Cinéphile m'était conté ...

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Sorties 2022


Chacun cherche sa chance (Yamabuki)

 

Présenté au Festival de Rotterdam, avant de rejoindre la sélection ACID de Cannes, Yamabuki dresse le portrait d'une petite ville minière de l'ouest du Japon, Maniwa, que le réalisateur, Juichiro Yamasaki, connait parfaitement bien. Une cité devenue multiculturelle et qui semble comme figée dans le temps et l'espace, à l'écart de toute agitation. Il y a plusieurs récits qui s'entrecroisent dans le film, sans que l'on puisse tout à fait parler d’œuvre chorale, tant les fils tissés sont ténus et n'entraînent pas forcément de développement narratif.. Des thématiques d'absence, de solitude et d'incomplétude familiale se rejoignent avec un Coréen émigré, sa compagne qui a quitté son mari, une adolescente qui a pris l'habitude de manifester en silence, une bande de voleurs qui perd son butin ... Tourné en 16 mm, le film de Juichiro Yamasaki exprime une profonde mélancolie au gré d'une suite de scènes souvent inachevées qui forment une mosaïque énigmatique et parfois monotone. La richesse et la délicatesse de son illustration musicale et la douceur de ton, qui contraste avec une révolte rentrée, distillent cependant une ambiance surannée mais prégnante, dans un bouquet d'histoires où chacun cherche sa chance et une raison de vivre.

 

 

Le réalisateur :

 

Juichiro Yamasuki est né en 1978 à Osaka. Il a réalisé 3 films.

 

 


06/08/2023
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Larmes de sang (Holy Emy)

Emy et sa sœur, Teresa sont toutes deux membres de la communauté philippine catholique du Pirée, en Grèce. Mystérieusement, Emy connaît des épisodes hémorragiques inattendus. Et s'il lui arrive de verser des larmes de sang, elle possède aussi le don de guérir. Le film d'Araceli Lemos pose plus de questions qu'il n'apporte de réponses et se révèle parfois très éprouvant, avec un côté organique qui rappelle le cinéma de Cronenberg. La recherche d'identité de son héroïne est cruciale, entre sa communauté qui cherche à ce qu'elle soit plus investie dans la religion et les Grecs qu'elle côtoie, qui la considèrent comme un animal exotique qu'ils peuvent exploiter. Mais les pouvoirs d'Emy restent inexplicables et peuvent aussi bien pencher vers le bien que vers le mal, ce qui rend le film totalement imprévisible, s'envolant parfois vers des espaces surnaturels, sans pour autant cesser d'être réaliste et très ancré socialement. L'aspect le plus fascinant réside dans les relations entre les deux sœurs, faites d'amour et de rejet, incroyablement complexes mais toujours puissantes, comme dans l'une des scènes parmi les plus dérangeantes, celle d'un accouchement. La réalisatrice grecque n'a vraiment peur de rien dans ce premier long-métrage assez inconfortable et énigmatique mais prometteur quant à son avenir.

 

 

La réalisatrice :

 

Araceli Lemos est née à Athènes. Elle a réalisé 3 courts-métrages.

 


26/03/2023
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Idylle en mer (La Passagère)

 

Une histoire d'adultère ou encore une liaison entre une femme de 45 ans et un très jeune homme ? Ce ne sont pas en définitive les véritables thèmes de La Passagère, qui montre avant tout le désir d'une femme, dans sa simplicité et son impétuosité, et cela n'a évidemment rien de choquant et rééquilibre un peu la balance (le cinéma n'a eu de cesse de montrer depuis son origine à quel point il était "normal" que des hommes âgés séduisent des jouvencelles). Ce n'est pas cela qui étonne dans le film mais à vrai dire rien ne surprend véritablement dans un récit assez banal, somme toute, et qui essaie d'étoffer son propos avec son versant social. Pas très convaincant car cette idylle en mer et sur terre n'est pratiquement vue qu'à travers le prisme des deux tourtereaux, négligeant, à quelques scènes près, les réactions de leur environnement. Hors les étreintes amoureuses, le film se complait dans une atmosphère peu dramatique, alors qu'il y a tout de même au départ l'enjeu de la survie d'un couple. Avec ses ellipses, notamment la dernière, La Passagère esquive les tensions et les crispations qui semblent pourtant induites par une situation pareille. Mais, après tout, la réalisatrice, Héloïse Pelloquet reste fidèle à son dessein : le portrait d'une femme libre qui obéit à ses envies. Sa chance, pour pallier un certain minimalisme du scénario, est d'avoir à sa disposition une actrice d'exception, Cécile de France, parfaite de bout en bout.

