Cinéphile m'était conté ...

Cinéphile m'était conté ...

Sorties 2024


Les Capet, coupez ! (Le Déluge)

 

Mélanie Laurent en Marie-Antoinette, cela n'était pas une évidence mais que dire de Guillaume Canet (qui a enduré 4 heures de maquillage quotidien) dans le rôle de Louis XVI, personne ne l'avait imaginé, sauf Gianluca Jodice, le cinéaste napolitain qui a notamment tourné le Making of de La grande Belleza. Le début de Le Déluge, avec ses plans larges, fait d'ailleurs penser à Sorrentino, avant que l'intimisme ne prenne le dessus pour raconter les derniers jours du couple royal, devenu les citoyens Capet. Bien que basé sur les mémoires du valet du roi, le film se veut plus métaphysique que historique, dixit son réalisateur. Pourtant, on retient davantage les silences que les conversations entre Louis et Marie-Antoinette qui vivent leur "apocalypse personnelle" de manière très différente. On ne prétendra pas que la vision du récit sur ces deux figures surprendra : malgré son air balourd, Louis XVI manifeste une intelligence faite de simplicité et son épouse, assez antipathique, conserve toute sa morgue aristocratique. A quoi bon un nouveau film sur un sujet déjà tellement traité au cinéma et dans les livres, c'est sans doute la question que l'on pourra se poser devant Le Déluge. Pour son entame et quelques scènes inspirées, voire surprenantes (le viol, le bourreau et le roi), plus que pour les interprétations, on pourra qualifier le film de relativement agréable à regarder. Les Capet, coupez !

 

 

Le réalisateur :

 

Gianluca Jodice est né le 4 décembre 1973 à Naples. Il a réalisé Il cattivo poeta.

 


31/12/2024
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Le vampire tient sa promise (Nosferatu)

 

Ô, vampire des Carpates, avec ta promise/soumise (?), quelles noces feras-tu ? Depuis Murnau, un siècle s'est écoulé et le sang a coulé sous les ponts, dans de nombreuses adaptations et relectures du mythe, versions comiques et romantiques incluses. Avec Robert Eggers, c'est le retour aux sources assuré mais la question se pose : peut-on décemment, aujourd'hui, réaliser un Nosferatu sérieux sans virer au grotesque et au grandiloquent ? L'aspect historique du film n'est pas mal du tout, avec le talent visuel reconnu du cinéaste, mais le récit d'épouvante reste en définitive assez sage, pas de quoi sursauter, en tous cas, mais l'on présume que ce n'est pas le but d'une entreprise qui ressemble, en pouvait-il en être autrement ?, à un exercice de style gothique, esthétiquement emballant mais sans souffle épique ni même poétique. A retenir tout de même la place plus importante laissée à la "fiancée" du mort-vivant, avec une Lily-Rose Depp très brillante dans le surjeu, alors que le mari de la susdite n'en peut mais. Au fond, Nosferatu montre qu'un ménage à trois est une situation qui ne peut déboucher que sur le drame. Cela dit, ce n'était vraisemblablement pas le but d'Eggers mais il ne pourra pas empêcher, malgré l'aspect quelque peu figé de son film, de laisser notre capacité d'interprétation s'évader hors des sentiers trop balisés.

 

 

Le réalisateur :

 

Robert Eggers est né le 7 juillet 1983 à Lee (Etats-Unis). Il a réalisé The Witch, The Lighthouse et The Northman.

 


30/12/2024
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Les couleurs saturées du désir (Motel Destino)

 

