Cinéphile m'était conté ...

Cinéphile m'était conté ...

Vu à Angoulême (6)

Le bleu du caftan de Maryam Touzani, sortie en 2023

Maryam Touzani et Nabil Ayouch partagent vie commune et collaborations à l'écriture des films de chacun. Le bleu du caftan est son projet à elle, depuis le départ, qu'elle réalise avec une délicatesse et une sensibilité déjà bien présentes dans son superbe premier long-métrage, Adam (les films de son mari sont en général bien plus musclés). Le bleu du caftan est un film à trois personnages, seulement, entre un homme qui cache son homosexualité, son épouse dont la maladie progresse et un jeune apprenti qui représente le symbole de la transmission dans l'art de la confection de caftans. C'est un film sur l'amour du métier d'artisan et sur la tendresse entre les êtres, qui passe parfois par une entente intime qui ne regarde pas le monde extérieur et que la réalisatrice nous invite à comprendre par petites touches. La texture des tissus dans l'atelier, les grains de peau dans le hammam, le suc des mandarines sur la langue à la maison ; trois lieux suffisent pour donner beauté, calme et volupté à un film gorgé de sensualité, qui prend infiniment de temps pour suggérer, montrer et donner un plaisir à la fois esthétique et sensoriel au spectateur, dans un climat tempéré d'acceptation des différences. Au plus haut niveau de son jeu d'actrice, Lubna Azabal livre une prestation incroyable, sans pour autant tirer la couverture à elle face à ses excellents partenaires masculins.

 

Simone, le voyage du siècle d'Olivier Dahan, sortie le 12 octobre

Simone Veil est une icône du siècle dernier, un symbole infrangible de l'humanisme par ses combats pour la dignité, elle qui a connu l'inhumanité la plus monstrueuse avec le camp d'Auschwitz et les disparitions de nombreux membres de sa famille. Initié par Elsa Zylberstein, qui l'a connue, le projet de raconter sa vie est devenu un film réalisé par Olivier Dahan (La Môme, Grace de Monaco), ce qui n'incitait pas nécessairement à une grande confiance. Plutôt que de biopic, le réalisateur préfère parler de portrait d'une femme remarquable dans son époque. Inutile de jouer sur les mots, Simone, le voyage du siècle est bien un exercice qui tend à l'exhaustivité, ce qui est rigoureusement impossible en 2 heures 20, dans une sorte d'hagiographie sans retouches qui noie son côté hélas édifiant, en jonglant sans cesse d'une époque à une autre, sans que cela ne réponde à une véritable justification. Ainsi, la loi Veil est inexplicablement expédiée en quelques minutes, au fil de scènes rapides et bien peu inspirées. Ses luttes en tant que magistrate, sa carrière politique, son action européenne se trouvent mélangées à sa vie de famille et aux tragédies qu'elle a subies, le tout dans des reconstitutions qui sonnent rarement justes. Les parties consacrées aux camps de concentration, la plupart du temps insoutenables, montrent que leur représentation est décidément quelque chose de quasi impossible au cinéma et l'insistance du film sur l'horreur frise l'obscénité. Que dire des actrices qui incarnent Simone Veil, à différents moments de son existence ? Elsa Zylberstein et Rebecca Marder sont à la hauteur, c'est indéniable. En revanche, le défilé d'acteurs connus dans les rôles secondaires se révèle vite agaçant, comme s'il fallait absolument montrer la richesse du casting. En fin de compte, un documentaire avec une chronologie respectée resterait la meilleure façon de rendre hommage et de comprendre le cheminement de cette grande dame du XXe siècle.

 

Mes préférences angoumoisines :

1. Dalva

2. Annie colère

3. De grandes espérances

4. Noémie dit oui

5. Le bleu du caftan

 



30/08/2022
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