Cinéphile m'était conté ...

Cinéphile m'était conté ...

Tout à fait Alès (8)

 

Le soleil de trop près de Brieuc Carnaille.

Le thème de la schizophrénie est "familier" au réalisateur de Le soleil de trop près, Brieuc Carnaille, même s'il n'avait pas l'intention d'en faire le sujet de son tout premier long-métrage. Cette maladie fait partie de celles les moins avouables, vis-à-vis de l'entourage et un frein à toute ambition professionnelle. Le film ne se place pas véritablement du côté médical, s'intéressant plutôt à ses aspects humains et plus particulièrement dans les sentiments d'une jeune femme qui aide de son mieux son frère aîné, renversant ainsi les relations habituelles entre le plus âgé, en souffrance, et la plus jeune qui devient une sorte de mère de substitution. Chaque cas de schizophrénie est bien évidemment unique, en termes de gravité et de médicamentation, mais le caractère imprévisible de ses chutes et de ses améliorations participe de sa dimension de thriller aux péripéties inattendues. Le film, assez banal sue le plan de la mise en scène, bénéficie du jeu impressionnant de Clément Roussier, acteur encore assez peu identifié, mais aussi de ceux de deux excellentes actrices, désormais des valeurs sûres du cinéma français : Marine Vacth et Diane Rouxel dont la sobriété émeut autant. Quant au choix de Roubaix comme cadre de ce drame, il n'est pas non plus anodin. Le soleil de trop près touchera assurément, et en premier lieu ceux qui ont vécu de près les situations qui y sont décrites, mais on lui parlera très largement Les Intranquilles de Joachim Lafosse, dans un périmètre voisin.

 

Les passagers de la nuit de Mikhaël Hers.

Mais quel est donc le secret de Mikhaël Hers, à chacun de ses films, pour nous donner une masterclass en matière de direction d'acteurs ? Ce talent éclate plus puissamment que jamais dans Les passagers de la nuit, tant avec des interprètes qui n'ont plus rien à prouver (Charlotte Gainsbourg, Emmanuelle Béart), qu'avec des talents en devenir (Noée Abita et Ophélia Kolb) ou même un quasi débutant remarquable (Quito Rayon Richter). Autre constante dans le cinéma de Mikhaël Hers : la fluidité de sa mise en scène et de sa narration, marquée par des ellipses brillantes. Les passagers de la nuit est un film "historique", de 1983 (1981 pour l'ouverture) à 1988, une chronique familiale qui rend romanesque les petites choses du quotidien et sait faire monter l'émotion en une progression subtile et imparable. Les personnages y sont des âmes sensibles, parfois en larmes, et bienveillantes, même si certains luttent contre leurs démons. Le film est un portrait de groupe remarquable, qui réussit dans le même temps des portraits individuels d'une insigne intelligence. Le moindre petit rôle, même si celui d'un grand absent '(le mari) est travaillé avec un soin extrême, à la manière d'un artisan, et nous semble assez vite familier, comme s'il faisait partie de nos proches, presque idéalisés. C'est cela qui donne ce troublant sentiment de ce qu'ils ont été (que nous avons été), surtout pour ceux qui ont vécu leurs années d'enfance ou d'adolescence, comme Hers, dans la décennie 80.

 



04/04/2022
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