Situé dans le Nordeste brésilien, avec pour décor presque unique un motel spécifiquement dédié au sexe, le nouveau film de Karim Aînouz interloque, un peu, déçoit, beaucoup, mais, bizarrement, n'ennuie pas vraiment. Ce n'est pourtant pas la violence des désirs et la création, trop souvent vue, d'une sorte de triangle amoureux qui a le pouvoir de nous donner des frissons car la trame est éculée, rappelant celle du Facteur sonne toujours deux fois (notamment la version de Visconti), mais sans aucune profondeur dans ses personnages, le plus jeune étant peut-être celui avec le plus de potentiel mais son interprétation, par le débutant Iago Xavier, manque cruellement de charisme, alors que ses comparses se réduisent peu ou prou à des clichés ambulants. Passons sur l'aspect érotique, plus bestial que sensuel, et regrettons que le côté social dans cette région défavorisée du Brésil ne soit guère développée. Il reste quoi ? Des couleurs saturées, de la musique techno et une mise en scène parfois virtuose mais hélas au service de pas grand chose. Venant du réalisateur du somptueux La Vie invisible d'Eurídice Gusmão et des excellents Bahia, ville basse et Le ciel de Suely, Motel Destino marque forcément un recul dans l'inspiration d'un cinéaste qui se demande peut-être, c'est une hypothèse, s'il a encore envie de filmer des histoires de son propre pays ou de "s"internationaliser", comme pour le peu convaincant Jeu de la reine, quitte à y perdre son identité.

 

 

Le réalisateur :

 

Karim Aïnouz est né le 17 janvier 1966 à Fortaleza (Brésil). Il a réalisé 11 films dont Le ciel de Suely, La vie invisible d'Eurídice Gusmão et Le jeu de la reine.

 

 


29/12/2024
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Les couleurs vives de l'amour (Joli Joli)

 

Une comédie musicale peut-elle se révéler sapide, en dépit d'une intrigue minimale, voire quasi inexistante ? L'histoire du cinéma, notamment américain, nous révèle que oui, c'est envisageable, mais il faut alors des ingrédients parfaits dans tous les domaines : mise en scène, interprétation, musique, costumes, etc. Nul ne pourra prétendre que Joli joli, de Diastème, frise la perfection dans tous ses aspects mais l'énergie de l'ensemble, la bonne tenue de la plupart des chansons, un sens du rythme narratif indéniable, la reconstitution colorée d'une époque, les années 70, qui paraît déjà lointaine participent au plaisir simple et vif que l'on prend devant le film. Ceci à la condition d'accepter que son seul sujet est celui des amours contrariées, déclinées sous le mode hétéro ou homo, et que les quelques clins d’œil à notre monde d'aujourd'hui (des téléphones portables au mouvement #MeToo) ne brillent pas véritablement par leur finesse. Mais si on se laisse faire sans renâcler (question d'humeur du spectateur), Joli joli est un charmant voyage rétro, où l'on appréciera autant sinon plus les rôles secondaires (Laura Felpin, Vincent Dedienne et Victor Belmondo) par rapport à ses têtes d'affiche que l'on attendait plus étincelantes (Clara Luciani et William Lebghil) ou encore, autrement dit, plus glamoureuses.

 

 

Le réalisateur :

 

Diastème a réalisé 5 films dont Le monde d'hier.

 

 


28/12/2024
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La réalité dépasse l'affliction (Planète B)

 

Persistons à saluer les jeunes cinéastes de France qui s'attaquent sans complexe à des genres qui ne font guère partie de la tradition hexagonale, même s'ils ne réussissent pas toujours totalement dans leur entreprise. Au tour de Aude-Léa Rapin de se lancer dans un récit d'anticipation qui, à défaut de moyens grandioses, ne manque ni d'ambition ni d'idées. En situant l'action en 2039, les progrès technologiques n'ont pas besoin de dépasser l'entendement et ceux qui apparaissent dans Planète B sont parfaitement crédibles, toujours dans l'esprit de nos chers dirigeants, non de faciliter la vie des citoyens mais de les contrôler encore davantage et de les punir, le cas échéant. Le propos politique est évidemment présent dans le film (écoterrorisme, migrants) mais sans déborder sur la nécessité de créer une œuvre cohérente et divertissante, malgré une noirceur intrinsèque à tous les films qui évoquent l'avenir de notre monde. Assez bizarrement, avec sa prison virtuelle, paradisiaque le jour, infernale la nuit, tortures cauchemardesques incluses, Planète B ressemble parfois à une émission de télé-réalité, sauf qu'ici la réalité dépasse l'affliction. Les puristes du genre y trouveront évidemment beaucoup à redire, sur le manque de profondeur du scénario, entre autres, mais qu'importe, le long métrage se suit avec plaisir, sur ses deux planètes, avec, pour une fois, deux héroïnes au premier plan, toutes les deux plus que convaincantes : Adèle Exarchopoulos et Souheila Yacoub.

