Cinéphile m'était conté ...

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Afrique


Du mouvement en Casamance (Etincelles rebelles)

Le polar africain, dites-vous ? Oui, bien sûr, Deon Meyer, en Afrique du Sud, Leye Adenle, au Nigeria, d'autres encore... Et francophone ? Euh, attendez, on me souffle Janis Otsiemi et Moussa Konaté, mais bon, il faut avouer que leur renommée peine à dépasser celle d'un cercle de lecteurs relativement restreint. Avec Macodou Attolodé, un nouveau nom surgit, du Sénégal, précisément, et ma foi, son coup d'essai ne manque pas d'ingrédients bien pimentés. Un roman noir, en tous cas, livré comme une radiographie sans concession d'un pays qui subit, comme beaucoup d'autres sur le continent, hélas, la corruption de la police et de ses hauts dirigeants, ainsi que la présence de plus en plus prégnante de narco-trafiquants, avec les appétits et la violence qui en ruissellent. L'auteur a placé judicieusement l'action de son livre dans la région fort instable de Casamance, ce qui lui permet de donner davantage d'intensité à son intrigue, entre rebelles, francs-tireurs et forces gouvernementales. Le héros du roman, policier intègre s'il en est, est peut-être un peu trop lisse mais ceux qui l'entourent dans ses combats ne le sont point et l'on apprécie, de toute manière, les aspects politiques et sociaux d'un livre qui n'hésite pas à décrire les maux endémiques d'un pays où les inégalités perdurent à grande échelle. A noter qu'un soupçon de surnaturel, vient ajouter un peu d'épices à un récit mouvementé qui ne manquait déjà pas de sel.

 

 

L'auteur :

 

Macodou Attolodé est né en 1991 à Dakar.

 

 


01/03/2025
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Braquage à la sud-africaine (Leo)

Se renouveler tout en restant dans un certain classicisme : à l'instar des meilleurs auteurs de polar, Deon Meyer connaît la recette depuis longtemps et ce savoir-faire lui garantit un lectorat fidèle. Dans Leo, l'on retrouve sans surprise son duo de flics, Gressel et Cupido, un rien déclassés mais toujours efficaces pour mener les enquêtes les plus complexes, mais l'on découvre aussi une belle brochette de personnages pas si secondaires que cela, des baroudeurs sans peur mais pas sans reproche et fermement décidés à tenter le braquage du siècle, d'autant que l'or convoité n'est pas des plus propres. Comme souvent chez l'auteur, une double intrigue se déploie et l'une d'elle nous donne d'ailleurs de l'avance sur l'enquête de Gressel et Cupido, ce qui est évidemment l'un des plaisirs de ce roman policier : voir comment nos héros vont parvenir à leurs fins, après moult fausses pistes et le découragement qui va avec. Côté rythme, Meyer y va crescendo, avec sa maîtrise habituelle, se servant de chapitres très courts et haletants, sur la fin, agencés à la minute près. Le côté humain, dans cette course contre la montre, n'est pas oublié : avec ses policiers, dont l'un va convoler, et avec ses malfrats, dont la femme dans la bande est particulièrement attachante, avec son amour de la nature et son désespoir de la voir de plus en plus saccagée. Et comme toujours, avec Meyer, le livre est un portrait sans fard d'une Afrique du Sud livrée à ses démons : ceux d'hier en héritage, l'apartheid, ceux d'aujourd'hui, qui ne sont pas près de disparaître, la corruption. Dans Leo, il est largement question de la "captation d'État", ce pillage éhonté et systématique réalisé sous la présidence de Jacob Zuma (2009-2018), en lien avec la famille Gupta, d'origine indienne. Autant de tristes sires, toujours vivants, qui sont les ombres maléfiques d'un roman qui témoigne de l'état de la précarité d'un pays qui n'entrevoit toujours pas la lumière, au bout d'un tunnel qui semble ne jamais pouvoir finir.

 

 

L'auteur :

 

Deon Meyer est né le 4 juillet 1958 à Paarl (Afrique du Sud). Il a publié 15 romans dont L'âme du chasseur, La femme au manteau bleu et Cupidité.

