Tout à fait Alès (5)
Les sans-dents de Pascal Rabaté.
Bienvenue dans le Quart-monde ! Il n'est guère étonnant que Pascal Rabaté ait eu du mal à trouver des financements pour son dernier film, eu égard à son sujet et à son traitement radical, sans paroles et sans musique (hormis pour une scène). L'on retrouve l'auteur de BD dans Les sans-dents, avec un humour très visuel, basé sur des situations davantage que sur un scénario réellement écrit. Bien que les Grolandais aient qualifié le film de mélange de Mad Max et de Jacques Tati (sic), c'est bien entendu du côté corrosif d'un certain cinéma italien qu'il faut chercher ses références, en particulier avec Affreux, sales et méchants. Les partis-pris de mise en scène de Rabaté fonctionnent par à-coups pour la communauté des marginaux, même si les personnages n'ont guère de profondeur et se réduisent à quelques notations comportementales et physiques, mais c'est pire pour le contrechamp de l'action avec des policiers caricaturés et anonymes, à l'exception de François Morel. Du côté des sans-dents, Gustave Kervern et Yolande Moreau font leur travail avec abnégation dans ce phalanstère ramené au rang de tribu préhistorique. Disons que la charge sociale, que l'on pouvait attendre d'un tel thème, n'est pas vraiment au rendez-vous et que le film n'a pas la puissance de Themroc, si l'on cherche à comparer ce qui n'est qu'en partie comparable.
Hit the Road (Jaddeh khaki) de Panah Panahi.
Hit the Road, le premier long-métrage de Panah Panahi (fils de Jafar) n'a recueilli que des éloges lors de sa présentation cannoise. A t-on cependant le droit d'être plus circonspect et de trouver que ce road-movie, qui se déroule en grande partie dans l'habitacle d'une voiture, n'est pas des plus palpitants. Les paysages iraniens sont magnifiques, certes, mais cela ne suffit pas à notre envie de découvrir un récit qui ne ménage qu'un temps son suspense quant à la destination finale des voyageurs et les raisons profondes de ce périple. Tout n'est pas dévoilé, cependant, mais qu'importe, il y a bien de la fuite dans les idées au sein de cette petite famille composée d'un père à la jambe plâtrée, de son épouse qui passe dans cesse du rire aux larmes, du fils aîné taiseux et de son cadet, gosse agité et insupportable. Le film cherche par tous les moyens à s'affranchir d'un certain sentimentalisme en usant et abusant de dialogues extravagants qui semblent parfois tellement surréalistes que l'on se prend à douter de l'exactitude des sous-titres. Un certain nombre de scènes ne semblent pas avoir de résonance particulière et s'étirent sans fin, avec des personnages confinés dans une attitude définie d'emblée. L'on comprend toutefois bien où le film veut en venir, à travers ses non-dits et ses échanges qui servent à montrer l'absurdité du régime en place, en Iran. Après, tout est question de sensibilité, sans doute, pour juger de l'humour de Hit the Road, qui ne passe pas nécessairement la barrière de la langue.
La colline où rugissent les lionnes de Luana Bajrami.
Une chose est incontestable : Luàna Bajrami est une surdouée. Non contente de s'imposer dans le paysage cinématographique français, dans son métier d'actrice, la voici désormais réalisatrice, dans son Kosovo natal, avec La colline où rugissent les lionnes, présenté à Cannes, quelques mois après son vingtième anniversaire. Le film exprime le désir de liberté de la jeunesse kosovare, à travers ses trois héroïnes, des amies à la vie, à la mort, qui étouffent dans leur petit village, sans aucune perspective d'avenir. Son thème et son traitement, au moins dans un premier temps, rappellent le mémorable long-métrage turc Mustang. Mais La colline où rugissent les lionnes s'échappe peu à peu de son ton réaliste, avec des situations familiales difficiles simplement esquissées, pour une vision fantasmatique de libération et d'accomplissement que l'on est libre ou non de trouver crédible. Malgré quelques maladresses habituelles des premières œuvres, du point de vue du rythme, notamment, le film convainc par son énergie indéfectible et une interprétation remarquable de ses trois lionnes (dirigées par une cinéaste plus jeune qu'elles). Avec La Ruche, également au crédit d'une jeune réalisatrice, le cinéma kosovar vient en peu de temps montrer qu'il fallait désormais compter avec lui.
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