'on appréciera autant sinon plus les rôles secondaires (Laura Felpin, Vincent Dedienne et Victor Belmondo) par rapport à ses têtes d'affiche que l'on attendait plus étincelantes (Clara Luciani et William Lebghil) ou encore, autrement dit, plus glamoureuses.
Note : 4,5/10
La jeune vendeuse (Mongolie)
La jeune vendeuse (Khudaldagch ohin), Sengedorj Janchivdorj, Mongolie, 2021
Yourtes, grands espaces et chevaux sauvages : oubliez tout ce dont le cinéma mongol est le plus souvent synonyme. The Sales Girl se déroule dans le centre moderne d'Oulan-Bator et son héroïne, étudiante en physique nucléaire, ne se déplace jamais sans son casque sur les oreilles (la B.O du film est d'ailleurs charmante). Pour autant, cette sage jeune femme obéit à ses parents et rien ne la prédestinait à devenir vendeuse dans un sex-shop, avant d'avoir à remplacer une amie dans un univers qu'elle ignore totalement. Cela dit, le magasin en lui-même n'est qu'un prétexte pour un récit d'apprentissage dans lequel la vieille et excentrique propriétaire de l'établissement joue un grand rôle. Le film file à une allure modérée mais satisfaisante, bourré de détails amusants et insolites, se situant quelque part entre Kaurismäki et Yerzhanov. Une jolie histoire de transmission et d'épanouissement personnel, que le réalisateur, Sengedorj Janchivdorj, illustre avec fantaisie et tendresse.
Note : 7/10
Ce genre de petites choses (Irlande)
Ce genre de petites choses (Small things like these), Tim Mielants, Irlande, 2024
Ceux qui ont vu The Magdalene Sisters de Peter Mullan (2003) savent ce qu'est ce long "scandale" irlandais qui imprègne Small things like these, un faux conte de Noël écrit par Claire Keegan, adapté avec une grande fidélité par Tim Mielants, dans le film éponyme. Cela dit, le livre est largement supérieur à sa transposition sur grand écran, celle-ci cherchant davantage à créer une atmosphère, avec une économie de mots et une lenteur du récit, sans tout à fait y parvenir. Par exemple, les flashbacks consacrés au personnage principal, ce charbonnier qui n'a pas oublié son enfance, par exemple, n'ont pas la force qu'ils ont dans le roman. La construction narrative et la réalisation se veulent pudiques, en offrant un regard latéral à ce qui se joue entre les murs du couvent, mais ce parti pris, aussi louable soit-il, ne contribue pas à augmenter l'intérêt, d'autant que Cillian Murphy joue son rôle en essayant d'être le plus effacé possible, lui, l'homme foncièrement bon et sans aucun doute pétri de foi, comme tous ceux qui l'entourent et qui se taisent, tout en sachant la vérité. La comparaison avec The Quiet Girl, sublime film irlandais qui jouait aussi sur la retenue et les non-dits, est nettement en défaveur de Small Things like these, en dépit de qualités d'ambiance, indéniables.
Note : 6/10
Disco Afrika (Madagascar)
Disco Afrika, Luck Razanajaona, Madagascar, 2023
Disco Afrika est le premier film malgache, réalisé par un cinéaste local, Luck Razanajaona, à accéder à un grand festival international, en l'occurrence la Berlinale ((il a aussi été présenté à Marrakech et à Toronto, entre autres). Un événement pour un film qui a bénéficié de plusieurs coproductions étrangères , au service d'un récit actuel des maux de l'île rouge, récurrents depuis plusieurs décennies, à commencer par la corruption généralisée, l'inflation, la violence de l’État pour réprimer les révoltes du peuple. Le héros de cette histoire malgache est un garçon fier qui a perdu son père des années plus tôt, à la suite d"émeutes, et qui revient dans sa ville natale de Tamatave où vivent toujours sa mère et le meilleur ami de son père. Une intrigue simple, joliment mise en lumière et accompagnée d'une musique entêtante, qui résonne comme un récit d'apprentissage tout autant qu'un portrait d'un pays qui ne parvient pas à sortir de chaos. La jeunesse, seule, peut représenter un espoir pour l'avenir mais le chemin sera long et escarpé.
Note : 6,5/10