 


27/12/2024
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Une nuit de décembre (Le désastre de la maison des notables)

En voici une petite merveille littéraire de 2024, quoique exigeante, et qui se déguste avec gourmandise, une fois dissipé le brouillard des premiers chapitres. Oui, il y a énormément de personnages dans Le désastre de la maison des notables et 11 récits de 10 personnages qui tournent tous, en cercles concentriques, autour d'une nuit particulière de décembre 1935, à Tunis. Sexe, mensonges et vie des hauts (notables) sont au programme de cette fresque familiale qui rappelle par son épaisseur, son ironie, sa cruauté et sa subtilité narrative quelques-uns parmi les meilleurs romans indiens contemporains (de Vikram Seth, par exemple). Chaque "témoignage" révèle une partie du secret de cette nuit scandaleuse, complétant ou contredisant, cela dépend, des faits que l'on connaît déjà. Ainsi, à la manière du célèbre Rashomon, de Kurosawa, certaines scènes nous sont présentées à plusieurs reprises, sous des angles différents. Mais chacun des chapitres englobe également d'autres histoires, telles des poupées russes, qui nous éclairent sur près d'un siècle d'histoire politique et sociale de la Tunisie, en général, et sur les années 30, en particulier. Moult sujets y sont abordés à travers le prisme de deux familles privilégiées, l'une conservatrice et l'autre progressiste : le poids de la colonisation, le racisme, la religion, l'homosexualité, la polygamie, les clivages sociaux, le mépris des classes supérieures, l'esprit de rébellion, la condition féminine, etc. De manière très astucieuse, l'autrice, Amira Ghenim, mélange personnages fictifs et réels, accordant la plus grande place à Tahar Heddad, penseur, écrivain, syndicaliste et homme politique, stigmatisé en son temps puis réhabilité au début du règne de Bourguiba. Dans cette comédie humaine qu'est Le désastre de la maison des notables, magnifiquement construite de façon acrobatique, l'intérêt va crescendo, avec une jolie pirouette finale qui ne laisse pas sur sa faim mais autorise, au contraire, à s'interroger sur les zones d'ombres que la romancière a laissé volontairement, comme une suprême liberté accordée à ses lecteurs.

 

 

L'auteure :

 

Amira Ghenim est née en 1978 à Sousse (Tunisie). Elle a publié 3 romans.

 


24/12/2024
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Du sang, de la terreur et des larmes (Houris)

Houris est un cri ininterrompu, sur plus de 400 pages, qui remémore une époque abominable, qu'il est interdit d'évoquer aujourd'hui, en Algérie, cette décennie noire, que les autorités embaument dans un silence assourdissant. Comme un symbole, et le roman de Kamel Daoud en est chargé, ce cri est celui d'une femme muette, égorgée durant cette période, qui en a réchappé par miracle et qui en conserve un souvenir terrible sur le corps, sous forme de "sourire." Son monologue emplit une grande partie de Houris, complété par deux autres, donnant au livre cette scansion particulière, luttant contre l'oubli, ravivant les douleurs, soumettant les cicatrices de nouveau, à la lame du couteau. Du sang, de la terreur et des larmes. Daoud fait se heurter son sujet à celui de la condition des femmes dans son pays, de nos jours comme hier, et au poids d'une religion qui anesthésie la liberté et la résistance. Houris est à la fois un requiem et un réquisitoire et l'auteur prend évidemment un risque inconsidéré pour sa propre sécurité mais il est impossible de ne pas sentir qu'il lui était vital d'écrire et de témoigner, à sa manière, dans un récit où la poésie rencontre l'épouvante, dans un tableau sans concession de la violence humaine, quand elle atteint son paroxysme. D'aucuns argueront que le livre est difficile d'accès ou exigeant. Peut-être. Mais son principal écueil est son inventaire de l'horreur qui passe par une certaine redondance, comme une longue agonie où les souffrances se répètent à l'envi, dans une nuit sans fin. En atténuant son hyper-symbolisme et en réduisant sa logorrhée, le roman aurait sans doute gagné en efficacité, en une cinglante concision. Mais c'est ainsi que Kamel Daoud a voulu Houris, comme un long chemin de haine et de sévices, et qui sommes-nous pour lui reprocher d'avoir vidé son cœur de tous les ressentiments qu'il contenait ?

