Une semaine à Angoulême (3)
Regarde d'Emmanuel Poulain-Arnaud
Il y a de quoi faire le plein de méfiance en découvrant le casting de Regarde et le duo Fleurot/Boon. Une
comédie sur le remariage ? Vous n'y êtes pas du tout, avec ce synopsis qui part d'une situation très
dramatique que l'on attend quand même mâtinée d'une bonne dose de tendresse. Le danger, là,
viendra d'un excès de pathos et c'est la bonne surprise de Regarde : on y pleure quasiment jamais,
même si quelques vagues d'émotion apparaissent de-ci, de-là, et l'on rit plutôt de bon cœur, dans des
registres très divers, y compris avec une certaine part de méchanceté, assez inattendue. De grâce,
n'évoquons pas les comédies italiennes, mais on est assez loin de la lourdeur habituelle de nos bonnes
vieilles recettes hexagonales. Le scénario tient la route et ne fait pas de promesses qu'il ne peut pas tenir.
Autre atout du film : sa belle image, il est vrai facilitée par la splendeur du spectacle de l'océan, du côté des
Landes. L'amour rend sûrement moins aveugle que la maladie, mais il y a cependant un optimisme,
nullement béat? qui prévaut dans le film et lui confère un caractère de feel good movie, qui n'était pas
gagné sur le papier. Ajoutez un Dany Boon sobre, une Audrey Fleurot modérément flamboyante et un jeune
acteur plein de promesses, Ewan Bourdelles, et vous obtenez un produit sans grumeaux et parfaitement
comestible.
Sans pitié de Julien Hosmalin
Le premier long-métrage de Julien Hosmalin est très personnel, pour au moins deux raisons : l’atmosphère
de fête foraine, qui est celle de son enfance, et le climat de violence, qui n'est pas étranger à sa jeunesse.
Dès le début de Sans pitié, il est évident que la forme sera très travaillée par cet admirateur du cinéma de
James Gray et de Quentin Tarantino. Son style convient parfaitement à une première partie très
convaincante, avec son ambiance inquiétante. La deuxième époque se révèle plus musclée et sacrifie les
dialogues pour une action sous tension permanente. On se retrouve dans un film de vengeance pur et dur, à
la mise en scène certes toujours peaufinée, mais qui paraît presque maniérée et exagérée, eu égard à un
scénario qui s’enfonce de plus en plus dans une noirceur constante, limite artificielle. Conçu comme une
œuvre dédiée à sa mère et à son grand frère, qui a joué dans sa vie le rôle d’un père absent, le métrage de
Julien Hosmalin, en tutoyant le film de genre, perd en authenticité et en sensibilité ce qu’il est censé gagner
en efficacité. Un petit peu d’une défaite foraine, en fin de compte.
La danse des renards de Valéry Carnoy
À l'adolescence, nul ne l'ignore, l'appartenance à un groupe reste pratiquement indispensable à l'identité
sociale, quel que soit le milieu concerné. A fortiori dans l'internat d'un sport-études comme celui dans
lequel évoluent les adolescents du premier long métrage du jeune cinéaste belge Valéry Carnoy. Une notion
exacerbée, en l'occurrence, par la recherche de performance et la compétition, en parallèle avec la
découverte de l'amitié, voire de l'amour, si l'occasion se présente. Injonctions à la virilité et santé mentale
sont également des aspects développés par le scénario de La danse des renards, qui ne hoquette jamais et
semble d'emblée placé sur les bons rails, avec une facilité presque déconcertante. Bien aidée par ses
jeunes interprètes, très talentueux, la mise aux poings (la boxe est le sport concerné) est efficace et
sensible, admirablement rythmée dans et en dehors du gymnase, notamment dans une forêt, d'où la
présence des goupils. Ce n'est pas un film prometteur, mais déjà une réussite accomplie, dans le créneau
très fréquenté du récit d'apprentissage, mais contextualisé et adapté à des situations bien précises dans
lesquelles la détresse psychologique ou toute autre faiblesse identifiée signifie un risque de survie très
menacée.
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