Journal de La Rochelle (7)
Confidente de Çagla Zencirci et de Guillaume Giovanetti
Le duo turco-français composé de Çagla Zencirci et de Guillaume Giovanetti aime à changer de registre dans chacun de ses longs métrages. Ainsi, Confidente n'a rien à voir avec le magnifique Sibel et nous fait entrer de plain pied dans un centre d'appels érotique, situé à Ankara, précisément en l'an 1999. Le film est un huis-clos et l'intrigue ne progresse qu'à travers des appels téléphoniques, qui vont varier de tonalité et quitter une certaine crudité pour aller vers l'angoisse et le tragique, à cause d'un tremblement de terre survenu à Istanbul. Confidente est plutôt meilleur que la plupart des films "au bout du fil", qui ont fleuri ces dernières années, mais il reste malgré tout, et en dépit de son rythme soutenu, un exercice de style, qui connaît parfois des rebondissements "téléphonés", désolé pour l'horrible jeu de mots. D'autre part, si on a le malheur de quitter l'écoute un court moment, le risque est grand de perdre une peu de compréhension, dans un ensemble qui fustige le machisme ambiant et la corruption généralisée. Si le film ne perd pas de son intensité, il le doit avant tout à son interprète principale, constamment à l'image, et remarquable de bout en bout, à savoir la géniale Saadet Işıl Aksoy qui, à elle seule, parvient à personnifier le courage et l'honnêteté des femmes, dans une société qui ne cesse de les rabaisser et de les traiter avec mépris, condescendance et hypocrisie.
Les larmes du crocodile (Air Mata Buaya) de Tumpal Tampubolon
Présenté au Festival de La Rochelle 2025, après être passé notamment par Toronto, Busan et Londres, Les larmes du crocodile n'a pas, au moment où ces lignes sont écrites, de date de sortie française mais cela pourrait changer, espérons-le. Ce film, venu d'une contrée, l'Indonésie, bien peu représentée sur nos écrans, est en effet loin d'être inintéressant, déjà par son cadre peu banal, celui d'un parc à crocodiles, dirigé par une femme et son fils, liés par une relation fusionnelle, qui va être mise en péril par l'arrivée d'une jeune femme bien sous tous ses rapports. Le récit d'apprentissage est somme toute assez habituel mais il baigne dans une atmosphère très particulière, au milieu d'animaux qui passent leur temps la gueule ouverte, placides et immobiles, en attendant l'heure du déjeuner. Oui, le fantastique s'invite bien dans Les larmes du crocodile, mais pas façon Weerasethakul, dans une veine plus classique et attendue, mais qui ne manque pas d'un certain style, cependant. Sans s'inscrire au rang de chef d’œuvre, loin de là, ce premier film de Tumpal Tampubolon, qui n'aurait pu voir le jour sans l'aide initiale du département de la Charente-Maritime (publicité gratuite) suscite une certaine fascination dans sa lente montée vers un paroxysme libérateur ou tragique, ce sera selon la perception de chacun.
Désir de femme (All i desire) de Douglas Sirk (1953)
Désir de femme n'appartient pas à la série des grands mélodrames de Douglas Sirk en technicolor mais
son noir et blanc semble parfaitement adapté à cette histoire de rédemption, d'illusions perdues et de
pardon d'une femme, qui retrouve la petite ville qu'elle a quittée, des années plus tôt, en abandonnant mari
et enfants, pour une hypothétique carrière théâtrale. La mise en scène de Sirk est soyeuse et Barbara
Stanwyck, qui a largement dépassé la quarantaine, excelle en séductrice sur le retour (dans tous les sens
du terme), au caractère complexe et contradictoire. Joliment agencé et compact par sa longueur, le film est
absolument à (re)découvrir sur grand écran.
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