Cinéphile m'était conté ...

Cinéphile m'était conté ...

Participe passé (Voyage avec mon père)

 

Il est assez troublant de voir Voyage avec mon père, quelques semaines seulement après A Real Pain, puisqu'ils traitent tous les deux d'une sorte de tourisme mémoriel, en Pologne. Le contexte temporel n'est pas le même cependant : adapté d'un livre paru en 1999, le film de Julia von Heinz se déroule en 1991 et concerne un père, survivant d'Auschwitz, et sa fille, désireuse de comprendre le passé de sa famille. Voyage avec mon père joue ostensiblement avec les différences entre ses deux personnages, le plus concerné et même stressé des deux n'étant pas celui que l'on croit. Le film accentue, peut-être un peu trop, le degré de conscience entre deux générations, l'une qui a vécu l'horreur et ne veut pas y penser, l'autre qui en est héritière et compense par la surabondance d'information ce qu'elle n'a pas vécu dans sa chair. Deux manières de ressentir que le passé ne passe pas, quand il est à ce point lié à des douleurs incommensurables. Le long métrage cherche à trouver le ton juste, dans cette incompréhension entre père et fille, avec des ressortissants polonais au milieu, pas nécessairement sympathiques, au demeurant. C'est une œuvre un peu étrange qui s'échappe par le biais de l'humour mais qui ne peut qu'être submergée, in fine, par l'émotion. Grâce au duo constitué par Stephen Fry et Lena Dunham, ce périple imparfait sort des sentiers battus et se révèle aussi touchant que faire se peut, en dépit d'un scénario pas toujours exempt de maladresses.

 

 

La réalisatrice :

 

Julia von Heinz est née le 3 juin 1976 à Berlin. Elle a réalisé 7 films dont Et demain le monde entier.

 


13/04/2025
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La semaine d'un cinéphile (405)

Lundi 7 avril 2025

 

Un inédit de Daniele Luchetti pour commencer la semaine. Je ne vois pas mieux.

 

 

Mardi 8 avril

 

Prenons un peu d'avance sur les sorties à venir. Avec le nouveau film de Marco Berger, par exemple.

 

 

Mercredi 9 avril

 

Un très riche mercredi de cinéma ! Mes préférences vont à Bergers et au Village aux portes du paradis mais il me reste encore deux films à voir.

 

 

Jeudi 10 avril

 

Barbara Stanwyck sera mise à l'honneur au prochain festival de La Rochelle. L'occasion de revoir un Anthony Mann ou un Billy Wilder ?

 

 

Vendredi 11 avril

 

Je prends la route et je me rends à Poitiers. Un film chinois à découvrir, pour lequel mes attentes sont modérées.

 

 

Samedi 12 avril

 

Quels sont les films en compétition à Cannes qui m'excitent le plus ? Ceux de Joachim Trier, de Kleber Mendonça Filho, de Julie Ducournau, de Tarik Saleh, etc.

 

 

Dimanche 13 avril

 

Deux jours après Poitiers, c'est à Angoulême que j'aurais dû aller pour voir un film portugais. Cr n'est que partie remise.

 

 


13/04/2025
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Le cauchemar biafrais (La route qui mène au pays)

Son premier roman était une pure merveille et son deuxième presque aussi remarquable. Après Les Pêcheurs et La prière des oiseaux, l'écrivain nigérian Chigozie Obioma revient avec La route qui mène au pays, un récit qui nous plonge dans une guerre atroce, celle du Biafra, de juillet 1967 à Janvier 1970. Le héros du livre est un jeune soldat engagé dans les forces sécessionnistes malgré lui et qui va découvrir l'horreur mais aussi l'amitié et l'amour, dans un long parcours où il tentera à plusieurs reprises de s'enfuir et frôlera plus d'une fois la mort. Le livre est dur, décrivant les ravages des massacres et de la famine, sans en rajouter, mais avec suffisamment de précision pour comprendre l'étendue du désastre, sachant que le nombre de victimes civiles dépasse largement les pertes militaires. Le personnage principal est attachant mais la répétition des combats se révèle assez fastidieuse et le sentiment d'étouffement presque continuel. Le travail de la traductrice, Mona de Pracontal, peut-être qualifié de monumental, eu égard aux différentes langues pratiquées par les protagonistes, mais la lecture des dialogues, en particulier, reste difficile, malgré le copieux glossaire qui figure en fin d'ouvrage. C'est un livre important mais dont on peut regretter que la densité et l'intensité s'exercent au détriment d'une intrigue qui ne s'avère jamais fluide mais au contraire pesante comme un cauchemar dont on désespère de ne jamais pouvoir sortir.