 

 

L'auteur :

 

Kamel Daoud est né le 17 juin 1970 à Mesra (Algérie). Il a publié 5 romans dont Meursault contre-enquête.

 


03/11/2024
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Sous la surveillance de la dictature (Au soir d'Alexandrie)

Depuis la parution de L'immeuble Yacoubian, il est devenu impensable, pour nombre de ses lecteurs, de rater un seul roman de Alaa El Aswany. En plaçant l'action d'Au soir d'Alexandrie dans une ville si souvent célébrée pour son ouverture au monde, pour sa tolérance et pour son art de vivre, l'auteur rejoint de nombreux écrivains populaires en Égypte et, ce n'est pas rien, le plus grand cinéaste du pays, Youssef Chahine, dont trois de ses films contiennent le nom d'Alexandrie dans leurs titres. La période concernée est celle de Gamal Abdel Nasser, dont le régime s'est durci peu à peu au début des années 60, dérivant vers une dictature, dont la surveillance des présumés ennemis intérieurs, forcément suppôts de l'impérialisme et du capitalisme étrangers, a constitué constitué l'une des bases, en s'appuyant sur la propagande et le complotisme. A lire Au soir d'Alexandrie, l'on se croirait parfois dans la RDA, avec sa tristement célèbre Stasi, mais il est vrai que toutes les dictatures se ressemblent peu ou prou par leurs méthodes. C'est un roman choral de la plus belle eau que nous propose l'auteur égyptien désormais exilé en Amérique, avec une galerie de personnages inoubliables, représentatifs de l'origine diverse des Alexandrins de l'époque. A travers leur destin, El Aswany décrit un phénomène que l'on connaît bien : un nationalisme exacerbé et une xénophobie affirmée qui suscitent la peur et manipulent le peuple. Le roman commence dans une douce atmosphère où l'amitié et l'alcool coulent dans l'harmonie de réunions privées, organisées nuitamment, où les protagonistes s'opposent, sans se disputer méchamment, autour de tous les sujets possibles et notamment la manière dont Nasser dirige le pays. Au fil des pages, et avec d'autres personnages, l'auteur enrichit sa palette de nouvelles nuances, dans un registre plus dramatique et sur un tempo de thriller. Le style est limpide, d'une apparente simplicité, chose la plus difficile à obtenir. La nostalgie est au rendez-vous mais plus importante encore est la leçon politique, l'avertissement contre les extrémismes, le nationalisme exacerbé et le fameux mythe du grand homme libérateur censé redonner toute sa fierté à un pays et à ses "vrais" habitants.

 

 

L'auteur :

 

Alaa El Aswany est né le 26 mai 1957 au Caire. Il a publié 5 romans dont L'immeuble Yacoubian, Chicago et J'ai couru vers le Nil.

 


15/09/2024
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Fougue de la jeunesse (Ces soleils ardents)

A travers les voix alternées de ses deux personnages principaux, étudiants à Abidjan, et aux prises avec une histoire familiale complexe, Nincemon Fallé, 22 ans seulement, raconte dans son premier roman la jeunesse de la Côte d'Ivoire, ses ambitions, ses révoltes, ses désillusions et surtout sa fougue, malgré les nombreux obstacles. C'est sans doute la vivacité du récit, alliée à un vrai talent de conteur qui a décidé le jury du Prix Voix d'Afriques, à lui accorder sa préférence en 2024, un véritable tremplin pour une carrière littéraire prometteuse. La relation au père, les petits boulots, la vie quotidienne dans la capitale ivoirienne, les hauts et les bas d'une amitié sont autant de sujets traités au sein d'un pays dont on sait qu'il est sujet à des épisodes de contestations et de violences fréquents. Si l'on regrette l'absence de figure féminine forte dans le livre, son extrême fluidité est à louer, avec ce désir d'avancer toujours, malgré les erreurs de parcours, les difficultés financières, et les regards peu compatissants des plus âgés. Un vrai roman d'apprentissage à la dure et une œuvre générationnelle qui pose une question prépondérante : comment se définit la notion de réussite, aujourd'hui, en Afrique ?

