Cinéphile m'était conté ...

Cinéphile m'était conté ...

Sorties 2023


Au futur antérieur (La Bête)

 

Il est curieux de voir, à seulement quelques mois d'intervalle, deux adaptations de La bête dans la jungle, la nouvelle de Henry James. Celle de Patric Chiha était déjà très libre, et conceptuelle, mais que dire de celle de Bertrand Bonello, conjuguée au futur antérieur, qui nous trimballe entre trois époques différentes. A noter quand même une paire d'étranges similitudes entre les deux versions : les scènes en boîtes de nuit et le minois de Léa Seydoux (globalement peu convaincante), à plusieurs reprises, qui ressemble d'assez près à celui d'Anaïs Demoustier. La question que l'on se pose devant La Bête est évidente : pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? Pour déconcerter le spectateur ou plutôt aiguiser sa perspicacité ? Si l'on veut, oui, mais le fond n'est franchement pas suffisant pour retenir l'attention, le thème de l'intelligence artificielle servant avant tout de prétexte pour une narration qui semble largement manquer d'enjeux. En enlevant l'épisode concernant 2014, le film aurait sans doute acquis un peu plus de tonicité, eu égard à une longueur excessive de près de 150 minutes. Il faut bien en convenir, sans la prestation impressionnante de George McKay, qui a remplacé le regretté Gaspard Ulliel, La Bête serait bien difficile à regarder. Bertrand Bonello est un cinéaste atypique qui a le mérite de tenter continuellement des paris formels mais il ne peut pas réussir à tous les coups.

 

 
Le réalisateur :

 
Bertrand Bonello est né le 11 septembre 1968 à Nice. Il a réalisé 11 films dont L'Apollonide, Saint Laurent et Coma.

 


10/02/2024
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La fille qui a dit non (Primadonna)

 

Ce n'est pas rien ce que raconte Primadonna, dans la Sicile du milieu des années 60, autour du traditionnel "mariage réparateur", qui imposait aux femmes d’épouser leur agresseur. Ce n'est pas rien et c'est l'histoire réelle d'une jeune fille toute simple d'un petit village, qui a osé dire non à une pratique acceptée par tous, depuis toujours, avec la complicité de l’Église. Ce qui surprend dans Primadonna, qui porte le titre explicite de The Girl from Tomorrow à l'international, c'est la modestie de la réalisation, adoptant un profil bas, dans un récit qui, à sa manière, s'inscrit pourtant dans le souffle de l'histoire des droits des femmes. Sans doute la réalisatrice Martina Savina a t-elle voulu rester fidèle à la personnalité de cette héroïne malgré elle mais son film, trop sage, en devient presque mièvre et semble survoler son sujet. Même remarque s'agissant de l'environnement de la jeune femme, à commencer par sa famille et ses rapports avec son père, ou encore le despotisme du maître du village dont on devine la peur qu'il inspire. Au crédit du film, qui reste passionnant malgré ses manques, il serait injuste de ne pas souligner ses qualités esthétiques et surtout la fraîcheur et le talent de son interprète principale, Claudia Gusmano. Elle est pour beaucoup dans le prix du public que Primadonna a obtenu au Festival italien de Villerupt.

 

 

La réalisatrice :

 

Marta Savina est née à Florence en 1987. Elle a réalisé 3 courts-métrages.

 


19/01/2024
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Sous le regard des limousines (5 hectares)

 

