Cinéphile m'était conté ...

Cinéphile m'était conté ...

Les tribulations d'un cinéphile à La Rochelle (7)

Scènes 19 à 21 :
Vers le sud


Cours des dames, un peu avant 9 heures du matin. Des effluves marin(e)s chatouillent les narines des promeneurs. En route vers la Coursive. La programmation du jour n'est pas encore affichée, le café va bientôt ouvrir, les premiers festivaliers rôdent comme des prédateurs dans l'attente de dévorer 3, 4 ou 5 films dans la journée. Pour moi, entre le Portugal, le Sénégal et la Grèce, ma boussole indiquera résolument le sud.

Avec la séance de 10h30, c'est quitte ou double. Un film moyen ne pourra rien contre l'endormissement progressif du spectateur. Joao Canijo est encore méconnu en France, en dépit d'une réputation grandissante. La Rochelle lui rend hommage avec l'intégralité de son oeuvre et notamment son dernier film, Liens de sang qui pourrait bien, si des distributeurs osent le sortir en salles, devenir un film culte. Après une première heure exigeante, au cours de laquelle Canijo explore une cellule familiale, dans laquelle on se perd quelque peu, le cinéaste resserre l'action sur deux intrigues : un amour fou et une histoire de dealer en mauvaise posture. Avec un sens du cadre prodigieux (il n'est pas rare de suivre deux conversations en même temps), des travellings ondoyants au coeur d'une mise en scène chamarrée et brillante, le réalisateur portugais donne à son scénario une intensité qui dépasse de loin sa valeur intrinsèque. Un peu comme si James Gray filmait Plus belle la vie. Avec tous les ingrédients du drame romantique et du film noir, mais sublimés par une audace et un sens de l'excès qui dépassent parfois la mesure, dans une scène finale d'humiliation féminine particulièrement glauque. Le film fait aussi penser par sa densité et sa puissance, dans sa description d'une ambiance familiale entre tendresse et violence, à Animal Kingdom. Au total, 2 heures 20 de cinéma qui prennent aux tripes.

Ne pas sortir Liens de sang sur les écrans français serait criminel.

Avant la projection d'Aujourd'hui, son réalisateur, Alain Gomis, amuse les spectateurs en espérant "qu'ils aimeront le film et qu'il présente ses excuses à ceux qui ne l'aimeront pas." J'accepte volontiers les excuses car je me suis positivement ennuyé. Il s'agit de la dernière journée d'un homme encore jeune qui sait qu'il va mourir la nuit suivante. Tout Dakar est au courant et lui présente ses condoléances. De cette trame originale, Gomis ne fait pas grand chose, son héros allant de rencontres en rencontres dans une longue promenade en ville. Le film est censé être une dérive poétique et un voyage intérieur, mais, hélas, on voit surtout les intentions et rien de bien consistant à se mettre sous la dent.
Sortie : en novembre ou en janvier prochains.


Tout à fait autre chose avec Unfair World du grec Filippos Tsitos. Une vague trame policière sert de prétexte à l'évocation de la rencontre entre deux grandes solitudes,celles de deux quadragénaires : un flic désabusé et alcoolique et une femme sans métier ni sentiments fixes. Mais l'intérêt vient du style du film, démarquage étonnant de l'univers de Kaurismäki. A ce point-là, c'est du mimétisme, voire un copier-coller dans la Grèce d'aujourd'hui. Mine de rien, c'est très réussi : humour absurde, personnages secondaires à trognes invraisemblables, longs silences entre des dialogues surréalistes. Une curiosité qui finit par emporter l'adhésion, en grande partie grâce à la qualité de l'interprétation.
A découvrir vraisemblablement en salles au début de 2013.


Demain : un Walsh (quand même !), et deux avant-premières, toujours orientées côté sud, Espagne et encore Portugal.

A suivre, au fil(m) de l'eau.



06/07/2012
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