 

 

L'auteur :

 

Nincemon Fallé est né le 19 septembre 2001 à l'est de la Côte d'Ivoire.

 


26/07/2024
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Le fils du boulanger (Du pain sur la table de l'oncle Milad)

Avec son premier roman, Du pain sur la table de l’oncle Milad, le journaliste libyen Mohammed Alnaas (né en 1991), a remporté en 2022 le Prix international de la fiction arabe, faisant de lui son plus jeune lauréat et le premier Libyen à le recevoir. L'excellent éditeur Le bruit du monde a eu la très bonne idée de publier en français ce livre passionnant qui raconte le quotidien des Libyens dans les années Kadhafi, à travers le destin d'un homme, fils de boulanger et amoureux du pain lui-même, et pétri, c'est le cas de le dire, de contradictions. Milad possède en effet une part de féminité en lui et il ne rechigne pas, bien au contraire, à s'occuper des tâches ménagères, alors que son épouse travaille, ou même à pratiquer, dans ses jeunes années, l'épilation au sucre sur les jambes de ses sœurs consentantes. Dans la société patriarcale où il vit, ce caractère ne peut que susciter la moquerie ou le mépris, de son père, d'abord, de son meilleur ami, ensuite, et de sa propre femme, d'autant plus que son couple reste stérile au fil des années. Narrateur, Milad évoque son existence dans le désordre : l'enfance, l'armée, le mariage avec une jeune fille émancipée, avec un épisode enchanteur en Tunisie, son conflit avec son oncle qui a récupéré la boulangerie paternelle, son travail dans une pizzeria, sa rencontre avec une femme fatale, etc. Et toujours, en fil rouge, le travail du pain, cet amour que l'auteur sait rendre sensuel dans de nombreuses descriptions. La conclusion de ce roman, qui alterne moments légers et tensions fortes, peut paraître brutale mais elle n'est que la résultante du conflit permanent qui habite un homme, cerné par les injonctions sociales et viriles et frustré de ne jamais pouvoir exprimer sa véritable identité. Un premier roman qui est un coup de maître et place d'emblée Mohammed Alnaas dans le sillage du grand auteur libyen Hisham Matar.

 

 

L'auteur :

 

Mohammed Alnaas est né le 31 mars 1991 à Tajoura (Libye). Il a publié 2 recueils de nouvelles.

 


23/07/2024
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Un diable sur l'épaule (Alors toi aussi)

Louées soient les éditions Tropismes qui nous ont permis de découvrir la plume de l"écrivaine sud-africaine Futhi Ntshingila, il y a 4 ans, avec Enrage contre la mort de la lumière. Son deuxième livre publié en France, Alors toi aussi, ne fait que confirmer la puissance et la douceur, ce n'est pas incompatible, de l'écriture de l'autrice pour raconter l'Afrique du Sud d'aujourd'hui. Laquelle ne peut se comprendre qu'en remontant loin, à la guerre des Boers, au tournant du XXe siècle, qui occupe une partie importante du livre, cependant moindre que la longue et horrible période de l'Apartheid, qui est au cœur de la relation entre une aide-soignante noire et son vieux patient blanc. Ceux qui ont apprécié les romans d'André Brink, en leur temps, retrouveront chez Futhi Ntshingila cette maîtrise dans la narration et cette manière de parler de choses atroces avec calme et précision. Le vieil homme, conditionné par une société suprémaciste, a commis des exactions inexcusables, dont il finit par partager le souvenir avec son infirmière qui a elle-même beaucoup à raconter. Drôles d'échanges entre un bourreau, qui a eu la majeure partie de sa vie un diable sur l'épaule, et celle qui aurait pu être sa victime. Aux confins de l'expiation et du pardon, la romancière raconte aussi avec finesse les générations suivantes, qui doivent vivre avec un lourd héritage et une situation économique et sociale qui reste explosive en Afrique du Sud. Très romanesque et sensible, riche en personnages forts, le livre de Futhi Ntshingila ne cherche pas à raviver les plaies mais à mieux comprendre les divisions et les traumatismes d'une nation, qui a encore du chemin à faire pour se parer des couleurs de l'arc-en-ciel.

