Cinéphile m'était conté ...

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Journal de La Rochelle (5)

 

 

The President's Cake (Mamlaket Al-Qasab) de Hasan Hadi

L'Irak de 1990, avec son culte insensé et obligatoire à Sadam Hussein, a tout d'un pays qui pourrait se nommer l'Absurdistan. Pour son premier long métrage, Hasan Hadi a choisi pour personnage principal une petite écolière, accompagnée de son coq apprivoisé, en quête d'ingrédients pour confectionner un gâteau à l'occasion de l'anniversaire du dictateur. Une chronique à hauteur d'enfant qui va du delta du Tigre et de l'Euphrate à la grande ville de Bassora et qui permet de dresser un portrait à la fois effrayant et pittoresque d'un régime en sursis, où les fastes qui entourent le chef de l'’État contrastent avec le manque des biens élémentaires de sa population. Le film s'inscrit dans les pas de Kiarostami et un peu du néo-réalisme italien pour ce conte illuminé par le beau visage d'une fillette qui a appris à se battre et à éviter les dangers qui l'entourent. Mais The President's Cake, qui a obtenu la Caméra d'or en 2025, montre aussi un sens de l'image évident dans sa réalisation et une certaine maîtrise pour ne pas tomber dans l'émotion facile, la caricature ou la naïveté. S'il y règne une paradoxale douceur, due à sa protagoniste principale et à l'élégance du trait dans la mise en scène, les scènes les plus marquantes sont celles de l'embrigadement forcené des foules et, notamment, des enfants.

 

L'incroyable femme des neiges de Sébastien Betbeder

9 ans après son Voyage au Groenland, Sébastien Betbeder est de retour chez les Inuits, via un détour par le Jura. Vu son titre et la présence de Blanche Gardin, L'incroyable femme des neiges s'annonçait comme une comédie, bien dosée avec une pincée d'absurde et une bonne louche de fantaisie, mais ce n'est vraiment pas cela, enfin pas seulement. Le film comporte deux périodes bien distinctes, aux tonalités divergentes mais il n'en perd pas toutefois son unité, à mesure que la découverte de son personnage principal, Blanche Gardin, donc, parfaitement à l'aise, se fait de plus en plus précise. Les moments hilarants se font progressivement plus rares, une fois un certain mystère levé mais les paysages enneigés et surtout l'empathie évidente du cinéaste pour le mode de vie inuit, vu sans aucune recherche de pittoresque, compensent largement un tel changement de registre. Le long métrage ne cesse d'être agréable, sans véritables temps morts, bien que l'on regrette un peu que les excellents Bastien Bouillon (singulier) et Philippe Katerine (sobre) ne servent finalement que de faire-valoir à leur camarade de jeu. Quant à la mise en scène de Sébastien Betbeder, elle est égale à ce qu'elle a été dans le passé, un brin décevante, eu égard à ses scénarios qui montrent une malice et même un soupçon de folie, que l'on ne retrouve pas dans la réalisation.

 

L'intérêt d'Adam de Laura Wandel

Il est un peu tôt, après seulement deux longs métrages, mais il semble assez évident que ce qu"aime par dessus tout Laura Wandel, dans son cinéma, c'est de nous placer en immersion, au cœur de toutes les tensions. Après la maternelle d'Un monde (quel film !), voici le service de pédiatrie d'un hôpital public, avec L'intérêt d'Adam dont le récit suit particulièrement le quotidien stressant d'une infirmière qui allie humanité, dévotion et discipline, dans la mesure de ses possibilités et au sein d'un quasi chaos. Une soignante héroïque (l'hôpital qui ne se fiche pas de la charité), ou presque, et qui se débat avec sa hiérarchie mais aussi avec des cas cliniques problématiques, comme celui de cette femme isolée, suivie par la justice, et de son enfant qui ne se nourrit pas correctement. Au plus près de ce désordre plus ou moins organisé, le film de la réalisatrice bruxelloise dit beaucoup sur les maux de l'hôpital et, plus largement, sur une certaine misère sociale. 73 minutes compactes suffisent à L'intérêt d'Adam pour nous faire ressentir un état fébrile permanent, avec une mise en scène aiguisée, un scénario au cordeau et une interprétation impressionnante d'une Léa Drucker qui n'en finit pas de sidérer par l'étendue de son talent. Dans un rôle beaucoup moins valorisant, Anamaria Vartolomei, confirme, elle, qu'elle est de la graine des grandes comédiennes.

 



03/07/2025
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