Cinéphile m'était conté ...

Cinéphile m'était conté ...

Tout à fait Alès (6)

 

Utama de Alejandro Loayza Grisi.

Il n'a pas plu depuis plus d'un an dans l'Altiplano bolivien. Les lamas ont soif et le mode de vie ancestral de la population quechua est menacé. Les images somptueuses d'Utama, le premier long-métrage de Alejandro Loayza Grisi, récompensé au festival de Sundance, s'opposent à la rudesse de la vie pour un vieux couple qui reçoit la visite de son petit-fils qui aimerait les ramener en ville. Entre la sécheresse, la maladie, le conflit de génération et le mysticisme d'un peuple, le cinéaste a composé une œuvre simple dans sa narration, qui ne cède jamais au lyrisme ni à l'exotisme des cartes postales d'un monde déconnecté. La tendresse existe, malgré les incompréhensions et les divergences de vue, mais elle est rude, et se dissimule sous des comportements pudiques y compris lorsqu'il s'agit de ne pas évoquer sa propre mort, que le regard d'un condor annonce. En Amérique du Sud, le cinéma bolivien reste une denrée rare, face à l'hégémonie des productions argentines, brésiliennes et chiliennes, mais avec la sortie en l'espace de quelques semaines de Le grand mouvement et d'Utama, il offre l'occasion de contempler sa singularité, ses points communs (la modernité qui efface peu à peu les traditions) et son esthétisme, à travers deux films aux traitements pourtant radicalement différents.

 

Saloum de Jean-Luc Herbulot.

Même si le projet est loin d'être totalement abouti, Saloum représente une entreprise digne d'intérêt par son caractère 100% africain, dans un continent à la cinématographie si peu présente sur les écrans. A la fois série B et œuvre plutôt ambitieuse dans sa tentative de mélanger plusieurs genres sans y perdre sa spécificité, le film débute plein pot aux basques d'une bande de mercenaires impliqués dans des coups d’État rondement menés dans plusieurs capitales africaines. Fonctionnant à la fois comme un hommage et une satire des superproductions hollywoodiennes, Saloum change de style après un intermède humoristique en convoquant des esprits maléfiques pour aborder les rivages du fantastique. Il y a un côté foutraque dans le long-métrage, le côté surnaturel compris, ce qui pourrait ajouter à son charme incongru, mais trop de confusion dans les différents thèmes traités fait que l'on finit par prendre le film comme une bande dessinée très graphique, qui abuse parfois des plans vus du ciel, et où on ne s'intéresse véritablement jamais à la dimension psychologique de ses personnages, à peine esquissée, hormis l'exception notable du premier rôle féminin dont le handicap constitue un ressort scénaristique qui aurait mérité d'être développé. C'est vrai que Saloum laisse une impression mitigée mais sa conception et son intrépidité ne peuvent pas susciter l'indifférence (à l'heure où ces lignes sont écrites, aucune date de sortie française n'est encore annoncée, hélas).

 

Sentinelle Sud de Mathieu Gerault.

Le retour à la vie civile d'un militaire qui a subi un événement traumatique sur un théâtre de guerre. Oui, c'est un sujet que l'on a vu traité au cinéma à plusieurs reprises, ces dernières années, mais le premier film de Mathieu Girault ne sent cependant pas le réchauffé. Au contraire, l'intrigue mélange assez habilement plusieurs genres : drame psychologique, évidemment, mais aussi film noir et réflexion plus large sur le sens de l'engagement dans des conflits lointains. De tous ces aspects, le côté thriller est le moins réussi, parce que trop forcé et finalement pas nécessaire à la compréhension globale de l'état mental de l'ancien soldat. A l'inverse, l'évocation guerrière, à proprement parler, est subtilement exposée, sans la lourdeur de flashbacks et avec des éléments plus sonores que visuels. Le récit de Sentinelle Sud est cependant assez chargé en termes de péripéties et l'accumulation de scènes violentes, dans sa dernière partie, sonne quelque peu artificielle, comme s'il fallait à tout prix régler tous les problèmes et permettre à son héros de solder l'ensemble de ses comptes. Mais la grosse déception, dans une histoire aussi étoffée, est la banalité constante de sa mise en scène, qui ne sort jamais des sentiers balisés. Pour combler cette lacune (en partie), il y a l'épaisseur de jeu de Niels Schneider, et ce n'est pas rien, mais aussi la qualité de seconds rôles plus que solides, excellemment incarnés par Sofian Khammes, India Hair et Denis Lavant.

 



02/04/2022
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