Journal de La Rochelle (4)
La femme qui en savait trop (Shahed) de Nader Saeivar
Ceux et celles qui suivent le cinéma iranien de près ne seront pas dépaysés par La femme qui en savait trop, coécrit par Jafar Panahi et Nader Saeivar, son réalisateur. Néanmoins, on est toujours stupéfait et admiratif devant le courage manifesté dans des scénarios qui mettent en cause le régime et ses préceptes de plus en plus contestés. Comme le dernier long métrage de Saeed Roustayi, Woman and Child, mais aussi comme la plupart des films d'Asghar Farhadi, La femme qui en savait trop est une histoire d'engrenage, qui accule ici un personnage de vieille femme, seule contre tous, ou presque, en tous cas une communauté d'hommes, solidaires pour des raisons diverses, qui ont le plus souvent à voir avec la compromission ou la corruption. Avant le générique de fin, poignant, le film symbolise la liberté des femmes par la danse, sans contrainte ni hidjab. Manquant peut-être un peu de fluidité, si on veut lui chercher un défaut, La femme qui en savait trop est un nouvel acte de résistance dans une société qui semble se diriger vers sa nécessaire déchéance mais qui résiste encore par la menace et l'avilissement. Le cinéma iranien témoigne d'une évolution inéluctable avec ses moyens et sa capacité de toucher le public international, notamment à travers les festivals. Et là bas, le combat continue.
Un coeur pris au piège (The Lady Eve) de Preston Sturges, 1941
Preston Sturges a connu son pic de gloire de cinéaste entre 1940 et 1944 mais ce fut durant cette courte
période un feu d'artifice ininterrompu de merveilles. Un cœur pris au piège ou, si l'on préfère, The Lady Eve
en est une de taille, transcendée par le couple Henry Fonda/Barbara Stanwyck. Le premier, héritier
richissime et dadais de compétition est sidérant et la victime d'une multitude de maladresses qui
transforment parfois le film en slapstick. Le rythme du métrage va d'ailleurs crescendo, déconstruisant et
détruisant avec jubilation les fondations de la comédie américaine. Benêt qu'un au revoir semble dire une
Barbara Stanwyck proche du sublime à son partenaire, amoureux stupide (pléonasme ?). Une splendeur à
voir sur grand écran, cela va sans dire.
Qu'est-ce que j'ai fait pour mériter ça (Que he hecho para merecer esto) de Pedro Almodóvar, 1984
Il n'est pas inutile de revenir parfois aux sources des plus grands cinéastes, à l'occasion d'un festival, et de
découvrir une œuvre dont on n'est plus très sûr si on l'a vue ou non. Le quatrième long métrage de Pedro
Almodóvar, par exemple, est un film très intéressant d'un réalisateur qui maîtrise déjà son art, à part
peut-être dans la conduite de son récit, mais celui-ci, aussi foutraque soit-il, ne manque pas de charme.
Hommage au néo-réalisme italien et aux travailleurs vivant dans les HLM de la banlieue madrilène,
Qu'est-ce que j'ai fait pour mériter ça dresse un portrait de groupe avec ses excentriques en tous genres,
tout en cernant une femme de ménage au bord de la crise de nerfs, débordée et au désir d'émancipation.
Almodóvar y parle bagatelle crûment, à l'occasion, mais c'est la dérision et l'humour qui l'emportent, même
dans les scènes les plus scabreuses. Quant à Carmen Maura, elle est formidable.
A découvrir aussi
Inscrivez-vous au blog
Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour
Rejoignez les 51 autres membres