Cinéphile m'était conté ...

Cinéphile m'était conté ...

Tout à fait Alès (2)

 

 

A l'ombre des filles d'Etienne Comar.

D'un côté, un acteur dans une mauvaise passe qui accepte de monter une pièce avec des détenus ; de l'autre, un chanteur lyrique dans une semi-retraite qui accepte d'animer un atelier de chant avec des ... détenues ! Impossible de ne pas voir les similitudes entre Un triomphe et A l'ombre des filles, le second ayant le défaut majeur du "déjà vu", qui plus est dépourvu du rythme et l de 'humour du premier. A vrai dire, le film d’Étienne Comar semble davantage s'intéresser à son "coach" qu'aux prisonnières, avec l'exception notable du personnage incarné par Agnès Jaoui qui bénéficie d'un traitement particulier, dont on peine d'ailleurs à comprendre les raisons. A l'ombre des filles n'est pas une comédie musicale, comme pouvait l'être The Singing Club, auquel on pense aussi parfois, et son énergie collective n'est guère perceptible, le film préférant s'attarder sur les relations entre le groupe de femmes et leur professeur, celles-ci passant du froid au chaleureux sans que là non plus de véritables explications soient données. La mise en scène, relativement plate, ne compense pas les creux psychologiques d'un récit qui s'égare parfois dans des scènes inutiles. Reste l'interprétation, celle de Alex Lutz ne méritant que des éloges, avec notamment les bonnes prestations de Hafsia Herzi, Veerle Baetens et, bien entendu, Agnès Jaoui.

 

Le monde d'hier de Diastème.

Le monde d'hier est un titre trompeur, celui du dernier ouvrage de Stefan Zweig avant son suicide, sachant que la dystopie de Diastème évoque une situation dans un futur proche, qui ne sort pas dans les salles peu de temps avant l'élection d'avril 2022, par hasard. Au crédit du film, une documentation sérieuse sur l'exercice du pouvoir élyséen et un suspense autour d'un scrutin qui va tout droit vers le choix de l'extrême. A saluer également : le jeu puissant de Léa Drucker, tout à fait crédible en présidente de la République et l'excellence des prestations de Denis Podalydès et d'Alban Lenoir, notamment. A son débit, une intrigue un rien bavarde, avec des dialogues qui manquent de brio ou pêchent parfois par excès de solennité (rien à voir avec la force de L'exercice de l’État). Le film est également peu heureux quand il s'agit d'aborder la face privée de la vie de la présidente. Le monde d'hier a une ambition puissante, dans des circonstances urgentes : il s'agit de sauver une démocratie, tout en s'interrogeant sur les moyens pour y parvenir. C'est évidemment passionnant, sur le papier, pour tous les citoyens que nous sommes, mais un rien laborieux à l'écran malgré la volonté de Diastème d'éviter que l'on cherche à reconnaître certains politiciens derrière ses personnages. Sensibiliser l'électorat français à ne pas privilégier l'abstention est le message sous-jacent du réalisateur. Pas sûr que son efficacité se vérifie dans les urnes lors de la prochaine élection présidentielle.

 

En corps de Cédric Klapisch.

En corps commence par un quart d'heure de grâce absolue, à l'Opéra de Paris, où; sans nécessité de dialogues, l'intrigue du film s'installe, indépendamment et avec de somptueux moments de danse classique, qui devraient séduire même ceux qui n'ont pas d'affinités avec cet art. Après cela, le retour sur terre est difficile mais Klapisch n'est pas un novice et retrouve ses bonnes habitudes de cinéaste de l'air du temps, s'attachant à la reconstruction physique, mentale et sentimentale de son héroïne, judicieusement incarnée par une danseuse professionnelle, Marion Barbeau, qui ne démérite pas dans son jeu d'actrice débutante, même aux côtés de poids lourds confirmés, tous excellents : Pio Marmaï, Bruno Podalydès, Muriel Robin et François Civil, entre autres, des rôles secondaires qui assurent et apportent, pour certains d'entre eux, un humour bienvenu. Klapisch, dont on connait l'attachement à l'art chorégraphique, dans ses différentes déclinaisons, du hip-hop à la danse contemporaine, alterne les scènes dédiées et la comédie de caractère(s), avec la fraîcheur qui caractérise son cinéma et une amusante candeur, parfois, mais surtout une fluidité de tous les instants. En corps est une belle façon de se renouveler pour Klapisch, sans se renier, avec la notion de troupe visible dans L'auberge espagnole et ses suites, sans perdre de vue les parcours individuels de vie qu'il rend, à sa manière particulière, à la fois héroïques et chaotiques mais passionnants à suivre. En corps est l'une des plus belles réussites de son auteur qui a le plus souvent su sur quel pied danser, sans perdre l'équilibre.

 

 



27/03/2022
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