 

 

L'auteure :

 

Futhi Ntshingila est née en 1974 à Pietermaritzburg (Afrique du Sud). Elle a publié 3 romans dont Enrge contre la mort de la lumière.

 


15/07/2024
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Tristes lunes de miel (Souviens-toi des abeilles)

Après La poule et son cumin, très beau premier roman, Zineb Mekouar ne déçoit pas avec son successeur, Souviens-toi des abeilles, pourtant bien différent, très ancré dans le territoire du Haut-Atlas. Avec des allures de conte cruel, l'autrice raconte une histoire de malédiction et de transmission autour du plus vieux et plus grand rucher au monde. Ce sont de tristes lunes de miel qui accablent un village, souffrant de la sécheresse et de l'exode rural, et désolent une famille, marquée par un secret terrible que seul un garçon de 10 ans ignore encore et qui maintient sa mère, enfermée dans son propre monde, dans l'opprobre générale. Ce sont deux des quatre principaux personnages du livre, avec le grand-père, attaché aux traditions et aux croyances, figure tutélaire de son petit-fils, et le père, personnalité plus hésitante et impuissante, qui ne sait comment dialoguer avec son père, soigner sa femme ou parler avec son fils. La langue de Zineb Mekouar se déploie dans une tonalité tantôt poétique, tantôt réaliste, évoquant des thèmes tels que la transmission, l'ostracisme ou l'environnement, dans une tonalité jamais mielleuse, faisant se rejoindre tremblements de terre et des sentiments, jusqu'à un dénouement qui laisse espérer autant que douter de l'avenir.

 

 

L'auteure :

 

Zineb Mekouar est née en 1991 à Casablanca. Elle a publié La poule et son cumin.

 


15/06/2024
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Apprentissage ougandais (La première femme)

Après Kintu, un premier roman luxuriant mais quelque peu indigeste (avis personnel), La première femme montre une romancière en pleine maîtrise d'un récit qui s'étend de 1975 à 1983, avec une incursion dans les années 30, en grande partie organisée autour de son héroïne, la jeune Kirabo, mais aussi d'une myriade de femmes de sa famille. Le livre de Jennifer Nansubuga Makumbi raconte notamment l'Ouganda de la fin de la dictature du trop célèbre Idi Amin Dada mais c'est avant tout une toile de fond pour suivre l'enfance de Kirabo, à la campagne, puis son adolescence, dans une école de Kampala. A la recherche de sa mère disparue, elle côtoie une multitude de personnages de tous âges qui la font grandir et forgent son caractère singulier, exigeant et indomptable. C'est la force du roman que de nous rendre attachante cette destinée, tout en ménageant de nombreux pas de côté narratifs, à la rencontre de filles ou de femmes, au gré de portraits, très vivants, qui contribuent à rendre le livre profond, épicé et très ancré dans le territoire ougandais. Malgré un abus de termes locaux non traduits, La première femme reste limpide dans sa progression, fourmillant de scènes pittoresques, comiques et tragiques, avec autour de Kirabo, des mères, des grand-mères, des belles-mères, des amies et quelques hommes, quand même, moins nombreux mais essentiels au destin de Kirabo, dans un enchevêtrement de secrets de famille, de trahisons, de haines recuites et d'amitiés brisées. Le livre pourrait aisément être décliné en série, grâce au style vif de l'autrice et à son talent pour partager son intrigue entre événements déterminants et sentiments en constante évolution dans ce qui tient à la fois du roman d'apprentissage et de l'hymne féministe vibrant, sous la plume d'une conteuse sûre de ses effets et de l'ampleur de son récit.

 

 

L'auteure :

 

Jennifer Nansubuga Makumbi est née à Kampala (Ouganda). Elle a publié Kintu et Manchester happened.

 


27/04/2024
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