Cinéphile m'était conté ...

Cinéphile m'était conté ...

Intermède au Cinemed (3)

 

A nouveau 3 films aujourd'hui, dans d'autres contrées : Serbie, Israël, Italie. J'ai beaucoup aimé Le père et Here we are, un peu moins Je voulais me cacher.

 

Le père (Otac), Srdan Golubovic

Circles, le précédent film du serbe Srdan Golubovic, date de 2013 mais il fait partie de ceux qui restent longtemps en mémoire, non seulement pour son thème (la guerre en ex-Yougoslavie) mais aussi pour sa construction vertigineuse en abyme. Le père, sa nouvelle réalisation, ne lui ressemble en rien : le sujet est contemporain et le récit on ne peut plus linéaire. Mais à sa manière, il est tout aussi marquant que Circles, pour ce qu'il dit de la Serbie actuelle, de la précarité d'une grande partie de sa population à la corruption des élites, en passant par la déshérence de ses infrastructures intérieures. Il s'en faut de peu (mais ce n'est pas le cas) pour que le film sombre dans un certain misérabilisme, tout au long du voyage entrepris par son héros, un simple père de famille au chômage qui lutte pour la garde de ses enfants. Ce périple, en marchant, de son village à Belgrade, n'est rien d'autre qu'un combat pour la dignité et le respect de ses droits. La mise en scène de Golubovic est sobre, sans aucun artifice, à l'image du caractère de son personnage principal. Certains trouveront peut-être à redire sur le rythme du film, d'une longueur de 2 heures, mais il est constitué d'une multitude de détails et de micro-événements qui maintiennent toujours l'intérêt en éveil. Son interprète, Goran Bogdan, ne surjoue jamais et arrive cependant à susciter une émotion grandissante. Il est admirable.

 

Here we are (Hina anachu), Nir Bergman

Dana Idisis, la scénariste de Here we are, est catégorique : "Ce n'est pas un film sur l'autisme, pas plus qu'un film sur le père d'un enfant autiste. Il s'agit d'une relation père/fils et, plus globalement, de la difficulté qu'ont les parents de se séparer de leur progéniture, une fois celle-ci devenue adulte." Il n'empêche que Here we are doit se confronter aux écueils habituels des récits marqués par une situation de handicap, à commencer par celui du regard compatissant. En général, c'est l'humour qui réussit à désamorcer les tendances mélodramatiques et c'est le cas dans le long-métrage de Nir Bergman, ainsi qu'une certaine forme de poésie dans ce qui est presque constamment un face à face entre un père aimant (mais exclusif) et un fils aimé (mais surprotégé). Cette relation fusionnelle est montrée au moment précis où la question de la séparation est posée, même si elle n'est a priori voulue par aucun des deux protagonistes. L'une des bonnes idées du film est de se transformer en road-movie à travers Israël, de Tel Aviv à Eilat, en passant par Beer-Sheva. Ce n'est pas vraiment un voyage initiatique mais plutôt un bilan et une remise en question avant de passer, nolens volens, à quelque chose d'autre, d'inédit et de dangereux mais sans nul doute nécessaire. Les deux interprètes de Here we are sont d'un naturel incroyable et lui confèrent une vérité jamais prise en défaut.

 

Je voulais me cacher (Volevo nsscondermi), Giorgio Diritti, sortie le 25 novembre

Malgré les apparences et leur récente profusion sur les écrans, rien n'est plus difficile que le genre biographique au cinéma. Au moins, dans le cas d'Antonio Ligabue, peintre naïf italien du XXe siècle, on ne peut pas dire qu'il soit véritablement connu en France et c'est donc une véritable découverte pour beaucoup. Le personnage était visiblement complexe et guère aimable, très marqué par son enfance malheureuse dans une famille d'accueil suisse et, bien entendu, par ses séjours en hôpital psychiatrique, à différents moments de sa vie. Je voulais me cacher, réalisé par Giorgio Diritti, fait bien des efforts pour nous plonger au cœur de l'existence turbulente de ce peintre génial mais en essayant de traduire son caractère dans un récit chaotique où les scènes se succèdent, surtout au début, dans un grand désordre chronologique et souvent aux portes de l'hystérie. Les choses se calment dès lors que l'artiste accède à la notoriété mais le film reste toujours aussi peu convaincant,, cherchant principalement le pittoresque dans tous les actes de Ligabue. La construction de Je voulais me cacher est bancale, sans fluidité, voulant sans nul doute rester fidèle à son personnage principal mais l'impression donnée est celle d'un long métrage conçu comme un maelström d'images qui ont du mal à former un ensemble cohérent. Elio Germano, qui incarne Ligabue à différents âges, est impressionnant, certes, mais de manière tellement outrée qu'il en devient presque une caricature. Je voulais me cacher plaira sans doute à certains pour son exubérance et son aspect foutraque, disons qu'il a surtout le mérite de nous faire découvrir un peintre étonnant et de vouloir en savoir plus sur son œuvre.

 



18/10/2020
0 Poster un commentaire

A découvrir aussi


Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 50 autres membres