Journal de La Rochelle (8)
Kontinental '25 de Radu Jude
Radu Jude a réalisé Kontinental '25 en une semaine, profitant d'une pause dans le tournage de son Dracula. Le cinéaste roumain poursuit ainsi la radiographie contemporaine de son pays, ici dans la ville de Cluj, avec toujours la même férocité mais aussi un sens de l'absurde qui démontre qu'il possède en lui un veine humoristique, particulière, il est vrai, qui apporte un peu de légèreté. C'est du Radu Jude pur jus, en tous cas, à travers le parcours de son héroïne, confrontée à un drame qui l'amène à reconsidérer son métier de huissière de justice et à culpabiliser. Mais, plus globalement, le cinéaste s'en prend une nouvelle fois aux dérives de son pays, sur un ton sardonique et cinglant : le capitalisme à tout crin, le nationalisme (face au voisin hongrois, notamment), les rancunes historiques, la corruption endémique, etc. Le film a été tourné vite et cela se voit quand même, par exemple dans son montage abrupt et l'inégalité d'intérêt des scènes. Ce n'est certainement pas son long métrage le plus marquant mais il a le mérite de se situer dans une constance thématique et de ne jamais brosser le spectateur dans le sens du poil. On peut lui préférer d'autres cinéastes roumains, moins "chaotiques" que lui mais sa singularité reste indéniable, dans le sillon social qu'il ne cesse de creuser.
Oui (Ken) de Nadav Lapid
Nadav Lapid a déjà illustré son peu de goût quant à l'évolution de la société israélienne et de la politique de son Gouvernement dans ses films précédents. Mais après le 7 octobre, Oui raconte un pays où l'esprit de vengeance se transforme en fureur sans limite, alimentée par une propagande de plus en plus véhémente. Évidemment, le cinéaste traite le sujet à sa manière, d'abord flamboyante, dans des débuts très réussis où la musique et la danse créent une ambiance électrique, puis bien plus chaotique où le film, de plus en plus radical, pousse les curseurs au maximum mais sans la fluidité narrative que l'on était en droit d'attendre. Lapid n'a jamais prétendu à la sobriété mais nous voici rapidement pris dans un capharnaüm, un maelström ou un tumulte indescriptible, choisissez le terme que vous préférez, les trois pouvant convenir. C'est parfois brillant, souvent délirant et toujours excessif, comme si la demi-mesure n'était plus possible pour évoquer un pays sous tension, écumant de rage. Était-ce nécessaire d'aller vers un cinéma aussi extrême ? Le tempérament et le style lapidaire du réalisateur ne laissaient pas présager des options plus modérées. Entrez dans ce vortex en toute connaissance de cause, quelle que soit votre opinion sur la situation au Moyen-Orient, impossible d'en sortir autrement que secoué et épuisé.
Liliane (Baby Face), Alfred E. Green, 1933
En pleine période Pre-Code, Baby Face (le titre français, Liliane, n'est guère plus utilisé) dresse un portrait de femme devenue ambitieuse, qui utilise les hommes pour grimper dans l'échelle sociale. L'intrigue est linéaire et la mise en scène de Alfred E. Green assez fade mais c'est efficace, avec une référence amusante à Nietzsche et une prestation de Barbara Stanwyck convaincante, après une expérience acquise notamment au théâtre et chez Capra. Dans le rôle de cette fille sans code moral, elle surpasse largement tous ses partenaires masculins y compris un certain John Wayne, bien tendre (alors qu'il a le même âge que l'actrice) et qui ne fait qu'une brève apparition.
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