Cinéphile m'était conté ...

Cinéphile m'était conté ...

Une semaine à Angoulême (1)

 

La petite graine de Mathias et Colas Rifkiss

La petite graine, le premier long métrage de Mathias et de Colas Rifkiss, a été sélectionné au Festival du film francophone d'Angoulême et au FIFIGROT toulousain. À l'heure où ces lignes sont écrites, le film n'a pas encore de distributeur, mais il ne va pas tarder à en trouver un, à coup sûr. Au vu de son synopsis, trop explicite d'ailleurs, l'idée d'une comédie autour d'un sujet aussi grave peut faire craindre une dérive un peu graveleuse, ce qui n'est assurément pas le cas, même si les dialogues sont directs et les situations franches. C'est que le film, une fois son argument central plus ou moins épuisé, se reconvertit en quelque chose de plus profond, en forme d'anatomie du couple. Autour de l'impératif de l'enfant, "indispensable " pour une famille heureuse, le discours s'éloigne facilement d'un certain conformisme et emprunte des sentiers narratifs moins fréquentés. Les quatre acteurs principaux, dotés de physiques "normaux", qui permettent une identification immédiate, s'échappent, eux aussi, de leur profil initialement, et volontairement, légèrement caricatural. Ce n'est pas du Bergman, évidemment, et ce n'est pas le but, mais une œuvre à l'évidence très travaillée dans son écriture et qui s'autorise même quelques embardées, dans son atmosphère, via notamment des virgules sonores inattendues et bienvenues.

 

Les Invertueuses de Chloé-Aïcha Boro

Au FESPAC0 (Festival de cinéma et de télévision), à Ouagadougou, Les Invertueuses de Chloé-AÏcha Boro a suscité des réactions pour la plupart violentes. "Vous devriez avoir honte de montrer le désir d'une femme de 65 ans", a-t-on reproché, en substance, à lé réalisatrice burkinabé, qui avait mis plus d'un an pour trouver son actrice. Celle-ci, d'ailleurs, a dû quitter le pays. Ceci montre que l'émancipation féminine a encore bien des territoires à conquérir, et pas seulement en Afrique, bien évidemment. Ceci dit, l'autre personnage principal du film, une jeune fille à la recherche de son identité, n'a sans doute pas beaucoup plû, non plus, aux contempteurs des Invertueuses. Cette relation entre l'adolescente et sa grand-mère amoureuse reste cependant la plus belle idée du long métrage, auquel on reprochera principalement une lenteur trop marquée qui amenuise l'impact de certaines scènes, pourtant très belles. Sur un autre plan, la cinéaste évoque assez clairement le péril constitué par les groupes armés islamistes et un état de guerre presque permanent qui met en suspens la démocratie. Il faut du courage pour tourner et présenter un tel film dans "le pays des hommes intègres" où être une femme libre, quel que soit l'âge, paraît relever de la plus pure utopie, hélas.

 

La Poupée de Sophie Beaulieu

Berlanga, avec l'étonnant Grandeur Nature, et Kore-eda, avec le décevant Air Doll, font partie, parmi d'autres, des cinéastes qui ont mis au premier plan le personnage symbolique de la poupée gonflable. Sophie Beaulieu n'a pas encore l'aura de ces deux réalisateurs, mais elle n'a pas hésité à empoigner le sujet, tout en l'incluant dans une réflexion plus large sur le couple et le statut social des célibataires dans le monde du travail et, plus prosaïquement, au sein de leur famille. Attention, c'est une comédie, et même romantique, en l'occurrence, qui a pour premières vertus de ne pas se prendre trop au sérieux et de prétendre surtout à nous divertir. Mission plutôt réussie dans l'ensemble, avec une fantaisie de bon aloi, un joli sens de l'absurde et même une dose légère de fantastique. Les dialogues sont ciselés et souvent très directs, voire triviaux, en tout cas délectables, à quelques exceptions près, les situations sont croquignolettes et le rythme soutenu pendant 80 minutes. Mais le plaisir vient avant tout des interprétations, avec un Vincent Macaigne parfait dans l'ébahissement, mais d'abord une Cécile de France de compétition et adorable et une Zoé Marchal, la fille d'Olivier, qu'on aimerait certainement voir bien plus fréquemment au cinéma, à l'avenir. C'est une poupée à laquelle on dit oui, oui, oui.

 

 

 



26/08/2025
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