Cinéphile m'était conté ...

Cinéphile m'était conté ...

Tapis rouge à Nantes (1)

12 avant-premières cannoises projetées à Nantes en 3 jours. Je ne pouvais décemment pas laisser passer une telle opportunité, surtout dans une ville que j'aime beaucoup.

 

Mes frères et moi, Yohan Manca, sortie le 5 janvier 2022

Mes frères et moi, le premier long-métrage de Yohan Manca, présenté à Un certain regard à Cannes, est une bonne surprise, pour peu que l'on n'ait pas eu l'opportunité de voir ses trois courts. Ce film, qui raconte le quotidien de 4 frères, à travers les yeux du cadet, décrit les embrouilles et les magouilles pour survivre dans un quartier populaire, avec un tropisme méditerranéen très prononcé, le film se déroulant pendant l'été avec la plage et les jeux de ballon à proximité. Mais Mes frères et moi a aussi un autre versant, qui fait son originalité, dans une version assez lointaine de Billy Elliott où la musique classique remplace la danse. C'est ce contraste entre l'univers fraternel qui se meut entre frictions et solidarité et l'épanouissement du jeune héros par l'entremise d'une professeure, chanteuse lyrique de profession, qui fait tout le prix du film qui sait assez bien court-circuiter tous les clichés par la grâce d'un scénario vif, bien écrit avec des moments très drôles et une mise en scène sans chichis mais chaleureuse et bienveillante. La musique adoucit le quartier et son protagoniste principal et il est autorisé d'avoir des frissons quand La Traviata résonne. Aux côtés de comédiens qui fleurent bon l'authenticité, Judith Chemla, dont on ne dira jamais assez le grand talent, trouve la note juste et sublime ce "petit" film dont la simplicité n'est pas synonyme de pauvreté, bien au contraire

 

De son vivant, Emmanuelle Bercot, sortie le 24 novembre

Le Docteur Gabriel Sara, oncologue-hématologue libanais vivant à New York, joue le médecin attentif, humain et amateur de musique, qui accompagne le héros de De son vivant vers la mort. Il est extraordinaire et constitue sans aucun doute la meilleure raison de voir le dernier film d'Emmanuelle Bercot. Même Benoît Magimel, irréprochable, et Catherine Deneuve, cantonnée hélas à des variations sur la même humeur (éplorée) et dont le rôle manque de substance, doivent s'effacer devant le charisme du praticien. C'est évidemment très difficile d'aborder le thème de la chronique d'une mort annoncée, surtout pour quelqu'un encore assez jeune et le film va parfois un peu trop loin dans la recherche de l'émotion alors que certains moments sont heureusement traités avec davantage de pudeur. Intéressant en revanche est le parallèle entre le théâtre et l'hôpital, là où se joue l'ultime acte d'une comédie tragique. L'idée qui parcourt De son vivant est celle de la nécessité de ranger le bureau de sa vie avant de disparaître, pour le patient lui-même et pour ses proches. Le film en donne cependant une illustration avec une sous-intrigue un peu forcée comme l'est également celle qui implique maladroitement une infirmière et qui évite le grotesque grâce au talent de Cécile de France. De son vivant laisse une impression un peu mitigé mais il est bien évident que chacun ressentira ses propres émotions en fonction de son vécu et de ses expériences personnelles de fins de vie d'êtres aimés.

 

Un héros, Asghar Farhadi, sortie le 22 décembre

Après un passage peu convaincant par l'Espagne, Asghar Farhadi est de retour pour un nouvel écheveau dont il a le secret et qui lui sert comme toujours de radiographie de la société iranienne. Comme il est dit dans le résumé de Un héros : tout ne se passe pas comme prévu dans cette histoire assez tarabiscotée et riche en mensonges et retournements de situation. C'est toujours un peu pareil chez le cinéaste iranien, sa toile d'araignée enserre ses protagonistes et les met dans des situations inextricables tout en prenant en otage les spectateurs, pour le plus grand bonheur d'une grande partie d'entre eux, les autres ayant à peu près toujours les mêmes griefs à formuler à son encontre. La famille est le pivot narratif d'Un héros mais rien n'est simple dans ce noyau dysfonctionnel, dès lors que tout est question de réputation, tant le regard des autres et particulièrement des différentes autorités, prime. Il est beaucoup question des réseaux sociaux dans le film mais en creux, comme source jaillissante d'exposition, de révélation et de manipulation, moyens modernes et rapides comme l'éclair, bien plus puissants que les éternelles rumeurs. La façon dont Farhadi introduit cette nouvelle donne dans Un héros est remarquable, suscitant coups de théâtre, revirements et suspense. Ce n'est pas avec ce dernier long-métrage que le réalisateur iranien fera basculer les habituels réticents à sa manière mais pour les autres, c'est une nouvelle fois du nanan.

 

Tralala, Arnaud et Jean-Marie Larrieu, sortie le 6 octobre

Qu'est-ce qu'on attend d'une comédie musicale ? Plutôt qu'une histoire porteuse de sens, de la fantaisie et une certaine légèreté, sinon ce serait un drame musical, non ? En tous cas, les frères Larrieu séduisent vraiment avec Tralala, qui commence à Paris mais s'enracine très vite dans leurs chères Pyrénées et plus particulièrement dans une ville célèbre dans le monde entier pour ses apparitions. Oui, c'est du Lourdes et le film utilise d'ailleurs le "folklore commercial" local pour ses desseins, sans se moquer mais avec une tendresse singulière. L'histoire de Tralala est loin d'être idiote et les nombreuses chansons encore moins, participant de la progression dramatique. Et sur 2 heures de temps, qui passent très vite, c'est un bel exploit. La musique est bonne, excellente même, les Larrieu ayant engagé Philippe Katerine, Dominique A, Etienne Daho et Jeanne Cherhal. Parmi ces pointures, qui ont composé dans des styles différents et chatoyants : disco, pop, rock, ballade, rock ... n'oublions pas Bertrand Belin qui crève aussi bien l'écran comme acteur que comme chanteur avec ses faux airs de Bashung dans le phrasé. C'est du lourd aussi côté interprétation autour de Mathieu Amalric : Josiane Balasko, Mélanie Thierry, Denis Lavant, Maïwenn, Galatea Bellugi, excusez du peu, qui forment cette troupe joyeuse et stylée dont les aptitudes vocales sont variées mais même leurs manques sont touchants. Quant aux masques qui recouvrent assez souvent le visage des figurants et autres danseurs, ils font partie intégrante de l'aventure, signe de l'époque et en phase avec ce qui est raconté. Bienvenue dans le Tralala Land !

 



17/07/2021
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