Cinéphile m'était conté ...

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La Rochelle, ma belle (8)

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Sur le papier, cette journée semblait être la plus excitante de la programmation rochelaise. Avec Kore-eda le palmé, Serebrennikov, Kaplanoglu et une pépite lituanienne de la fin des années 60. Les promesses ont été plus ou moins tenues avec Leto au-dessus du lot. Leto.

 

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Leto, Kirill Serebrennikov, sortie le 5 décembre

A l'heure où cette chronique s'écrit, Kirill Serebrennikov est toujours dans le collimateur des autorités russes et assigné à résidence. Leto, son magnifique film consacré à l'émergence, au début des années 80, de la nouvelle scène rock de Leningrad, n'a pas gagné le moindre prix à Cannes, ce qui restera incompréhensible. Mais qu'importe, ce long-métrage, bourré d'énergie juvénile et mis en scène avec une inventivité permanente, restera dans les mémoires, dans un genre très différent du film précédent de Serebrennikov, l'excellent Le disciple. Leto témoigne d'un bouillonnement musical qui anticipe la Perestroïka, mais se voit aussi comme un hymne à l'amour et à la rébellion contre le conservatisme d'un pouvoir incapable de maîtriser les aspirations d'une jeunesse nourrie aux groupes anglo-saxons. Au-delà de son intrigue à la Jules et Jim, illuminée par la présence d'une actrice aussi radieuse que Julie Christie en son temps, Leto séduit par son aspect de La La Land, toutes proportions gardées, à la soviétique. La musique est bonne, la réalisation survitaminée et le scénario implacable. 2 heures et des poussières de bonheur à taper du pied, s'attendrir et sourire dans ce film en noir et blanc qui passe parfois à la couleur comme pour signifier que la grisaille s'estompe de temps à autre pour céder la place à une euphorie provisoire et mélodique contre laquelle aucun régime répressif ne peut s'opposer.

 

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Une affaire de famille (Manbiki kaoku), Hirokazu Kore-eda, sortie le 12 décembre

C'est entendu, Kore-eda méritait tôt ou tard d'être récompensé par une Palme d'or pour l'ensemble de son oeuvre, traversée de thématiques récurrentes. Qu'il l'ait obtenu avec Une affaire de famille, loin d'être sa meilleure réalisation, est un peu surprenant mais cela n'a qu'une importance relative et lui permettra sans doute de toucher une audience encore plus large que d'habitude. Une affaire de famille est bâti sur le même principe que Notre petite soeur, notamment, à savoir que les liens familiaux que l'on se construit sont plus importants que ceux acquis par le sang. Une grande partie du film s'achafaude autour d'un noyau réunissant plusieurs pièces rapportées, une famille recomposée et décomposée dont la moralité n'est pas le fort. Au passage, on admire la direction d'acteurs du cinéaste et notamment celle des enfants mais dans un premier temps le scénario n'est pas des plus exaltants voire même un peu répétitif, comme s'il fallait à tout prix dépasser les 2 heures de projection. Au moment de Tel père, tel fils, certains avaient pointé du doigt, à juste titre, une certaine tendance du cinéaste à la mièvrerie et ceci peut expliquer qu'après la parenthèse de The Third Murder, Kore-eda ait décidé de "muscler" Une affaire de famille avec des scènes moins consensuelles et plus osées que d'habitude, quitte à ce qu'elles soient parfois embarrassantes comme celles du peep-show. Dans la dernière demi-heure, cependant, l'intérêt du film est relancé et l'émotion s'invite, sans excès toutefois, comme au temps des meilleures réussites du réalisateur. Cela méritait-il pour autant la récompense suprême sur la Croisette ? Face à la mise en scène bouillonnante de Leto de Serebrennikov, pour ne citer qu'un seul des autres compétiteurs, sans doute pas.

 

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La particule humaine (Bugday), Semih Kaplanoglu, sortie le 12 septembre

Avec La particule humaine, le cinéma de Semih Kaplanoglu, l'autre grand réalisateur turc (Yumurta, Miel, Milk), se fait nettement plus ambitieux, se présentant comme une grande fresque visionnaire de SF, tourné en noir et blanc et en anglais avec Jean-Marc Barr (eh oui) dans le rôle principal. Le début du film est plutôt intrigant et cohérent, tirant le plus grand profit des splendides paysages désolés de Turquie. Et puis, peu à peu, Le long-métrage, qui déroule son intrigue sur le thème de l'infertilité inéluctable des sols avec l'utilisation massive d'organismes génétiquement modifiés, commence à dériver pour révéler sa vraie nature de manifeste écologique un peu pesant et donneur de leçon. D'ordinaire adepte d'un cinéma plutôt contemplatif, Kaplanoglu ménage le suspense mais au bout du compte, en oubliant que la suggestion vaut mieux que la démonstration, le film abandonne une partie de son mystère et de sa subtilité même si son aspect visuel ne perd pas son éclat. Trop long, en définitive, et appuyé à l'excès, La particule humaine se retrouve dépourvu de son originalité initiale et devient didactique et péremptoire. C'est fort dommage.

 

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La belle (Grazuole), Arunas Zebriunas, 1969, sortie le 22 août

Le cinéma lituanien contemporain est bien connu avec Sharunas Bartas, Jonas Mekas ainsi par des films récents tels que Summer et Miracle. Mais quid de l'époque soviétique ? La belle d'Arunas Zebriunas vient combler cette ignorance de façon éclatante, donnant envie de poursuivre la découverte de ce cinéaste apparemment talentueux. Le scénario de La belle n'est pas particulièrement étoffé mais son charme est immédiat autour de la personnalité et de l'ingénuité d'une fillette stupéfiante de naturel. Cette petite, rendue triste par la remarque d'un nouveau garçon du quartier qui la trouve "laide", nous fait partager ses sentiments avec une sensibilité étonnante. Nous voici devenus malheureux comme les pierres à voir son sourire s'effacer devant la perfidie d'un garnement qui n'a que de la méchanceté à offrir. Le film, très court, est réalisé avec goût et style, nonobstant quelques effets de zoom très à la mode à l'époque (et qui gâchent aussi des Visconti ou des Antonioni de la même période). Reste une interrogation : qu'est devenue la jeune actrice Inga Mickyte qui, semble t-il, n'aurait tourné qu'un autre film ?



07/07/2018
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