 

 

La réalisatrice :

 

Héloïse Pelloquet est née en 1988 à Cholet. Elle a réalisé 3 courts-métrages.

 

 


03/01/2023
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Le vieil homme sur une balançoire (Vivre)

 

Que reste t-il d'Ikiru (Vivre), chef d’œuvre d'humanisme de Akira Kurosawa, dès lors que le souvenir de sa découverte s'est un peu effacé au fil du temps ? Assurément, une image, très mélancolique, celle d'un vieil homme sur une balançoire. L'immense auteur britannique Kazuo Ishiguro a toujours adoré ce film du maître japonais et son adaptation dans l'Angleterre grise de l'après seconde guerre mondiale transpire le respect et l'intelligence. Extérieur à cet univers, l'excellent cinéaste sud-africain Oliver Hermanus (Beauty, Moffie) était le bon choix pour capter l'air du temps et les sentiments de son personnage principal, un triste fonctionnaire au crépuscule de sa vie inutile. L'émotion n'est pas immédiate dans ce remake mais quand elle vient, après une "avance rapide" dans le récit, inattendue mais qui fait sens, elle est puissante et magnifique. Tout en pudeur, en tendresse et en subtilité, le film s'avance sur le terrain du mélodrame sans céder à aucun pathos, gardant en réserve un humour ô combien britannique, notamment dans les scènes situées à la mairie de Londres. Quant au talent du scénariste de Vivre, il est notamment visible dans les changements de perspective, avec déjà les premières minutes du film qui nous immergent dans une atmosphère particulière et par le biais d'une narration parallèle. Il n'est point besoin d'insister sur le message du long-métrage : qu'est-ce qu'une vie et peut-on en changer sa signification avant qu'il ne soit trop tard ? Bill Nighy, impeccable comme toujours, semblait fait pour ce rôle splendide. Quant à savoir s'il s'assoit sur une balançoire à un moment ou à un autre, il reste aux futurs spectateurs de Vivre à le découvrir.

 

 

Le réalisateur :

 

Oliver Hermanus est né le 26 mai 1983 au Cap. Il a réalisé 5 films dont Beauty et Moffie.

 


02/01/2023
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D'art et d'épée (Caravage)

 

En Italie, le film de Michele Placido s'intitule L'ombra di Caravaggio, mettant l'accent sur le personnage de l'inquisiteur, chargé par L’Église d'enquêter sur la vie dissolue du peintre le plus célèbre du début du 17ème siècle (avec une incarnation brillante de Louis Garrel). C'est l'opportunité pour le cinéaste de faire preuve de pédagogie en illustrant les œuvres les plus célèbres du maître, tout en rappelant à quel point son existence fut agitée, violente et scandaleuse. C'est donc un film d'art et d'épée, qui tente de mélanger le spectaculaire au politique et qui y réussit en partie, en cherchant à retrouver la palette de couleurs du peintre et en montrant également la splendeur des demeures aristocratiques opposée à la saleté des rues et à la misère du peuple. Le long-métrage est ambitieux, trop peut-être pour le talent de Michele Placido, qui s'enferre quelque peu dans un récit haché et parfois répétitif pour cause d'allers et retours incessants entre plusieurs périodes. Caravage reste donc loin de l'intensité du Michel-Ange de Konchalovsky et sa perception de la folie obsessionnelle de l'artiste reste somme toute assez sage, avec une mise en scène qui demeure dans les clous. Néanmoins, ce biopic mérite d'être vu, ne serait-ce que pour se rendre compte de la stature du personnage et surtout pour l'abattage de Riccardo Scamarcio, plus que convaincant dans un rôle plus grand que nature.

 

 

Le réalisateur :

 

Michele Placido est né le 19 mai 1946 à Ascoli Satriano (Italie). Il a réalisé 14 films dont Romanzo criminale et 7 minuti.

