Vu à La Rochelle (2)
Une journée à 4 films. J'ai décidé de ne pas aller au-delà et même de me limiter à seulement 2 et 3, comme les deux prochains jours. Loach, Palmason et le letton Kursietis étaient à mon programme. De même qu'un premier Sjöström.
A white, white Day, Hlynur Palmason, sortie le 29 janvier 2020.
Petite inquiétude pendant les premières minutes de A white, white Day, le deuxième film de Hlynur Palmason après le très étrange Winter Brothers. L'entame du film est très symbolique et n'annonce en rien la narration rugueuse qui va venir. Une histoire de deuil, de vengeance ou de résilience, l'on ne sait pas encore trop mais cela ne sera pas dans un registre hollywoodien, c'est une certitude. Le film ne cherche pas du tout à séduire avec son héros tourmenté par une jalousie tardive et plus taciturne qu'un glacier islandais. L'acteur qui l'interprète, Ingvar Sigurdsson, que l'on connait bien, est d'ailleurs tout à fait prodigieux. Le côté abrasif de A white, white Day est heureusement atténué par la très belle relation entre le personnage principal et sa petite-fille, une gamine extraordinaire dont l'intelligence intuitive compense la lourdeur des machos qui l'entourent. Moins chiadé et arty que Winter Brothers, beaucoup plus accessible et surtout extrêmement émouvant in fine, le deuxième long-métrage de Palmason est à l'image des paysages islandais : rude et parfois austère mais très beau, à condition que le climat soit apaisé.
Sorry we missed you, Ken Loach, sortie le 23 octobre.
Jusqu'à ses derniers instants de cinéaste, Ken Loach n'en démordra pas et continuera d'enfoncer le clou avec opiniâtreté contre les ravages du libéralisme. Pour autant, le cinéaste anglais ne tourne jamais le même film, s'ingéniant à faire le portrait d'hommes et de femmes qui luttent pour exister dans un système où la loi du plus fort et du plus riche ne fait pas de quartiers. La petite famille de Sorry we missed you est typiquement loachienne presque jusqu'à la caricature, dominée par deux figures féminines, les plus sensées, les plus bienveillantes et certainement les plus courageuses : la mère, admirable, et sa fillette, qui l'est tout autant. La dernière partie du film, suite d'avanies dramatiques est un peu trop chargée et rappelle que ces dernières années Loach a souvent la main un peu lourde et démonstrative (voir Moi, Daniel Blake). Mais bon, on peut l'exonérer de ces pesanteurs au vu de la grande humanité qui se dégage de Sorry we missed you. Et si sa mise en scène brille moins qu'à l'époque de ses plus grands films (en gros dans les années 90), ses scénarios ont toujours non seulement du sens mais ne lâchent pas prise, socialement parlant. C'est ce qui s'appelle avoir de la constance et une conscience qui ne baisse pas la garde.
Oleg de Juris Kursietis, sortie le 30 octobre.
Comment peut-on être letton dans l'Europe d'aujourd'hui ? Autant dire personne ou presque, boucher anonyme dans une usine belge, comme Oleg dans le deuxième long-métrage éponyme de Juris Kursietis. Le migrant dont parle le cinéaste letton ne vient pas d'un autre continent mais bien de l'autre bout de l'Europe et sa situation n'en est pas moins précaire et ses capacités d'évolution proches de zéro pour peu qu'il tombe dans certains pièges. Oleg pourrait être un film des frères Dardenne, dans la forme, réalisme et caméra à l'épaule, et dans le fond. Kursietis semble pourtant hésiter entre plusieurs registres : psychologique, avec la quête identitaire de son personnage principal ; nerveuse, en adoptant certains codes du film noir mais n'en épousant pas vraiment le rythme. Un peu assis entre deux chaises, doté pourtant d'une écriture sèche et efficace, Oleg s'en remet un peu trop facilement à un symbolisme libérateur qui s'exprime notamment par une voix off, heureusement assez peu présente, et des images aquatiques bien convenues. Voici un film intéressant et éclairant par ce qu'il montre mais au cheminement narratif finalement sage et attendu.
Le vent, Victor Sjöström, 1928
Une projection sur grand écran et accompagné au piano, voilà qui assurément donne du souffle à un film muet qui n'en manque pas : Le vent de Victor Sjöström. On a dit avec raison que le film marque une rencontre épique : celle du cinéma européen avec les grands espaces américains. Jamais en tous cas, cette synthèse impossible ne s'est aussi bien matérialisée. Evidemment, c'est aussi l'un des derniers très grands films de l'époque du muet avant que le parlant n'emporte tout sur son passage. Après cette symphonie lyrique du nouveau monde, Sjöström ne retrouvera plus la main. Quant à Lilian Gish dont le visage de tragédienne illumine le film, elle ne reviendra vraiment à l'écran que dans les années 40.
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