 

 

La réalisatrice :

 

Aude-Léa Rapin est née le 30 mai 1984 à Fontenay-le-Comte. Elle a réalisé Les héros ne meurent jamais.

 


27/12/2024
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Une fine couche de glace (My Sunshine)

 

Hiroshi Okuyama s'est fait remarquer dès son premier long métrage, Jésus, tourné à seulement 22 ans. 6 années plus tard, My Sunshine, qui prend de nouveau l'île d'Hokkaidô pour cadre, dans la splendeur de l'hiver, montre un cinéaste plus sûr de lui, en nous offrant un récit qui glisse sur une fine couche de glace, entre harmonie et mélancolie. Film d'apprentissage, à première vue, avec un jeune garçon solitaire et balbutiant, il n'est pas que cela, à mesure qu'un trio se forme autour du patinage. Peut-être y aura t-il un peu de frustration pour certains, à ce sujet, car l'entraîneur et surtout l'adolescente ambitieuse dans son sport sont moins travaillés par le scénario. lequel se caractérise en outre par une grande économie de dialogues et de subtiles ellipses. C'est comme si le cinéaste voulait laisser un certain nombre d'éléments à l'imagination du spectateur, comme le prouve aussi la dernière scène du film. Mais l'ambiance hivernale constitue l'un des atouts de My Sunshine, qui impose sa délicatesse et sa douceur, qui contrastent avec les préjugés qui ne sont jamais très loin mais que, là encore, le réalisateur se refuse à dramatiser, lui préférant la lumière et l'osmose de deux jeunes patineurs, évoluant avec grâce et synchronisme sous le regard bienveillant de leur coach.

 

 

Le réalisateur :

 

Hiroshi Okuyama est né le 27 février 1996 à Tokyo. Il a réalisé Jesus.

 


26/12/2024
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Un fils différent (Mon inséparable)

 

En dépit d'une mise en scène trop souvent neutre, Mon inséparable touche avec pudeur, sans se complaire dans le mélodrame qui menace. Le choix de la réalisatrice, Anne-Sophie Bailly, a été de se tenir au plus près de la mère et, par conséquent, de reléguer parfois son fils "différent" au second plan. Cet angle de vue permet de s'attarder sur une femme; loin d'être une sainte, présentée avec ses hésitations, ses emballements et, de temps à autre, ses fourvoiements. Le tout est écrit avec une certaine délicatesse et une grande bienveillance qui, certes, versent dans un optimisme trop prononcé, peut-être, mais sans trop s'éloigner du réalisme des situations. Certains prétendront sans doute que les prises de risque du scénario sont calculées et dosées, et ce n'est pas faux, mais il y a une forme de cohérence tranquille dans un récit qui évite la plupart des écueils redoutés et, en particulier, une émotion qui serait trop forcée. C'est un nouveau rôle périlleux pour Laure Calamy mais la comédienne s'en tire sans faute de goût majeure et qui pourra dire qu'elle n'est pas crédible ?. Elle est brillamment accompagnée par Charles Peccia-Galletto et Julie Froger, dans la douceur d'un couple dont on est presque à regretter qu'il ne soit pas plus présent à l'écran.

 

 

La réalisatrice :

 

Anne-Sophie Bailly a réalisé 3 courts-métrages.

 


25/12/2024
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Des dindes à Winnipeg (Une langue universelle)

 

Étrange, voire expérimental, Une langue universelle est décrit par son réalisateur, le Canadien Matthew Rankin comme une "hallucination autobiographique" ou encore, comme une comédie de "désorientation." On y parle d'ailleurs plus volontiers farsi que français ou anglais, alors que les trois histoires, qui se connectent plus ou moins dans le scénario, se situent à Winnipeg qui prend soudain des allures de Téhéran. Il se passe des choses surprenantes et absurdes dans ce film qui abonde en références qu'il est le plus souvent ardu de déceler, de ce côté-ci de l'Atlantique. Des dindes y jouent, entre autres, un rôle non négligeable, l'une d'entre elles voyageant d'ailleurs en autocar, ce qui n'a rien de bizarre, n'est-ce pas, puisqu'elle a payé sa place. Dans ce genre de long-métrage, il s'agit moins de comprendre les intentions de l'auteur que de sa laisser aller à sa fantaisie. C'est ce que l'on éprouve aussi devant certaines œuvres de Roy Andersson ou de Alex van Warmerdam, par exemple, mais dans Une langue universelle le systématisme dans la recherche surréaliste a plutôt tendance à créer une distance qui ne donne guère envie de se passionner pour ses extravagantes péripéties.

