Cinéphile m'était conté ...

Cinéphile m'était conté ...

Ici, c'est Arras (10)

 

Clap de fin avec le meilleur film de la compétition (polonais), mais aussi le pire (néerlandais) et le dernier Lelouch, en sa présence.

 

Becoming Mona (Kom hier dat ik u kus) de Sabine Lubbe Bakker et Niels van Koevorden

Dans Becoming Mona, film néerlandais réalisé avec des acteurs belges s'exprimant en flamand, tous les proches de l'héroïne (Mona, donc) font preuve d'un égoïsme exacerbé et se manifestent régulièrement en vitupérant. Le film multiplie les scènes d'hystérie, sans raison valable souvent, avec des cris insupportables et aucun chuchotement, hélas. De l'enfance à l'âge adulte, la vie de la douce Mona ressemble au calvaire que vit le spectateur embarqué dans des enjeux qui ne sont que partiellement explicités. Pourquoi tel ou tel moment est-il privilégié, après quelques ellipses plus ou moins heureuses, c'est le choix subjectif des deux coréalisateurs qui semblent lorgner, peu ou prou, le cinéma de Bergman, sans avoir son talent et son intensité, cela va sans dire. Becoming Mona se veut impressionniste et impressionnant par son déballage émotionnel mais comment réagir face à une telle accumulation d'instants d'agitation sans lesquels le long-métrage ne serait qu'une coquille vide ? Le personnage de Mona, souvent muet, tour à tour consolateur puis accusé, est très énervant, du genre presque apathique et que l'on aimerait secouer pour lui faire quitter son environnement puissamment toxique. Autant dire que le film est aussi bien un soulagement pour ce qui la concerne que pour le spectateur, mis K.O par tant bruit et de fureur.

 

Leave not Traces (Zeby nie bylo sladow) de Jan P. Matuszynski

Varsovie, 1983. Le fils d’une militante proche de Solidarnosc est battu à mort par la police. Le chemin jusqu'au procès sera long et émaillé de tout l'attirail cynique du régime de Jaruzelski : faux témoignages, pression et menaces diverses, recherche de coupables imaginaires, etc. C'est bien entendu d'une histoire réelle que s'inspire Jan P. Matuszynski dans Ne pas laisser de traces (de marques, aurait été plus juste), un film puissant et incroyablement dense qui ne laisse rien de côté concernant les manipulations des autorités, d'une part, et le calvaire vécu par la mère de la victime et par le témoin principal, un garçon de 24 ans, d'autre part. Une véritable immersion dans la Pologne des années 80, conduite à la manière des meilleurs thrillers américains des années 70, signés Lumet ou Pakula, par exemple. Mais il n'y a pas que le suspense, permanent, ni que l'atmosphère, poisseuse à souhait : Ne pas laisser de traces est un grand film politique qui montre comment un régime dictatorial, qui contrôle la vie des citoyens, fait exploser les familles les plus soudées, à coup de chantages et de révélations plus ou moins fabriquées. Le film, exempt de longueurs malgré sa durée de 2h40, réussit le prodige de rester toujours clair malgré la complexité des différentes intrigues et le nombre imposant de personnages. Celui qui touche le plus, d'ailleurs, n'est pas toujours central, bien qu'il s'agisse de la mère de la victime, poétesse de son état et opposante déclarée. L'actrice qui la personnifie, tout en douce subtilité, incarne à la perfection ces incorruptibles que l'on aime voir au cinéma, face à des éléments presque tous contraires. Et il faudra trembler jusqu'à la fin pour cette amoureuse de la liberté et de la vérité, et savoir si, oui ou non, elle pourra résister à la tempête et obtenir enfin justice pour le meurtre de son fils.

 

L'amour c'est mieux que la vie de Claude Lelouch

Covid ou pas, avec ou sans masques, Lelouch ne change guère, avec un cinquantième film qui, il l'annonce au générique de fin de L'amour c'est mieux que la vie, est le début d'une trilogie. Comme toujours chez le cinéaste octogénaire, son dernier film comporte des choses très agaçantes : des chorégraphies et des chansons affligeantes, des extraits de ses propres œuvres passées, des facilités d'écriture et des prestations de certains comédiens qui ne sont là que pour faire plaisir au réalisateur. En contrepartie, il y a ce naturel confondant dans des dialogues pourtant pas toujours d'une intelligence supérieure et cette audace candide (ce n'est pas incompatible) à introduire Jésus ou le Diable dans son récit. Il y aussi et surtout la mort qui rôde, pas vécue de manière dramatique, d'ailleurs, mais propice à quelques pirouettes élégantes. De là à voir dans L'amour c'est mieux que la vie un film testamentaire, il n'y a qu'un pas et c'est ce qui rend aussi, à sa manière, le film plus touchant que prévu et auquel on pardonnera certaines scènes sur le fil du ridicule. Et comment ne pas saluer les performances de Gérard Darmon, parfait, et de Sandrine Bonnaire, lumineuse, qui comme la plupart des acteurs ayant joué devant la caméra de Lelouch, en ressortent bonifiés, voire même transfigurés. N'en déplaise ses contempteurs : si tout va bien, L'amour c'est mieux que la vie ne devrait pas être le dernier film de Claude Lelouch, avant sa retraite. Cela étonne quelqu'un ?

 

PS : zut alors, c'est le néerlandais Becoming Mona, que je n'ai pas du tout aimé, qui remporte l'Atlas d'Or. Je suis davantage d'accord avec le reste du palmarès qui a distingué le polonais Sans laisser de traces (mon préféré), le suisse La Mif et le finlandais The Man who did not want to see Titanic.

 



16/11/2021
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