 

 


01/01/2023
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Chaos et cahots (White Noise)

 

Au moins, il aura essayé, Noah Baumbach ! Peut-être en avait-il assez de son image de cinéaste plutôt intimiste et spécialiste des névroses familiales mais le virage constitué par White Noise montre qu'il n'a pas peur d'emprunter des sentiers qui lui sont peu familiers comme celui du film catastrophe. Néanmoins, on ne sait pas trop quel bout le prendre, ce long-métrage cahoteux et chaotique qui tente d'épingler notre société de consommation et ses dérivés toxiques : manipulation de masse et marketing aliénant. Le mieux est encore d'oublier que tout doit faire sens et se plonger dans ce maelström de situations absurdes, tête baissée. Après tout, la plupart des films parlent avant tout de la condition humaine et de la peur de la mort, alors autant y aller avec dérision, en assurant le spectacle et en superposant des tonnes de dialogues plus ou moins sensés. Ceci posé, la question se pose : Noah Baumbach est-il le cinéaste idoine pour le délire programmé ? Pas certain, car il y a comme une raideur dans la mise en scène, particulièrement visible dans les scènes les plus incongrues, celles où l'humour noir est censé se déployer. Malheureusement, White Noise n'est drôle que de manière épisodique et certaines références sont de mauvais goût (Elvis vs Adolf). On n'est pas loin de la théorie du "grand film malade", de Truffaut, parce qu'il y a tout de même une sorte de plaisir assez étrange à regarder ce presque ovni, trop agité pour inciter à l'ennui. Et puis le couple Driver/Gerwig tourne à plein rendement, capable de tout jouer sans jamais sembler ridicule.

 

 

Le réalisateur :

 

Noah Baumbach est né le 3 septembre 1969 à New York. Il a réalisé 12 films dont Greenberg, Frances Ha et Marriage Story.

 


31/12/2022
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Jeu collectif (Choeur de rockers)

 

Pas difficile de voir où Chœur de rockers veut nous entraîner : sur un terrain que le cinéma britannique, par exemple, a déjà bien défriché, avec des marins pêcheurs ou des femmes de soldat, pour ceux qui reconnaîtront deux feel good movies récents. L'odyssée dunkerquoise de ces séniors chanteurs vient d'une histoire vraie, sans doute un peu romancée, mais pas tant que cela, et visiblement toujours dans l'esprit de cette joyeuse troupe plus attirée par le rock que par les chansons traditionnelles de notre terroir. C'est un film dont on a peur de connaître tout à l'avance, y compris cette antienne du "vivre ensemble", mais le film évite fort heureusement de verser dans la pure candeur, s'efforçant de ne donner aucune leçon de morale et réussissant à trouver l'équilibre entre le collectif et l'individuel, permettant ainsi à quelques figures particulières d'émerger, incarnées notamment par une ébouriffante Andréa Ferréol et une Mathilde Seigner en forme olympique. Il y a bien ici ou là quelques blagues faciles mais Chœur de rockers montre une belle tenue et une vitalité indéniable, dans son ensemble, avec un sens du rythme qui ne s'applique pas seulement aux morceaux qui incitent à taper du pied (Clash) ou à s'émouvoir (Bowie). Un film sans prétention aucune sur le plan du style mais dont la part d'humanité, joliment distillée, suffit sur l'instant au bonheur simple du spectateur.

 

 

Les réalisateurs :

 

 

Ida Techer a réalisé 2 courts-métrages et Luc Bricault a été assistant-réalisateur.

 


31/12/2022
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Valse viennoise (Hinterland)

 

Hinterland de Stefan Ruzowitzky, dont on se souvient de l'oscarisé Les Faussaires, intrigue et fascine autant par la qualité de son scénario (avec quelques failles quand même) que par son identité visuelle. Le film se déroule à Vienne, au début des années 20, au sortir d'une guerre perdue, avec des soldats qui ne reconnaissent plus rien de leur ville et de leur vie d'avant et qui se sentent comme humiliés par une population qui n'a que faire d'eux, symboles de la défaite et d'un monde révolu. Là-dessus, se greffe un véritable polar assez perturbant de par ses ramifications avec le conflit qui s'est achevé quelques années plus tôt (n'en disons pas plus). Mais le film se différencie principalement par son atmosphère sordide et l'utilisation systématique du numérique pour recréer les décors de la capitale autrichienne en une époque où les extrémismes commencent à émerger, préfigurant une nouvelle conflagration mondiale. Cet univers digne de l'expressionnisme allemand, avec ses effets spéciaux qui distordent le paysage urbain, et qui coïncide avec l'univers mental de son personnage principal, ancien lieutenant de l'armée austro-hongroise, éloigne Hinterland du réalisme et le pousse vers un fantastique presque gothique, à la façon du récent Les mystères de Barcelone, mais avec bien plus de densité poisseuse et dramatique. Le premier rôle du film est interprété par l'acteur autrichien Murathan Muslu, aussi impressionnant que minéral.