 

 

Le réalisateur :

 

Matthew Rankin est né le 5 août 1980 à Winnipeg (Canada). Il a réalisé Le 20ème siècle.

 


23/12/2024
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Portrait d'une scandaleuse (Sara Bernhardt, la divine)

 

Aussi surprenant que cela puisse paraître, aucun film n'avait été consacré jusqu'alors à la grande Sarah Bernhardt, par le cinéma français. Le biopic de Guillaume Nicloux était attendu et il n'est pas question de lui reprocher d'avoir oublié un quelconque aspect de ce "monstre sacré" du théâtre. Malgré sa savante déconstruction chronologique, le film a tout du devoir d'un bon élève, pas académique, non, mais quelque peu convenu, quand même. Celle qui fut surnommée la divine était également une scandaleuse pour son époque, femme libre, aux amours tumultueuses, et aux caprices de diva. Comme de nombreux ouvrages "historiques" récents, le long-métrage s'efforce de montrer la modernité de son héroïne, n'hésitant pas à privilégier des thèmes aussi prégnants aujourd'hui que l'antisémitisme ou le féminisme. Le film est aussi un défilé quasi ininterrompu de "stars" de l"époque, comme Lucien Guitry et son fils Sacha, incontournables, mais aussi des figures qui n'ont fait que passer dans sa vie, à l'image de Zola ou de Freud. Était-il besoin d'insister autant sur l'idolâtrie autour de la comédienne et sur son odeur de soufre ? Disons que la chose aurait parfois mérité un peu plus de subtilité dans son traitement. Pleinement investie, Sandrine Kiberlain relève le défi avec le talent qu'on lui reconnaît. Le reste de la distribution est un peu moins convaincante, à l'image de Laurent Lafitte, peut-être un peu noyée dans des décors et des costumes somptueux. Au fond, le mystère de Sarah Bernhardt reste toujours intact, plus d'un siècle après sa mort et l'on ne peut que louer le film de la montrer telle qu'elle fut vraiment, dans un bref extrait du fameux moyen-métrage de Sacha Guitry, Ceux de chez nous, réalisé en 1917.

 

 
Le réalisateur :

 
Guillaume Nicloux est né le 3 août 1966 à Melun. Il a réalisé 17 films dont Valley of Love, Les confins du monde et Thalasso.

 


22/12/2024
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Souvenirs confus (Oh, Canada)

 

Paul Schrader, 78 ans, cette année, semblait dans une de ses meilleures périodes cinématographiques, ces derniers temps. Mais c'était avant Oh, Canada, adaptation d'un livre testamentaire du grand écrivain Russell Banks, laquelle laissera au mieux dubitatif. Son personnage principal, proche de la fin, y raconte sa vie, lors du tournage d'un documentaire qui lui est consacré. Las, sa mémoire est plus trouée qu'un gruyère et il est difficile de faire le lien entre différentes périodes de la vie du héros, voire même de croire à tous ces souvenirs épars. Pour un peu, on se croirait dans Providence, l'un des films les plus virtuoses de Resnais, mais Schrader ne parvient pas à donner à ce puzzle émotionnel autant d'étoffe qu'il le souhaiterait. Toutes les scènes ne semblent pas connectées entre elles et il est difficile de se faire une idée précise de la véritable personnalité de celui qui est interprété, avec un certain brio, d'ailleurs, par Richard Gere. Cet homme a t-il été finalement un lâche ou doit-il ne nourrir aucun regret sur les décisions qu'il a prises ? Sans doute n'en sait-il rien mais le problème c'est que le spectateur n'est pas plus avancé, guère aidé par la confusion qui règne, volontairement, dans Oh, Canada.

 

 

Le réalisateur :

 

Paul Schrader est né le 22 juillet à Grand Rapids (Michigan). Il a réalisé 23 films dont American Gigolo, The Card Counter et Master Gardener.

 


21/12/2024
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