Sorties 2015
Filière bulgare (Tête baissée)
Sorti le 14/10/2015
Avec Eastern Plays, son premier film, Kamen Kalev avait mis la Bulgarie de la cinématographie mondiale. Pour suivre, The Island était une franche déception. Tête baissée manifeste un léger mieux mais le film souffre de sa double nationalité française et bulgare dans le sens où le scénario se perd souvent dans des explications alambiquées avant, au contraire, de finir en pleine confusion. Il y a tout de même la force de son naturalisme social, très noir voire glauque avec cette plongée dans les filières bulgares du proxénétisme. Âpre vision d'un pays où la vente de quasi fillettes pour l'occident semble être une façon pour certaines familles de s'en sortir. Mais le film suit surtout l'équipée hasardeuse de Melvil Poupaud qui va vraiment "au charbon" dans un rôle ingrat et antipathique dans lequel il réussit à ne pas se noyer.
Classement 2015 : 165/253
Le réalisateur :
Kamen Kalev est né le 7 juin 1975 à Burgas (Bulgarie). Il a réalisé Eastern Plays et The Island.
La noirceur de l'inéluctable (Ertan ou la destinée)
Sorti le 21/10/2015
Umut Dag a le goût de la noirceur et de l'inéluctabilité. Sans avoir le même impact qu'Une seconde femme, Ertan ou la destinée (Fissures dans le béton pour une traduction littérale de l'allemand) montre à nouveau que le cinéaste autrichien est doué pour créer des atmosphères très sombres et donner de la densité à un scénario pourtant cette fois-ci relativement convenu. De la tentative de rédemption d'un père à la trajectoire hasardeuse et pré-déterminée d'un fils, Ertan est d'un pessimisme quasi intégral dans un monde de dealers et de voyous où la loi du plus fort prévaut.
Classement 2015 : 77/252
Le réalisateur :
Autrichien d'origine kurde, Umut Dag est né en 1982 à Vienne. Il a débuté avec Une seconde femme.
Face à face (L'attente)
L'attente. Le premier film de Piero Messina tient parfaitement les "promesses" de son titre. Celle d'une mère endeuillée et de la fiancée de son fils dans une grande maison sicilienne et sous le soleil d'avant Pâques, dans la splendeur de la nature. Très silencieux, le film tisse une relation entre ces deux femmes, d'abord ténue puis compréhensive jusqu'à la révélation finale qui brisera, peut-être, le déni de l'une des deux. Piero Mesina prend le risque de l'ennui en filmant un argument aussi austère, misant sur une stylisation qui ne tombe jamais tout à fait dans l'esthétisation ou l'hermétisme. Dans ce face à face féminin, Lou de Laâge soutient la comparaison avec Juliette Binoche malgré un rôle plus conventionnel et passif. S'il n'est pas totalement abouti, faute d'un scénario suffisamment étoffé, L'attente donne cependant envie de suivre Piero Messina, à l'évidence très doué pour créer de véritables atmosphères.
Classement 2015 : 153/250
Le réalisateur :
Piero Messina est né le 30 avril 1981 à Caltagirone. Assistant réalisateur sur deux films de Sorrentino, il est également musicien.
Un moineau pendu (Cosmos)
Après une éclipse de 15 ans, Andrzej Zulawski est de retour et il n'a pas (tellement) changé. Faute de connaître le livre de Gombrowicz dont Cosmos est adapté, le spectateur en est réduit à subir les péripéties d'un objet assez peu identifiable et qui s'obstine à dérouler une intrigue dont on se fiche un peu, avec un moineau pendu comme élément le plus identifiable. Le film est braque (pour reprendre la moitié d'un vieux titre de Zulawski) bourré de références littéraires et cinématographiques et émaillé de jeux de mots plus ou moins amusants (Spielbeurk !). L'interprétation des plus jeunes acteurs, bien que souvent théâtrale, est acceptable. En revanche, les pauvres Sabine Azéma et Jean-François Balmer sont en surjeu permanent, bien obligé tant ils ont des dialogues abscons à déclamer. Une seule chose fait ne pas décrocher tout à fait : le sens du cadre de Zulawski qui, quand les bavardages cessent enfin, nous offre des scènes admirablement composées dans les splendides paysages du Portugal. Mais ces moments-là sont hélas bien rares.