 

 

Le réalisateur :

 

Stefan Ruzowitzky est né le 25 décembre 1961 à Vienne. Il a réalisé 11 films dont Les faussaires.

 


30/12/2022
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L'île de l'exaltattion (Les Banshees d'Inisherin)

 

Après le triomphe de Three Billboards, voir Martin McDonagh choisir de tourner un "petit" film irlandais a de quoi surprendre mais c'est mésestimer le cinéaste que de penser qu'il n'y a pas mis tout son talent et son humanité dans ce qui s'apparente à un nouveau quasi chef d’œuvre. Clairement, cette histoire d'amitié brisée entre deux hommes déjà bien abîmés par la vie, fait écho au contexte de guerre civile en Irlande (l'histoire se déroule en 1923, sur une petite île). Les dialogues sont étincelants, à la fois d'une incroyable cruauté entre les différents protagonistes d'un endroit où toutes les nouvelles circulent à grande vitesse mais aussi d'une drôlerie constante, avec des situations irrésistibles donnant lieu à des scènes mémorables. McDonagh mélange noirceur (solitude, vieillesse, méchanceté) et tendresse avec une maîtrise incroyable qui se superpose à la beauté des paysages irlandais et à une mise en scène tranquillement virtuose qui raconte déjà une histoire ou plutôt un contexte avec ses seules images (les statues de la Vierge, les croix celtiques, les falaises). Du côté de l'interprétation, Brendan Gleeson est égal à lui-même, c'est à dire formidable, Kerry Condon est merveilleuse et Barry Keoghan incroyable. Mais les seconds rôles sont tout aussi remarquables (la sorcière, l'épicière, le curé ...) et même les animaux (l'ânesse et le chien) semblent des acteurs nés. Et Colin Farrell ? Époustouflant, de bout en bout, d'une subtilité rare dans toutes les palettes de jeu. Les Banshees d'Inisherin a beau sortir fin 2022, il a sa place très haut dans la liste des meilleurs films de l'année.

 

 

Le réalisateur :

 

Martin McDonagh est né le 26 mars 1970 à Camberwell (Royaume-Uni). Il a réalisé Bons baisers de Bruges, Sept psychopathes et Three Billboards.

 


29/12/2022
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Trans Pakistan Express (Joyland)

 

Dans le Trans Pakistan Express que Joyland nous fait découvrir, Biba, de par sa flamboyance, son talent de danseuse et sa capacité à assumer sa transsexualité, dans un pays aussi patriarcal que le Pakistan, semble devoir être le personnage principal du premier long-métrage de Saim Sadiq. Pourtant, ce n'est pas vraiment le cas dans ce film remarquable qui décrit avec soin une famille où cohabitent plusieurs générations, avec un taux de frustration élevé parmi ses membres. Joyland est aussi une histoire d'amour très romantique et colorée (les séquences musicales et dansées sont un ravissement pour les yeux) mais sa richesse thématique et humaine conduit à un film presque choral dans lequel aucun protagoniste n'est négligé. Sa réussite tient notamment à un équilibre parfait entre moments légers, voire euphoriques, et épisodes très dramatiques, sans que jamais le fil narratif ne soit rompu, avec quelques changements audacieux de perspective. Le film prend le pouls de Lahore sans lourds effets démonstratifs, nuançant son propos dans ce qui est, malgré les apparences, un véritable cri d'amour pour une ville et pour un pays où d'immenses progrès sont attendus dans une société qui vit encore sur des lois non écrites, datant des siècles passés. Joyland, de par son esthétisme raffiné et la richesse de son récit, mérite d'être considéré comme une véritable pépite venant d'une contrée où le cinéma de divertissement, à l'instar de son voisin indien, ne laisse guère de place à des œuvres plus sociales et engagées.

 

 

Le réalisateur :

 

Saim Sadiq est né à Lahore (Pakistan). Il a réalisé 7 courts-métrages.

 


28/12/2022
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