Aux Arcs, etc. (4)
Du grec, du français et du kosovar à mon programme des Arcs.
Apples (Mila), Christos Nikou, Grèce.
Christos Nikou a été assistant sur Canine, de Yorgos Lanthimos, et l'influence de ce dernier est évidente dans Apples, de même que l'appartenance du film à cette si singulière nouvelle vague grecque, née avec la crise économique. Apples commence dans un monde dystopique où un niveau virus a fait son apparition, provoquant des amnésies en série. Un point de départ dramatique que le film transforme, au fil des scènes, en éléments absurdes voire comiques. A cela s'ajoute un environnement kitsch, où les appareils analogiques dominent (magnétophone, polaroid). Les décors et les costumes participent à ce décalage dans le temps tandis que le personnage principal, lui, semble presque sorti d'un film de Tati. Très écrit et constamment surprenant, le scénario d'Apples contient un twist à mèche lente qui fait partie du plaisir que l'on prend à suivre ce film qui conserve une part de mystère et permet toutes sortes d'interprétations selon la sensibilité (et l'intelligence ?) du spectateur. Par exemple, le fait que le héros du long-métrage aime autant les pommes, au point de lui donner son titre, est un clin d’œil assez subtil à une grande marque qui conditionne désormais nos vies. Et Apples délivre, sans en avoir l'air et sans lourdeur, un certain nombre de messages concernant le monde moderne et nos vies inféodées au numérique et aux réseaux sociaux. Mais Nikou est beaucoup moins cruel et sarcastique que Lanthimos, sa méthode étant plutôt celle de la douceur, de l'ironie et de l'incongruité. Sans oublier une poésie un brin surannée qui fait tout le charme croquant d'Apples.
Note : 7,5/10
Vaurien, Peter Dourountzis, France.
Quand on demande à Peter Dourountzis, le réalisateur de Vaurien, comment qualifier son premier long-métrage, il parle de "mauvais genre." De fait, le film raconte moins une histoire qu'un personnage, que le spectateur suit tout au long de ses pérégrinations, souvent nocturnes, avec ses rencontres de hasard. Cet individu fascine par sa liberté mais il est foncièrement mauvais et violent, un caractère qui s'exprime hors champ, ce qui est sans doute la meilleure idée de Vaurien, dont le défi est de nous intéresser à un sale type, ou dit plus crûment à une ordure. Le film procède par ellipses, nombreuses et pas toujours heureuses, voire peu crédibles. A mettre à son crédit, cependant, une vision sociale très aigüe, notamment pour décrire la marge et la pauvreté. De même, les dialogues, même très écrits, sonnent juste et ont la saveur du quotidien, que ce soit au travail, au café, dans un train ou dans un squat. Pierre Deladochamps, toujours formidable, est pour beaucoup dans le magnétisme canaille de ce vaurien, avec une présence tour à tour charmeuse et inquiétante. Il est l'atout premier du film, composant en particulier un duo amoureux séduisant avec une Ophélie Bau solaire, que l'on est ravi de revoir après Mektoub my love : Canto uno (à propos, Intermezzo sortira t-il un jour ?). Quoiqu'en partie insatisfaisant, Vaurien contient suffisamment de promesses d'un cinéma hors des sentiers battus, pour que l'on retienne le nom de Peter Dourountzis.
Note : 6/10
Andromeda Galaxy (Galaktika e Andromedës), More Raça, Kosovo.
Un mécanicien kosovar d'une cinquantaine d'années au chômage vit dans une caravane. Sa femme est décédée et sa fille doit quitter l'orphelinat où elle était placée jusqu'alors. Le premier long-métrage de More Raça est d'essence naturaliste, tourné pour à peine 50 000 euros et très ancré dans la réalité d'un jeune pays où les conditions sont dures, le travail rare et la corruption omniprésente. Pourtant, malgré un fond de l'air fondamentalement triste, Andromeda Galaxy est loin d'être un film plombant. Les silences sont nombreux mais les regards sont plutôt chaleureux, surtout entre ce père et sa fille qui possèdent un lien fort même s'ils ont été séparés. Une sous-intrigue très pure implique une prostituée, mère de famille, qui n'a d'autre choix pour survivre, et qui reconnait dans cet homme une sorte de frère devant l'adversité. Douceur et amertume se mêlent dans les différentes relations entre les personnages, avec ce classique échappatoire qu'est le rêve de partir en Europe de l'Ouest. C'est la bienveillance du film envers ses protagonistes qui anime ce "petit" film qui parle de gens simples avec un gros coeur.
Note : 6,5/10
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