Cinéphile m'était conté ...

Cinéphile m'était conté ...

Vu à Angoulême (1)

 

Une belle course de Christian Carion, sortie le 21 septembre

Rien de mieux qu'un taxi pour inspirer des scénaristes et leur faire imaginer les rencontres les plus improbables. Sans Une belle course, une dame âgée de 92 ans, en route vers la maison de retraite, se plonge dans ses souvenirs sous l'oreille plus agacée qu'attentive de son chauffeur de taxi mais il est aisé de deviner que le contact va s'établir, à un moment ou à un autre. De l'habitacle de la voiture, le film s'échappe assez souvent vers des flashbacks qui racontent une existence presque entière, tout du moins ses événements les plus marquants et il y en a eu un certain nombre dans la vie de celle qui n'a pas toujours été une vieille dame. C'est l'occasion de revisiter les années 50, notamment, qui ne furent pas si glorieuses que cela, pour des femmes qui dépendaient entièrement et légalement de leur mari. Plutôt bien écrit, bien que relativement terne dans ses dialogues, Une belle course n'impose heureusement pas de chantage à l'émotion, à l'exception peut-être de son dénouement, un brin téléphoné et lacrymal. Dany Boon, dans un rôle plutôt passif, s'en tire avec plus que les honneurs, laissant la part belle à une Line Renaud parfaitement en phase avec son personnage (Alice Isaaz mérite aussi d'être citée). C'est vrai qu'il se dégage quelque chose de naturel et d'évident dans la relation entre les deux acteurs principaux. Et c'est ce qui devrait assurer au film de Christian Carion un beau succès public même si la mise en scène manque tout de même sérieusement d'éclat.

 

Annie colère de Blandine Lenoir, sortie le 30 octobre

De Blandine Lenoir, l'on se souvenait de Aurore, un bel hymne à l'émancipation féminine. Annie colère est dans la même veine, mais avec une charge historique puissante, puisqu'il y est question de l'organisation mise en place par le MLAC (Mouvement pour la liberté de l'avortement et de la contraception), un an avant le vote de la loi Veil. Un film comme un hommage à ces militantes de terrain (accompagnées de quelques médecins) qui ont combattu contre les avortements clandestins, en attendant une législation qui tardait à venir. A la fois réaliste et très bienveillant, Annie colère réussit à incarner une mission collective et un esprit de corps jamais pris en défaut, à travers l'itinéraire d'une femme, simple utilisatrice des moyens mis à disposition par le MLAC, avant d'y trouver une raison de vivre et une vocation. Pédagogique, le film revendique cet aspect et il serait malvenu de le lui reprocher, tellement cette époque qui remonte à près de 50 ans, est aujourd'hui très mal connue, femmes et hommes confondus. Un petit bémol quand même : une exposition des faits un peu trop longue et quelques répétitions, qui servent cependant à enfoncer le clou. Laure Calamy joue une mère de famille qui se métamorphose sous nos yeux et elle réussit à nous épater, cette fois encore, avec un casting de choix à ses côtés : Zita Hanrot, India Hair et Eric Caravaca, entre autres. De même que L’Événement, dans une mise en scène moins chiadée, sans doute, Annie colère peut être considéré comme un film ô combien utile, sans qu'il n'y ait absolument rien de péjoratif dans ce terme, tout au contraire.

 

Noémie dit oui de Geneviève Albert, Sortie le 29 avril

Kelly Depeault a été choisie d'emblée, sans l'épreuve du casting, tellement sa réalisatrice, Geneviève Albert, avait la conviction immédiate qu'elle serait l'interprète idéale de Noémie dit oui, malgré la difficulté du rôle, inhérente à son sujet : la prostitution des mineures (l'âge moyen d'entrée dans le "métier" est de 15 ans, au Québec). La jeune actrice est effectivement époustouflante dans un film qui a dû se révéler éprouvant pour elle (quel contraste avec son enthousiasme presque enfantin lors de la présentation du long-métrage au Festival francophone d'Angoulême !). Il fallait bien une comédienne aussi inspirée et confiante dans sa cinéaste, pour une histoire très réaliste, avec cette adolescente délaissée par sa mère et "consentante" au sexe tarifé, pour l'amour d'un garçon, malgré son dégoût initial. Une comédienne remarquable mais aussi une mise en scène de grande qualité, y compris dans les moments les plus glauques, à l'opposé de l'érotisation malsaine que l'on constate assez souvent dans le traitement d'un tel sujet. A travers Noémie dit oui, la question d'un prétendu consentement, plus forcé que voulu, est posée avec une grande acuité. Le film est brillamment réalisé, ni pudibond ni voyeur, avec en contrechamp le Grand Prix de Formule 1 de Montréal, moment de défoulement caractérisé d'une certaine population masculine, sur et hors du circuit.

 



25/08/2022
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