Écran total à La Rochelle (10)
Voilà, c'est fini. Et ce dernier jour ne fut pas le meilleur, loin de là. Qu'importe. 29 films vus sur les 200 proposés. Des choix à faire : des avants-premières plutôt que des documentaires. Des Hitchcock muets mais pas de Tarkovski. Tant pis ou dommage. Je suis très content de cette édition : des rencontres, des échanges et, bien sûr de nombreuses images qui forment comme un magnifique kaléidoscope. A l'année prochaine.
Vers la lumière, Naomi Kawase, sortie le 10 janvier 2018
Le sujet de Vers la lumière est très beau. La rencontre est celle d'un photographe qui devient aveugle avec une spécialiste de l'audiodescription des films. Cela donne des scènes étonnantes avec la confrontation de spectateurs "cobayes" face aux propositions de commentaires de cette professionnelle. Tout à fait le genre de sujet qui ne pouvait qu'inspirer la japonaise Naomi Kawase, grande habituée d'un cinéma contemplatif et esthétiquement délicat. Le film use et abuse de gros plans des visages de ses deux personnages principaux, certes très beaux, mais le dispositif agace par son caractère répétitif et systématique. L'on évoquera bien entendu les qualités de poésie visuelle de Vers la lumière mais c'est parfois et même souvent au détriment d'un récit dont les enjeux sont trop visibles à l'oeil nu, si l'on ose l'expression. Comme fréquemment chez Kawase, la forme supplante largement le fond alors qu'ici son thème pouvait laisser espérer davantage d'émotion et de prises de risque.
Nous resterons à Damas, Philippe Van Leeuw, sortie le 6 septembre
Tourné à Beyrouth, Nous resterons à Damas entend évoquer la guerre en Syrie à travers un huis-clos où une famille cloîtrée s'attend au pire. Pourquoi pas mais aucune scène pendant toute la durée du film ne cherche véritablement à expliquer les tenants et aboutissants du conflit. Nous resterons à Damas pourrait se dérouler en Bosnie ou ailleurs sans qu'aucune virgule ne soit changée au scénario. Une parabole alors sur toutes les guerres du monde en parlant de ceux qui en souffrent (les simples citoyens) sans que jamais leur sort ne soit évoqué par les articles des journaux ou les reportages télévisés ? Peut-être mais il aurait alors fallu que le dispositif soit moins théâtral et davantage cinématographique. Les personnages, y compris celui de la grande Hiam Abbass, n'ont malheureusement aucune épaisseur et leur psychologie se limite à l'angoisse qui étreint les habitants de la ville où règne le chaos. Cela pourrait être pardonné si lors des scènes les plus violentes, le réalisateur ne montrait pas un véritable sadisme vis-à-vis des femmes de son film, notamment. Il y a là une complaisance un peu suspecte, simplement destinée à faire montrer l'adrénaline, et qui se révèle singulièrement déplaisante.
Jeune femme, Léonor Serraille, sortie le 1er novembre
Caméra d'Or au dernier Festival de Cannes, Jeune femme de Léonor Serraille, débute de manière peu rassurante. Une pointe d'hystérie suivie d'un peu de fantaisie. Le portrait de cette jeune femme déstabilisée par une rupture semble partir sur des bases binaires vraiment trop systématiques. Mais tourné en très peu de temps et avec des moyens forcément limités, le film trouve peu à peu son rythme de croisière, avec beaucoup d'humour et davantage de gravité, à mesure que la jeune femme en question parait trouver son équilibre. Bien entendu, le film repose entièrement sur les épaules de son interprète principale, Laetitia Dosch, auteure d'une prestation de haute volée. Il est étonnant de voir comment cette fille aux yeux vairons est capable de se transformer selon les scènes et d'apparaître tour à tour (presque) laide puis extrêmement séduisante. Et ce n'est pas seulement de son apparence physique qu'il s'agit. Le film, c'est entendu, est loin d'être parfait. Il agace par son "parisianisme" marqué et un certain manichéisme de classe (les bourgeois sont antipathiques et les prolétaires gentils comme tout, pour schématiser un peu). Mais il y a une énergie galvanisante dans Jeune femme qui fait oublier ses quelques travers et l'assurance qu'une nouvelle jeune cinéaste française, une de plus, est née. Et c'est une excellente nouvelle, non ?
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