Sous le regard quelque peu consterné des limousines (les vaches, pas les voitures), 5 hectares se déploie avec infiniment de paresse, au fil d'un scénario trop mince pour convaincre et pas assez drôle pour séduire. La réalisatrice, Émilie Deleuze, aime certainement beaucoup Une histoire vraie de David Lynch mais espérons qu'elle ait l'humilité et la lucidité de considérer que son presque road-movie en tracteur n'arrive pas à la cheville du susnommé. L'écriture de 5 hectares apparaît vraiment comme très laborieuse, pourtant pétrie de bonnes intentions, en essayant de ne pas tomber dans le cliché du citadin imbu de lui-même venant sur les terres du paysan revêche. La confrontation de Lambert Wilson et de l'excellent Laurent Poitrenaux ne manque pas de piquant mais les scènes entre eux sont trop peu nombreuses pour acquérir un tant soit peu de profondeur. Et ce n'est pas le rôle de l'épouse du héros, trop évanescent, qui viendra assaisonner cette salade verte, ce qui est un peu criminel quand on a la talentueuse Marina Hands à disposition. C'est son indolence qui caractérise le plus 5 hectares alors qu'il y avait là, pourquoi pas, un espace pour s'engager dans le burlesque ou l'absurde. Le film, qui est étonnamment davantage projeté dans les cinémas d'art et d'essai que dans les grands complexes, souffre par ailleurs d'un défaut de positionnement qui le conditionne, sans doute, à un échec commercial immédiat.

 

 

La réalisatrice :

 

Emilie Deleuze est née le 7 mai 1964 à Nogent-sur-Marne. Elle a réalisé 5 films dont Peau neuve.

 


01/01/2024
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Une pressante envie de tisser (Vermines)

 

Sébastien Vaniček, le réalisateur de Vermines, parle de sous-texte social pour son long-métrage, dans le sens où les habitants de banlieue sont au moins aussi bien considérés dans l'opinion publique que des araignées. Le message passe effectivement dans la toute fin du film mais il n'est pas certain qu'il soit l'essentiel de ce que l'on se souviendra. Efficace et au suspense allant crescendo, Vermines montre avant tout un metteur en scène très à l'aise pour installer une atmosphère prégnante et angoissante, pas seulement dans les scènes où grouillent de charmantes bestioles mais aussi dans toutes celles, volontairement peu éclairées, qui ont vraiment de la gueule et du caractère. Classé au rayon de l'horreur, le film est loin de terrifier, pourtant, peut-être parce que la notion de divertissement est presque toujours peu ou prou présente, dans un jeu de survie où il s'agit de deviner qui va survivre à cette invasion d'arachnides dont le but n'est pas seulement de se faire une toile ou de répondre à une pressante envie de tisser. Précisément, ce sont les personnages du film qui semblent plus effrayés que pourraient l'être les spectateurs, dans le confort d'une salle de cinéma, et ils ne privent pas de céder à une hystérie assez fatigante à la longue. Cette arachnofolie fonctionne déjà bien comme exercice de style et spectacle distrayant, à défaut d'être réellement effrayante, mais c'est la promesse déjà tenue du savoir-faire du cinéaste qu'il convient de garder en priorité.

 

 

Le réalisateur :

 

Sébastien Vaniček a réalisé 3 courts-métrages.

 


31/12/2023
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Els encantats (Espagne)

 

Le cinéma espagnol ne s'est sans doute jamais autant conjugué au féminin qu'en cette année 2023. La liste de réalisatrices actives est riche avec des titres comme 20 000 espèces d'abeille, Les filles vont bien, Un amor, Creatura, Els encantats. Dans ce dernier cas, il faudrait plutôt parler de cinéma catalan, d'ailleurs, pour une histoire qui part de Barcelone avant de migrer durablement vers un hameau pyrénéen où se réfugie son héroïne, Irene, alors qu'elle vient de changer de vie, après une séparation et un déménagement. Ce retour aux sources, nécessaire pour recharger des accus à plat. La caméra d'Elena Trapé ne quitte pas une seule seconde Irene, seule face à la nature, plongée dans ses souvenirs, au contact d'amis de passage ou encore, assez souvent, au téléphone avec son ex-conjoint et sa fille. Au demeurant, rien de saillant n'arrive dans Els encantats si ce n'est que l'on y voit une femme au bord de la crise d'angoisse, dont toutes les certitudes d'avenir ont pris l'eau. Aucune indication n'est donnée sur le le métier qu'exerce Irene, dont seul l'état psychologique semble intéresser la réalisatrice. Un manque volontaire dans un film qui parvient à retenir l'attention par la sobriété de sa mise en scène et, surtout, la qualité d'interprétation de Laia Costa, révélée en 2015 par Victoria et qui excellait également dans Cinco Lobitos, en attendant le prochain long-métrage d'Isabel Coixet.