 

 

L'auteur :

 

Chigozie Obioma est né en 1986 à Akure (Nigeria). Il a publié Les Pêcheurs et La prière des oiseaux.

 


12/04/2025
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Une escale sur la route (Mikado)

 

Il arrive que les noms des acteurs présents dans la distribution en disent déjà beaucoup sur la tonalité du long-métrage dans lequel ils apparaissent, presque autant que celui du ou de la cinéaste, qui les a dirigés. Dans le cas de Mikado, de Baya Kasmi, Félix Moati, Vimala Pons et Ramzy Bedia sont au générique. Faut-il attendre de la légèreté, de la poésie, de la fantaisie, voire même un brin de folie ? Pour sûr, et l'émotion sera aussi probablement au rendez-vous. Mikado raconte l'histoire d'une petite famille nomade, roulant en van, obligée de faire escale sur la route, pour un problème mécanique. L'occasion de faire une pause et, peut-être, de mettre à jour quelques frustrations ou malaise plus important. Mikado n'est pas le genre de film où il y a lieu de s'extasier sur la mise en scène ou sur l'originalité de son scénario. En revanche, l'ensemble de la distribution est au diapason d'un récit qui dispense, au fur et à mesure de sa progression, un air de gravité, dès lors que certains sujets y sont abordés. Avec pudeur, globalement, et avec des comédiens qui ne sont pas du genre à tirer la couverture à eux, les enfants y compris.

 

 

La réalisatrice :

 

Baya Kasmi est née en 1978 à Toulouse. Elle a réalisé 3 films.

 


12/04/2025
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Être une femme libérée (Her Story)

 

Le gros succès de Her Story en Chine dit bien quelque chose de la lassitude d'une certaine génération devant le conservatisme ambiant et l'envie d'une émancipation, du côté des femmes. Le film de Yihui Shao calque son scénario sur les comédies américaines d'avant mais la greffe est plutôt agréable, dans un ton doux/amer, rythmé par la pop locale. Le récit a pour lui de nous montrer des femmes indépendantes dans le Shanghai actuel, qui vivent plus ou moins bien leur désir de liberté. Être une femme libérée, ce n'est pas si facile, surtout en Chine mais les interprètes les rendent lumineuses, accompagnées par une fillette qui semble assez souvent plus adulte et équilibrée que sa mère célibataire et la nouvelle meilleure amie de cette dernière, chanteuse de son état et peu assurée dans sa vie sentimentale. Entre ces trois héroïnes, le film a tendance à patiner dans les dernières longueurs (une durée supérieure à 2 heures ne s'imposait pas) mais leur traitement dans l'ironie et la tendresse, vis-à-vis d'un environnement sinon hostile, du moins pas toujours très compréhensif, touche forcément. Une œuvre acidulée entre le film d'auteure et le divertissement pur qui nous rend la Chine plus proche, pas si loin dans ses préoccupations humaines et universelles d'épanouissement personnel.

 

 

La réalisatrice :

 

Yihui Shao est née le 21 mai 1991 à Taiyuan (Chine). Elle a réalisé O pour Occupé.

