Une semaine à Angoulême (7)
Dites-lui que je l'aime de Romane Bohringer
Dites-lui que je l'aime, c'est le titre d'un beau film de Claude Miller, datant de 1977, dans lequel joue Dominique Laffin, merveilleuse actrice, aussi fragile dans la vie qu'à l'écran, prématurément disparue à l'âge de 33 ans. Dites-lui que je l'aime, c'est aussi le titre d'un livre vibrant de sa fille, Clémentine Autain, femme politique que l'on ne présente pas, Dites-lui que je l'aime, c'est enfin et désormais un film réalisé par Romane Bohringer, qui n'est pas qu'une simple adaptation, mais une mise en parallèle troublante avec sa propre histoire, dans sa relation trop courte avec sa mère. Le long métrage entremêle les deux récits, touche quand il fait se rencontrer Clémentine et Romane, mais ne convainc qu'à moitié dans l'utilisation de certains procédés, comme la lecture du livre à voix haute ou la reconstitution de scènes d'enfance. Est-ce incongru de dire que l'une des deux histoires présente plus d'intérêt que l'autre, à savoir celle de Clémentine, à cause de la personnalité de sa mère et de la dimension romanesque et tragique qu'elle coltine ? Il peut y avoir un peu de gêne aussi, eu égard à la part d'intime qui nous est ainsi dévoilée, sans fard. Autre élément, de frustration, cette fois : Richard Bohringer, qui aurait sans doute beaucoup de choses à dire, ne fait que passer, sans prononcer une seule parole. Ce dont on a envie, après la projection de Dites-lui que je l'aime, c'est de revoir le film éponyme de Claude Miller et de partir à la (re)découverte de tous les autres rôles de Dominique Laffin.
Autisto de Jérôme Cohen-Olivar
Avec Autisto, son long-métrage présenté au Festival Francophone d'Angoulême, sur un sujet très personnel, le cinéaste franco-marocain Jérôme Cohen-Olivar souhaitait "montrer l’autisme dans toute sa complexité : sa dureté, mais aussi sa beauté, sa dimension spirituelle et cette communication silencieuse qui peut exister, comme un sixième sens, entre une personne autiste et celui qui sait l’écouter." Cette intention se concrétise à l'écran par une sorte de triangle de personnages composé d'Adam, le jeune garçon autiste, Malika, sa mère, au fort caractère et souvent à bout de nerfs et, enfin, Mahmoud, un vieux gardien de cimetière dont la douceur cache un traumatisme secret. Autisto n'est pas un film confortable, il est fréquemment rude et montre parfaitement comment la société, marocaine, en l'occurrence, agit sans comprendre vraiment la différence entre handicap et maladie. Mais en même temps, sans angélisme aucun, le film contient des moments de joie et d'empathie, et même d'espoir. Au sein d'un trio d'interprètes assez exceptionnels, l'on saluera notamment le travail et la sensibilité de Loubna Abidar (Much Loved), immense dans un rôle difficile de mère-courage parfois aux portes de la folie. Elle contribue, avec les autres acteurs, à réviser tous les clichés sur l'autisme et ses conséquences sur l'environnement proche.
Bin U Bin de Mohamed Lakhdar Tati
Coproduction franco-algérienne, le premier long métrage de Mohamed Lakhdar Tati, Bin U Bin, se déroule à l'est de l'Algérie, tout près de la frontière tunisienne. Cette proximité nourrit la vie des contrebandiers d'un village, avec ses trafics de carburant, essentiellement, dans les nuits du désert où rôdent les hyènes et les sortilèges. C'est un film d'atmosphère, de paysages somptueux et désolés, où un homme venu d'ailleurs cherche moins l'aventure que le moyen de financer un hypothétique projet de film. Mais il y a des règles dans ce monde fermé qu'il vaut mieux ne pas outrepasser. Présenté pour la première fois en France, au Festival du Film Francophone d'Angoulême, Bin U Bin oscille entre réalisme et onirisme, suscitant des interrogations philosophiques sur le cheminement d'une vie et traversant des zones poétiques, malgré la rudesse des situations. Il est dommage que le film soit assez souvent obscur dans sa continuité narrative, privilégiant les ellipses et le mystère de faits jamais explicités véritablement. Reste son aspect de western abstrait, assez séduisant, avec son cortège de personnages déterminés et, parfois, son évocation plus douce d'une ambiance familiale que le huis clos à ciel ouvert rend encore plus prégnant.
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