Classement 2015 : 206/249
Le réalisateur :
Andrzej Zulawski est né le 22 novembre 1940 à Lvov. Assistant de Wajda, critique cinématographique, il réalise La troisième partie de la nuit en Pologne mais l'essentiel de sa carrière est ensuite française, de L'important c'est d'aimer à La fidélité, de Possession à La note bleue.
Feel sad Movie (Hector)
De sa vie de SDF à Glasgow jusqu'au refuge londonien où il passe les fêtes de Noël, Hector trace le portrait d'un homme en bout de course dont on va peu à peu découvrir ce qui l'a amené, depuis 15 ans, à cette condition. Jake Gavin, débutant derrière la caméra, a choisi une histoire simple, âpre mais chaleureuse, dans un ton plus fataliste que pessimiste. Le parallèle avec le cinéma de Ken Loach est un peu trop facile à faire, Hector s'en démarque par une mise en scène fluide et une pudeur qui évite tout misérabilisme ou épanchement lacrymal. Il y a pourtant beaucoup de bouffées d'émotion dans ce film taillé pour le talent d'un Peter Mullan en homme brisé et désabusé mais qui a encore l'énergie, pour combien de temps ?, de ne pas s'écrouler. Il est digne et humble à l'image de ce "feel sad movie" à l'accent rauque d'Ecosse.
Classement 2015 : 76/248
Le réalisateur :
Photographe écossais réputé, Jake Gavin signe un premier long-métrage.
Serpillère magique (Joy)
Le cinéma de David O. Russell est toujours aussi déconcertant. Pour le meilleur (Happiness Therapy) ou pour le pire (American Bluff). A priori, cette "épopée" d'une inventeuse d'une serpillère magique est une histoire inspirée de la réalité et serait dédiée à toutes les "femmes audacieuses." Ok, mais ce ne pas exactement l'American Dream si l'on veut bien trouver au film un second degré, le problème étant : en a t-il vraiment un ? Comme d'habitude avec ce réalisateur, l'édifice est sacrément bancal et dysfonctionnel avec des personnages secondaires qui semblent marcher à côté de leurs chaussures. Pas trop grave, parce que ce sont Edgar Ramirez, Isabella Rossellini, Bradley Cooper et Robert de Niro qui les jouent dans le seul but de faire briller Jennifer Lawrence dont, visiblement, David O. Russell a fait sa muse. Elle ne s'en tire pas trop mal dans un rôle manifestement trop grand pour ses frêles épaules. Ce conte de Noël (voyez l'affiche) est-il ironique ou la vision de Russell s'est-elle définitivement diluée dans une candeur à la Capra (avec beaucoup de talent en moins) ? La question reste posée.
Classement 2015 : 145/247
Le réalisateur :
David O. Russell est né le 20 août 1958 à New York. Scénariste, producteur, acteur, il compte 9 longs-métrages à son actif derrière la caméra depuis 1994. Quelques titres : Les rois du désert, Happiness Therapy, American Bluff ...
Zones sordides (The Beast)
Les thrillers flamands se révèlent en général d'une grande noirceur sans franchir cependant la ligne jaune. Jusqu'à The Beast de Hans Herbots qui lui, ne s'y arrête pas, et s'engouffre dans des zones sordides avec une volonté affichée de choquer en évoquant (pas en montrant, encore heureux) des actes innommables. Evidemment que faire peur au cinéma n'a rien de criminel mais le film pousse le bouchon beaucoup trop loin dans le glauque et l'insupportable. Pourtant, The Beast, adapté d'un roman de Mo Hayder, est plutôt maîtrisé si l'on s'en tient à son aspect de polar poisseux dont la figure centrale de l'enquêteur est hantée par un drame personnel. L'on retrouve là une ambiance qui rappelle les romans noirs scandinaves, notamment. Ne serait-ce cette surenchère dans un sujet, la pédophilie, suffisamment sombre en lui-même, le film, par ses choix esthétiques et son enchevêtrement d'intrigues sinueuses, aurait pu être loué pour son atmosphère et son cheminement fatal. Mais sa complaisance dans le malsain est rédhibitoire.
Classement 2015 : 180/246
Le réalisateur :
Hans Herbots est né à Anvers le 13 mai 1970. Il a tourné de nombreuses fois pour la télévision et 6 films pour le grand écran.
