Cinéphile m'était conté ...

Cinéphile m'était conté ...

Y'a de l'Arrageois ! (4)

 

Il fallait bien que cela arrive : oui, je n'ai vu que 4 films aujourd'hui et non, ils n'étaient pas au même niveau que ceux des jours précédents. Mais c'était bien quand même !

 

Made in Bangladesh, Rubaiyat Hossain, Bangladesh, sortie le 4 décembre

 

 

L'histoire de Made in Bangladesh a déjà été racontée au cinéma mais c'était dans un autre pays (l'Angleterre, par exemple) et à une époque différente. Il y est question de travailleuses exploitées qui découvrent la solidarité et se heurtent à toutes les difficultés possibles pour défendre leurs droits en se syndiquant. Et ce, dans une société patriarcale où s'exprimer en tant que femme est déjà un crime de lèse-autorité. L'air est connu, oui, mais la chanson prend de nouvelles couleurs dès lors que Made in Bangladesh nous parle d'aujourd'hui, dans un contexte de mondialisation qui donne encore plus de poids au contexte du monde du travail, en particulier dans l'industrie textile, dans un pays symbole du sud-est asiatique. Le fil narratif du film est simple mais très efficace avec une héroïne qui décide de ne plus se laisser faire et qui entraîne les autres autour d'elle. Conditions de travail dans l'atelier, difficultés avec un mari dont le pouvoir est sapé, tracasseries administratives de toutes sortes : le chemin est long et dangereux. Made in Bangladesh, outre le réalisme de son récit, réussit parfaitement à lui donner un caractère romanesque, suscitant l'adhésion sans faille du spectateur. "Nous sommes des femmes. Fichues si l'on est mariée. Fichue si on ne l'est pas.", déclarent-elles ! Oui, mais aussi des combattantes qui veulent changer leur monde. Si seulement le message de Made in Bangladesh pouvait le faire avancer un peu le notre !

 

La communion (Boze Cialo), Jan Komasa, Pologne, sortie le 5 février 2020

 

 

L'histoire est incroyable mais vraie. En Pologne, un garçon de 19 ans, censé travailler dans une menuiserie en guise de réhabilitation après un crime, a remplacé pendant plusieurs semaines un prêtre de campagne y compris lors des offices religieux. Cette affaire d'imposture est racontée dans La communion par Jan Komasa, réalisateur polonais qui s'est imposé en deux films seulement, avec une efficacité remarquable, en mettant l'accent sur le charisme de son personnage interprété avec un réalisme presque inquiétant par le jeune Bartosz Bielenia, sûrement une graine de star. Loin d'être un brûlot contre la religion, La communion s'immisce dans une petite communauté avec subtilité, montrant de quelle manière ce faux homme d'Eglise parvient à se faire accepter voire même à fasciner lors de ses prêches. Plus intéressant encore, le film rend très complexe la psychologie de l'imposteur, partagé entre sa nature violente, son désir de rédemption et son excitation à tenir une population en son pouvoir. Remarquablement rythmé, non dénué d'humour corrosif, La communion est un film hautement recommandable, urbi et orbi.

 

When the trees fall (Koly padayut dereva), Marysia Nikitiuk, Ukraine

 

 

When the trees fall, de l'ukrainienne Marysia Nikitiuk, est le prototype même du premier film où l'auteur(e) souhaite démontrer son talent, quitte à en faire des tonnes pour qu'il n'y ait aucun doute. Faisons l'état des lieux : When the trees fall est assez souvent hystérique, se nimbe d'un onirisme vaporeux dès que possible, ne rechigne pas à être crû en matière de sexe et adopte une narration confuse où plusieures intrigues se mêlent sans que l'une d'entre elles ne prenne la première place. A priori, le film est censé être une histoire d'amour entre une jeune femme rebelle et un jeune ténébreux, très voyou. Quant à l'homme que l'héroïne doit épouser, il est laid, falot et stupide. Mais de digressions en envolées esthétisantes, le film ne parvient jamais à capter l'attention, malgré sa vaine tentative de se référer à Tchekhov, Zviaguintsev et Tarkovski, entre autres références plus ou moins avouées. Le film a été présenté à la Berlinale en 2018 mais n'a fait que relativement peu d'apparitions dans d'autres festivals et il n'est pas sorti ailleurs qu'en Ukraine. Sans vouloir accabler sa réalisatrice, quelqu'un pourrait peut-être lui suggèrer un peu plus de simplicité pour son prochain long-métrage ?

 

Lillian, Andreas Horvath, Autriche, sortie le 11 décembre

 

 

Comme pourraient le dire certains cuistres : Lillian est une singulière proposition cinématographique. L'histoire de Lillian Helling, qui dans les années 1920 a tenté de rentrer en Russie à pied en partant de New York, hantait le réalisateur autrichien Andreas Horvath depuis des années. Le tournage et le montage de son film ont finalement pris plus de 3 ans pour un résultat qui laisse à la fois fasciné et frustré. Le film ne raconte pas le véritable périple de Lillian mais s'en est inspiré pour imaginer un voyage de part en part dans les Etats-Unis d'aujourd'hui d'une autre jeune femme dont on ne saura rien de la vie, si ce n'est qu'elle est russe et ne parle pas anglais, ce qui explique qu'elle ne prononce pas un mot pendant plus de deux heures, hormis lors de la scène d'ouverture. C'est un drôle de pays que traverse Lillian, comme désincarné, une Amérique profonde laissée à l'abandon et désertée. La manière dont la jeune femme survit et se nourrit ne ressort pas d'un réalisme forcené mais a quelque chose de sublime dans son obstination. Patrycja Planik, son interprète, qui est omniprésente, réussit à faire passer le sentiment de l'absence et de l'invisibilité au milieu de paysages parfois grandioses. Reste que le film a parfois des allures de reportage de National Geographic et que ses digressions (la chasse à la baleine) interrogent sur le message que le réalisateur souhaitait faire passer.

 



11/11/2019
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