 

 

Note : 6,5/10

 


30/12/2023
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L'escrime ne paie pas (Une affaire d'honneur)

 

Une affaire d'honneur, la quatrième réalisation de Vincent Perez, est un long-métrage tout à fait honorable mais qui, faute de profondeur, ne suscite qu'un intérêt poli. L'évocation du XIXe siècle presque finissant n'est pas mal du tout, juste un peu convenue peut-être, avec des personnages qui ont un potentiel dramatique mais que le scénario ne cherche pas véritablement à exalter d'un peu de fièvre. Tout parait bien sage, au milieu de duels qui assurent un côté spectaculaire au film, y compris dans son aspect soi-disant féministe, incarné par une Dora Tillier énergique mais qui a finalement peu de texte et de présence à défendre. L'escrime ne paie pas, se dit-on alors, dans cette succession de combats virils et pas toujours corrects. Outre l'écriture, c'est du côté de la mise en scène qu'il y a le plus à redire. L'ensemble reste quand même assez fade et les dialogues sonnent plus littéraires que réellement naturels. Roschdy Zem esr impeccable mais il n'a pas à forcer son talent, son rôle étant essentiellement physique, Vincent Perez s'étant glissé dans la peau d'un personnage volontairement antipathique. Le pire, en définitive, est que l'on a,un peu de mal à dire des choses positives d'un film qui fait un peu l'effet d'un coup d'épée dans l'eau, alors qu'il y avait sans doute beaucoup plus consistant à dire sur cette France d'entre deux guerres (celles de 1870 et de 1914).

 

 

Le réalisateur :

 

Vincent Perez est né le 10 juin 1964 à Lausanne. Il a réalisé 4 films.

 


29/12/2023
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Dans tes rêves (Dream Scenario)

 

Le réalisateur norvégien Kristoffer Borgli, auteur du récent et dérangeant Sick of Myself, n'a eu aucun mal à se colleter pour la première fois à la langue anglaise et au cinéma américain, au rayon des indépendants, avec Dream Scenario, bâti autour d'une idée de départ assez formidable. Le film s'impose comme un divertissement brillant et caustique, autour d'un intellectuel au demeurant assez falot, professeur qui enseigne à ses étudiants en quoi les rayures du zèbre sont une protection collective face aux prédateurs. Devenu un phénomène viral, suite à son apparition récurrente dans les rêves de ses concitoyens, l'homme se transforme en une sorte d'influenceur malgré lui, symbole d'une société assujettie au marketing et aux réseaux sociaux lesquels n'ont de cesse d'ériger la vacuité et le paraître en valeurs dominantes. Dream Scenario n'est pas pour autant un brûlot idéologique, évoquant au passage la versatilité de l'opinion publique et la culture de l'annulation, mais s'attachant plutôt à l'intimité d'un héros/victime de l'engouement des foules. A ce titre, sans doute peu inspiré pour terminer sa fable, Borgli gâche un peu la dernière partie de son long-métrage, alors qu'une conclusion plus audacieuse aurait dû prévaloir. Il n'empêche que Dream Scenario est un objet plus qu'estimable, bien écrit, dialogué et filmé, qui permet de constater que Nicholas Cage, perdu depuis longtemps dans des projets sans intérêt aucun, est bien toujours un acteur majeur.

 

 

Le réalisateur :

 

Kristoffer Borgli est né en 1985 à Oslo. Il a réalisé DRIB et Sick of myself.

 


28/12/2023
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Cerveau de porc (L'Innocence)

 