Horreur des banques en votre faveur (The big Short)
Ne dit-on pas des meilleurs comédiens qu'ils sont capables d'être passionnants en lisant le bottin ? L'adage se vérifie aussi quand il est questions de subprimes ou autres termes financiers dans The big Short, film ô combien ésotérique pour les non initiés. Nonobstant l'opacité des faits et grâce en partie à la prestation de Ryan Gosling, Steve Carell et surtout Christian Bale, le film est loin d'être rébarbatif d'autant que le scénario n'a pas oublié la plus élémentaire pédagogie pour comprendre pratiquement l'essentiel du propos. Adam McKay a eu la bonne idée de ne pas vouloir se mesurer à Scorsese ni d'imiter Oliver Stone et avec ironie et un montage imaginatif, il réussit finalement à nous donner une idée des tenants et aboutissants de cette crise majeure du capitalisme, sans oublier de fustiger au passage le cynisme aveugle des banquiers et des traders, ce qui est la moindre des choses. Horreur des banques en votre faveur !
Classement 2015 : 154/245
Le réalisateur :
Adam McKay est né le 17 avril 1968 à Philadelphie. Scénariste, il travaille régulièrement avec Will Ferrell depuis ses débuts à la mise en scène. The big Short est son premier film "dramatique".
L'ivre de la jungle (L'étreinte du serpent)
A 34 ans et avec trois films à son actif, le réalisateur colombien Ciro Guerra possède déjà un palmarès enviable. Il est sans nul doute l'un des très grands espoirs du cinéma latino-américain. Depuis plus de trente ans, aucun film de fiction n'avait été tourné en Amazonie et les seuls qui l'ont été (Fitzcarraldo) ont privilégié le regard occidental. Les colombiens, eux-mêmes s'intéressent assez peu à cette partie de leur pays. Et ne connaissent rien de la culture, des langues et des communautés qui y étaient rattachées et qui ont pour la plus grande partie, disparu. En imaginant un chaman indien, ivre de la jungle et esseulé, qui aurait rencontré à 40 ans de distance deux scientifiques explorateurs (qui ont réellement existé), Ciro Guerra fuit tout folklore et fait un véritable travail d'ethnologue, impression renforcée par ses images en noir et blanc. L'étreinte du serpent n'est pas aussi mystique que prévu et c'est tant mieux pour le réalisme et tant pis pour les amateurs d'exotisme tropical. Il y a dans le film de l'humour et de la cruauté et un sens de l'aventure y compris intérieure. Mais avant tout un respect intégral pour des peuples souvent caricaturés ou simplement ignorés. En cela, outre toutes ses autres qualités, L'étreinte du serpent est beau et captivant.
Classement 2015 : 10/244
Le réalisateur :
Ciro Guerra est né le 6 février 1981 à Rio de Oro (Colombie). A l'âge de 23 ans, son premier film est déjà en salles : L'ombre de Bogota. Les voyages du vent suivent 5 ans plus tard. A voir absolument.
A demain, la Chine (Au-delà des montagnes)
Analyste sans concessions de l'évolution de la société chinoise, entrée avec fracas dans le monde capitaliste, Jia Zhang-ke remet le couvert avec Au-delà des montagnes, film en trois segments, en des temps différents de 1999 à 2025. Avouons-le tout net. Après A Touch of Sin, d'une violence et d'une acuité saisissantes, c'est une relative déception. Là où d'aucuns pourront parler de lyrisme, on peut voir aussi une certaine mièvrerie, qui commence déjà par ses leitmotive musicaux. Les trois parties sont reliées entre elles par ses personnages principaux, à l'évolution très différente, mais aucune ne suscite vraiment l'adhésion, et surtout pas la dernière située en Australie et dans un proche futur. On retrouve bien la patte de Jia de temps à autre mais l'ensemble parait comme édulcoré (problème de censure ?) et presque banal avec quelques coquetteries esthétiques gratuites en sus.
Classement 2015 : 59/243
Le réalisateur :
Jia Zhang-ke est né le 24 mai 1970 à Fenyang. Depuis 1999, il est l'auteur de 8 films de fiction et de 3 documentaires. En 2006, il est Lion d'or à Venise pour Still Life. Autres films marquants : Platform, The World, A Touch of Sin ...