Cinéphile m'était conté ...

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Vu à Alès (4)

 

Un jeune chaman de Likhagvadulam Purev-Ochir

Sur le thème de : comment vivre son adolescence et envisager l'avenir à Oulan-Bator, Un jeune chaman complète et se différencie du récent Si seulement je pouvais hiberner. Le premier film de Lkhagvadulam Purev-Ochir trace le portrait de Zé, lycéen de 17 ans, dans son activité très particulière de chamane, pour lequel il endosse la personnalité de "grand-père esprit" aux yeux des autres. Une double vie, symbole d'une Mongolie en pleine révolution, entre tradition et modernité, comme le veut le cliché, dans un pays où le nomadisme pastoral disparaît peu à peu au profit d'une sédentarisation périurbaine synonyme de précarité. Le long-métrage évoque l'éducation (rigoriste, voir une scène de classe saisissante), l'ostracisme, l'alcoolisme et l'exil, entre autres thèmes marquants. Le film laisse souvent le champ libre au spectateur, privilégiant les ellipses et les interprétations possibles, sans pour autant paraître nébuleux ou opaque, au gré d'un rythme lancinant qui fascine et emporte entre réalisme et onirisme. Ce ne sont pas les grands espaces qui sont montrés, avec une grande sensibilité, dans Un jeune chaman, mais bien les frontières des possibles pour une génération entière aux prises avec les injonctions d'une société et les incertitudes du futur.

 

Niagara de Guillaume Lambert

Niagara -rien à voir avec le célèbre film de Henry Hathaway, avec Marilyn- est constitué en grande partie d'un road trip où deux frères vont en rejoindre un troisième, à la suite de la mort de leur père. Le deuil, au cinéma, est souvent prétexte à décrire les retrouvailles de familles éclatées et le film de Guillaume Lambert ne fait pas exception à la règle, y ajoutant quelques rencontres pittoresques, en route vers les funérailles. L'on retrouve, peu ou prou, le goût du cinéma québecois pour manier l'absurde, la mélancolie, l'humour et la tendresse, dans un cocktail que l'on qualifiera ici de pas désagréable du tout mais nullement flamboyant, non plus. La faute à un faux rythme, à un sujet qui s'étiole progressivement, à une interprétation un peu neutre et à des dialogues moins brillants qu'espéré. Niagara est un film en demi-teinte, qui hésite peut-être entre plusieurs directions et qui est surtout victime du manque d'envergure de ses personnages, les 3 rôles principaux étant masculins. D'ailleurs, le film s'anime et devient meilleur dès qu'une femme apparaît et vient quelque peu bousculer l'univers un peu tristounet de ces trois frères aux caractères dissemblables dont le point commun semble être une certaine fadeur.

 

Le mal n'existe pas de Ryûsuke Hamaguchi

Dans Le mal n'existe pas, alors même qu'il ne s'agit sans doute pas de son long-métrage le plus excitant, Ryûsuke Hamaguchi parvient à une sorte de maîtrise comparable à celle de Zviaguintsev, Mungiu ou Ceylan, à leur zénith. Le cinéaste japonais nous impose la patience dans des premières scènes contemplatives qui prendront une autre dimension dans la dernière partie du film et nous apprend, d'une certaine manière, qu'avec des "si", on coupe du bois. Plus concrètement, Le mal n'existe pas confronte deux manières d'envisager le temps et, partant, deux philosophies de vie, d'une part agitée et pragmatique, en milieu urbain, d'autre part naturelle et sensée, à la campagne. Une version nouvelle du rat des villes et du,rat des champs, subtile, poétique, mystérieuse, voire même opaque dans le dénouement déconcertant du film. Aucune scène, aussi longue soit-elle, n'y est gratuite, et un humour léger accompagne ce voyage en des terres qui semblent bien incongrues aux habitants de la capitale japonaise, sidérés par la connexion des ruraux à un rythme d'existence qui dépasse leur entendement. Le mal n'existe pas a des allures de fable, parfois insaisissable et toujours inattendue, qui confirme l'importance de Hamaguchi dans une caste assez réduite de réalisateurs contemporains qui poursuivent leur route en toute indépendance, sans pour autant ignorer le monde tel qu'il évolue et sur lequel ils jettent un regard ironique et quelque peu malicieux.

 



27/03/2024
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