 


11/04/2025
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En une époque sordide (La jeune fille à l'aiguille)

 

Certains échotiers cannois ont expliqué au bon peuple en quoi le titre du film de Magnus Von Horn, La jeune femme à l'aiguille, se trouvait confirmé par une scène insoutenable. Moyennant quoi, la susdite, certes peu agréable, n'est qu'une des nombreuses épreuves que devra subir l'héroïne dans un bout d'existence qui n'est pas une promenade de santé. Manifestement, après Sweat, le cinéaste suédois tenait à passer à la vitesse supérieure en intégrant le gratin auteuriste avec ce long-métrage en noir et blanc, se passant dans le Copenhague du lendemain de la première guerre mondiale. Une époque sordide, pour les populations les plus misérables, ce que le film montre avec parfois trop de complaisance. Zola ou Dickens, à côté, ressortiraient presque de la bibliothèque rose. Nonobstant, La jeune femme à l'aiguille, si l'on ne tient pas compte de ses excès dramatiques, chemine avec une certaine fluidité, nous immergeant dans son univers poisseux avec ce que l'on bien doit appeler un certain talent. Dans le rôle principal, Victoria Carmen Sonne révèle un tempérament impressionnant mais elle ne peut pas concurrencer Trine Dyrholm, époustouflante dans l'interprétation d'un personnage immonde.

 

 

Le réalisateur :

 

Magnus von Horn est né le 21 décembre 1983 à Göteborg (Suède). Il a réalisé Le Lendemain et Sweat.

 


11/04/2025
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Une famille somalienne (Le village aux portes du paradis)

 

Il y a au moins trois bonnes raisons d'aller voir le long métrage du réalisateur austro-somalien, Mo Harawe. Tout d'abord, la splendeur des images dues à un chef opérateur égyptien ; ensuite, la qualité d'un scénario qui avance doucement, avec au détour d'un plan anodin, une révélation stupéfiante qui ne changera pourtant en rien la modestie et surtout la dignité du propos ; enfin, un voyage dans un pays, la Somalie, au cinéma quasi inexistant, et qui vit une guerre presque perpétuelle. Le récit suit une famille pauvre, du sud du pays, non loin de la côte, dans un village ironiquement nommé Paradis. Il y a là, le père, qui vit de petits boulots, fossoyeur assez souvent, son jeune fils dont l'école ferme et la sœur du premier, indépendante et décidée à ouvrir son propre commerce. Trois personnages attachants, qui ne s'en laissent pas conter et qui évoluent sous nos yeux en parallèle ou simultanément. Les mots sont rares dans le film mais ils disent l'essentiel et les visages expriment ce qu'il y a à comprendre d'autre. Sans véritable temps mort, malgré un caractère que l'on qualifiera trop aisément de contemplatif, The Village next to Paradise est une merveille tranquille, gorgée d'humanité, de pudeur et d'humilité

 

 

Le réalisateur :

 

Mo Harawe est né en 1992 à Mogadiscio (Somalie). Il a réalisé 8 courts-métrages.

 


10/04/2025
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Les contes sont bons (Le loup bouilli)

En 2013, paraissait aux éditions Le Tripode un roman intitulé L'homme qui savait la langue des serpents, d'un auteur estonien inconnu, Andrus Kivirähk. Un récit sublime, empli de réalisme magique, d'absurde et de grotesque, serti d'un humour irrésistible. Comme une sorte d'Arto Paasilinna balte, mais avec un aspect fantastique plus marqué. Trois nouvelles traductions ont suivi, confirmant le talent de cet auteur prolifique, dont la dernière en date date désormais de 2020. Et à ce jour, ces trois derniers romans sont toujours inédits en langue française (ceci est un appel du pied très pressant au Tripode !). Quelle bonne surprise tout de même que l'arrivée en librairie de Le loup bouilli, un petit ouvrage bilingue, publié par L'Asiathèque et constitué de 5 textes. L'occasion de savourer la maestria de Kivirähk sur le format court, avec la suite, à sa sauce particulière, de contes célèbres qui évoquent notamment les trois petits cochons, Pinocchio et la reine des Neiges. Un véritable délice de gourmet qui ne frustre que par sa brièveté. Inutile de préciser que l'on espère du très consistant dans un proche avenir pour rassasier notre appétit d'ogre vis-à-vis de l’œuvre du natif de Tallinn.