Qu'aurait donné L'Innocence si Hirokazu Kore-eda avait construit son film de manière traditionnelle et linéaire, sans recourir à un procédé à la Rashomon ? Sans doute aurait-il gagné en évidence dès le départ, et peut-être même en émotion, mais il aurait en revanche perdu de son mystère et d'un rapport ludique avec son public. Oui, la forme sophistiquée du long-métrage dissimule somme toute une histoire plutôt simple et touchante, qui ne se révèle que dans ses dernières minutes, mais on n'en tiendra pas trop rigueur au cinéaste, eu égard au plaisir qu'il nous concède, in fine, avec ce regard attentif et bienveillant sur l'enfance, qui est sa marque de fabrique. A travers le regard d'une mère puis d'un enseignant et l'exploration d'un milieu scolaire où l'on peut stigmatiser le comportement d'un élève, doté d'un "cerveau de porc" (sic), ou encore enregistrer le poids des rumeurs et la tenaille du harcèlement, Kore-eda se fait sociologue de son pays, sans virulence mais en ne cachant quelques unes de ses failles, y compris au sujet du tabou dont il est question de manière certes tardive mais néanmoins claire. L'Innocence n'est vraisemblablement pas le meilleur film de son auteur mais la richesse de ses personnages contribue à ne pas en sortir déçu, d'autant qu'il se situe dans la continuité d'une œuvre dont la cohérence ne cesse de se consolider au fil du temps.

 

 

Le réalisateur :

 

Hirokazu Kore-eda est né le 6 juin 1962 à Tokyo. Il a réalisé 16 films dont Nobody knows, Still walking et Une affaire de famille.

 


27/12/2023
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Maladroite au but (Une équipe de rêve)

 

31-0, c'est le score de la déculottée reçue par l'équipe de football des Samoa américaines contre l'Australie, un jour d'avril 2001, dans le cadre des phases de qualification pour la Coupe du monde. Après ce record mondial, reléguée à la dernière place des nations et toujours en attente de marquer un but dans les compétitions internationales, l'équipe se voit pour la première fois attribuer un entraîneur européen, en 2011, afin de remonter la pente et, pourquoi pas, gagner enfin un match. Cette histoire a déjà fait l'objet d'un documentaire qui a inspiré le réalisateur néo-zélandais Taika Waititi pour son nouveau film de fiction. Avec son humour bon enfant, Une équipe de rêve n'est pas qu'un long-métrage de sport, d'ailleurs plutôt bien filmé, mais une plongée dans la culture d'un territoire du Pacifique, avec une philosophie de vie assez éloignée de celle des pays occidentaux. Le film se veut un divertissement et réussit parfaitement dans son entreprise, avec quelques personnages assez pittoresques composant cette équipe peu ordinaire. Au-delà de la bonne humeur générale, le film montre aussi, sans insister, d'autres facettes moins roses des Samoa américaines comme la fuite constante de sa population la plus jeune qui ne peut trouver de débouchés pour son avenir.

 

 

Le réalisateur :

 

Taika Waititi est né le 16 août 1975 à Raukokore (Nouvelle-Zélande). Il a réalisé 8 films dont Boy et Jojo Rabbit.

 


25/12/2023
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Fantaisie tranquille (La fille de son père)

 

Après le très peu conventionnel Perdrix, Erwan Le Duc renouvelle sa palette de fantaisie avec La fille de son père, un deuxième essai moins burlesque et peut-être plus convenu, ne serait-ce que par son thème, mais néanmoins sympathique et planant toujours au-dessus du niveau moyen des comédies françaises. Le fond de l'air devrait pourtant être à la tristesse, avec une mère qui se carapate sans préavis et un père qui se retrouve Gros-Jean comme devant, avec un bébé dans les bras, mais s'il y a forcément de la mélancolie, la gaieté demeure la dominante, à mesure que l'enfant devient adolescente (jolie manière d'accommoder les ellipses temporelles, soit dit en passant). Erwan Le Duc semble se méfier du réalisme comme de la peste et il a bien raison de vagabonder dans un récit où la tendresse voisine avec l'incongru. Mais moins que dans Perdrix, insistons, de façon à nous préparer à une toute dernière partie de film peu concluante et finalement inutile. Reste un agréable papillonnage existentiel et une relation père/fille exquise, qui ne sa laisse pas perturber par l'usure du quotidien. Et au milieu, trône la folie tranquille de Nahuel Pérez Biscayart, qui tourne peu mais marque toutes ses rôles de son élégante empreinte.

 

 

Le réalisateur :

 

Erwan Le Duc est né le 27 avril 1977 aux Lilas. Il a réalisé Perdrix.

 


24/12/2023
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