Les tribulations d'un cinéphile à La Rochelle (2)
Scènes 2 à 5 :
Un tigre dans le moteur
Il n'y a pas que le cinéma dans la vie, il y aussi les films. Après une nuit médiocre, le petit-déjeuner/brunch m'a requinqué (en plus, il permet de se constituer un stock pour le dîner du soir). Quatre petits bonheurs m'attendaient ce matin : un labrador qui me regardait amoureusement derrière sa fenêtre, tandis que je lisais les journaux ; une conversation avec le meilleur vendeur de DVD de La Rochelle et une cliente, à laquelle j'ai forcé la main pour acheter Dans ses yeux ; une autre conversation avec Karine, la propriétaire de l'hôtel de la Paix, qui a vécu de nombreuses années à Caracas et qui me fait furieusement penser à une actrice, genre Marianne Basler, mais en brune. Enfin, dernier plaisir avant d'entrer en salles, 9 huitres, du pain beurré et un petit verre de rosé pris à proximité du vieux port.
J'ai commencé avec Régénération, le plus vieux Walsh existant, 1915, dans le cadre d'un ciné-concert. Assez daté, c'est le moins que l'on puisse dire, ce mélo qui a quand même 97 ans d'âge. N'empêche que Walsh savait déjà filmer les bagarres comme personne (si, John Ford).
Ensuite, ce fut donc Holy Motors de Leos Carax, qui sort mercredi prochain, revenu bredouille de Cannes, ce qui n'est pas loin d'être un scandale. Il a mis un tigre dans son moteur, le réalisateur maudit du cinéma français, avec ce film indescriptible qui évoque le cinéma, les actrices, sa propre existence, la vie, la mort et une multitude de thèmes qu'il faut deviner tant Carax s'amuse à brouiller les pistes. C'est une sorte de suite de sketches où Denis Lavant, génial, change sans cesse de déguisement et se retrouve dans des situations invraisemblables qui font partie de son prétendu métier. Il y a du fantastique, du réalisme, de l'érotisme (Eva Mendes), du drame (Kylie Minogue), et du ludique, beaucoup, avec des scènes saugrenues ou carrément burlesques. Le film monte en puissance au fil des scènes et se termine en apothéose. Il est fortement conseillé de laisser son cartésianisme au vestiaire. C'est assez jouissif et mérite au moins 2 (3 ?) visions. Un Carax décomplexé, déconcertant, délirant. Une expérience vrombissante, à l'affiche dès le 4 juillet. J'y reviendrai. Ah oui, Edith Scob y est formidable aussi.
Retour à un cinéma "normal" avec Le jardin d'Hanna de Hadar Friedlich, un film israélien inédit en salles. Le portrait d'une responsable de kibboutz à la retraite, qui se découvre inutile et dépassée par les mentalités nouvelles. Sympathique, mais très sage dans la forme. On peut s'en passer.
Enfin, découverte d'un des films du cycle Teuvo Tulio, le roi du mélodrame finlandais. La croix de l'amour est la sombre histoire de la fille d'un gardien de phare qui découvre la grande ville, la lâcheté des hommes, la prostitution, etc. Cela se termine très mal, cela va sans dire. Un mélo au premier degré, avec une outrance éhontée dans l'interprétation qui ne saurait faire oublier un sens de l'image remarquable et des contrastes du noir et du blanc, dignes du Bergman des premiers films (Musique dans les ténèbres, par exemple). Nous étions une dizaine dans la salle, dont l'un des responsables du célèbre (et défunt, je crois) Festival du cinéma nordique de Rouen, qui connait quasiment toute l'oeuvre de Tulio.
Au programme demain : trois avant-première du Brésil, de Roumanie et du Chili, ainsi qu'un nouveau Tulio, dont le titre m'enchante : Le rêve dans la hutte bergère.
A suivre, au fil(m) de l'eau
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