 

 

L'auteur :

 

Andrus Kivirähk est né le 17 août 1970 à Tallinn. Il a publié une quarantaine de livres dont L'homme qui savait la langue des serpents, Les groseilles de novembre et Le Papillon.

 


09/04/2025
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La voie de la transhumance (Bergers)

 

Après son formidable Antigone, la cinéaste québécoise Sophie Deraspe est passée à tout autre chose avec Bergers, l'adaptation de l'autofiction de son compatriote, Mathyas Lefebure. Le résultat n'en est pas moins enthousiasmant, une plongée dans le monde déclinant du pastoralisme, sans naïveté, si ce n'est celle de son personnage principal, mais avec une volonté de réalisme qui n'exclut pas des a-côtés politiques, économiques, philosophiques, sociologiques, poétiques, et la liste n'est pas limitative. Un très beau long métrage qui reprend la réflexion intellectuelle du livre mais qui la transcende par ses images, forcément superbes dans la voie de la transhumance vers les alpages, tout en offrant une véritable expérience sensorielle et en n'oubliant pas le caractère physique et éreintant du métier de berger. Au sujet de l'esthétisme du film, d'ailleurs, la réalisatrice n'a pas souhaité en rajouter dans le beau, en se refusant à filmer à partir de drones, ce qui aurait été une facilité et assez contraire à la vision du berger (et de la bergère) et de son troupeau de brebis. Félix-Antoine Duval et Solène Rigot excellent dans les deux rôles principaux, aux côtés d'un certain nombre de comédiens amateurs (ou pas ?), avec accent, qui donnent au film une authenticité et une humanité de bon aloi.

 

 

La réalisatrice :

 

Sophie Desrape est née le 27 octobre 1973 à Rivière-du-Loup (Canada). Ella a réalisé 6 films dont Antigone.

 


09/04/2025
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L'ivresse du pouvoir (La guerre par d'autres moyens)

"Le pouvoir rend fou, le pouvoir absolu rend absolument fou" écrivait John Emerich Dalberg. Dans La guerre par d'autres moyens, deux personnages en sont l'illustration : un président de la République déchu, qui sombre dans l'alcoolisme, et un réalisateur de cinéma qui entend dénoncer les violences faites aux femmes et y succombe dans sa vie privée. Autour d'eux, dans le roman de Karine Tuil, un certain nombre de femmes se débattent, souvent malheureuses, mais combatives. La romancière vise à capter l'air du temps, en racontant, une fois de plus, les "choses humaines", comme elle l'a fait, plutôt brillamment, dans ses récits précédents. La guerre par d'autres moyens pêche par accumulation, multipliant les personnages et les situations, évoquant pêle-mêle les réseaux sociaux, l'antisémitisme, les couples avec différence d'âge (dans un seul sens), le handicap, etc. Roman total d'une époque déboussolée, le livre se lit comme un feuilleton avec des intrigues savamment tissées pour aller crescendo et il est difficile de ne pas être emporté par sa puissance. Même s'il y a des réticences, les personnages ne sont-ils pas stéréotypés et les mœurs des milieux portraiturés, la politique et le cinéma, entre autres, ne sont-ils pas porteurs de clichés ? Certainement, oui, mais toute caricature et chaque cliché ne convoient-ils pas une grande part de vérité ? C'est cette volonté de l'auteure de parler de tous les sujets qui l'expose à ne les survoler que à plus ou moins gros traits. Une exception tout de même : l'alcoolisme, dont les effets de manque et de destruction sont décrits avec acuité, sans dépasser la mesure. La guerre par d'autres moyens peut irriter par ses trop-pleins mais, au fond, Karine Tuil n'a t-elle pas, elle aussi, cédé à l'ivresse du pouvoir, celui d'entraîner dans son sillage des milliers de lecteurs et de lectrices, par la seule entremise des mots ?

 

 

L'auteure :

 

Karine Tuil est née le 3 mai 1972 à Paris. Elle a publié 14 livres dont L'invention de nos vies, Les choses humaines et La Décision.

 


08/04/2025
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