Cinéphile m'était conté ...

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Toujours Alès (7)

 

The Surfer de Lorcan Finnegan

The Surfer ne sort pas de nulle part. Il provient d'une certaine tradition du cinéma australien, du côté de l'absurde, de l'excès et de l'horreur, née avec Réveil dans la terreur (1971) et qui s'est poursuivie dans la même décennie avec les premiers films de Peter Weir. Avec Ted Kotcheff (Canadien), hier, comme avec Lorcan Finnegan (Irlandais), aujourd'hui, ce sont des lieux emblématiques de l'Australie qui servent de cadre au dérapage de la réalité vers un cauchemar inextricable : l'Outback dans le premier cas et la plage, dans le second. The Surfer ne se prive d'ailleurs pas de nous montrer, à intervalles réguliers, la faune australienne, qui ressemble à un musée du bizarre. Dans The Surfer, les pénibles situations que subit son anti-héros, face à une sorte de secte viriliste, sont l'expression de vagues à l'âme de celui qui voulait seulement emmener surfer son fils. Le film veut évidemment signifier quelque chose, en rapport avec le passé de son personnage principal, mais cette béquille narrative n'est pas essentielle dans cette œuvre cathartique, qui serait même plus puissante, sans cela. En tous cas, cette fable cruelle constitue un véhicule de choix pour le génie de Nicholas Cage qui semble ici souffrir pour avoir tourné autant de mauvais films, ces dernières années. Il n'est pas interdit de ressentir un plaisir sadique à le voir autant dérouiller.

 

On Falling de Laura Carreira

Que savons-nous d'Aurora, la protagoniste principale de On Falling, long métrage produit par Sixteen Films, société dont Ken Loach est le cofondateur ? Peu de choses, en vérité : elle vient du Portugal (pourquoi, comment ?), travaille comme préparatrice de commandes dans un vaste entrepôt écossais, échange des banalités avec ses collègues et ses colocataires et son meilleur ami semble être son téléphone portable. Victime anonyme d'un travail qui ressemble à de l'esclavagisme moderne, Aurora a autant de perspectives d'avenir que le permet le ciel gris et bouché de Glasgow ou d’Édimbourg. Similaire à l'univers de Ken Loach, dîtes-vous ? En partie, pour le constat froid du réalisme social, mais en plus triste encore, sans le recours à l'humour, car la réalisatrice, Laura Carreira nous refuse presque toute empathie à l'égard de son héroïne, insistant sur la répétition des tâches qui caractérise sa vie, dans et en dehors de son travail, et coupant le plus souvent abruptement des scènes qui pourraient nous sortir de la vision d'une routine aliénante. On Falling ne délivre pas la catharsis attendue, au risque d'engluer son personnage central dans un no (wo)man's land émotionnel. Le pari est risqué vis-à-vis du public et il n'est pas du tout certain qu'il soit payant.

 

Little Jaffna de Lawrence Valin

Fatigué d'être cantonné à des rôles trop stéréotypés, eu égard à sa couleur de peau, Lawrence Valin est devenu scénariste et réalisateur pour pouvoir raconter des histoires qui lui tenaient à cœur. Le projet de Little Jaffna a été amorcé dès 2018 et il a fallu beaucoup de ténacité et de force de conviction à son créateur pour le faire parvenir à destination. Son sujet ? Une infiltration dans les gangs tamouls de Paris, alors que la guerre faisait encore rage au Sri Lanka, avec des massacres qui n'ont guère trouvé d'écho dans les médias français. Un film de mélange de genres, donc, sous influence scorsesienne, que son réalisateur dit avoir tourné comme si ce devait être son dernier. Les tigres sont lâchés dans un long métrage qui n'a pas peur des scènes d'action et des démonstrations de force, éventuellement filmées au ralenti. Un peu de romance aussi, un suspense tendu et un personnage central loin d'être tout d'une pièce, qui a grandi à Paris mais n'a pas oublié ses racines. Avec Little Jaffna, Lawrence Valin voulait mettre en avant la communauté tamoule installée en France et rappeler aussi que la violence de la guerre au Sri Lanka, officiellement terminée depuis 2009, a été effroyable et a touché des milliers d'innocents civils. La mission est accomplie avec une certaine virtuosité.

 

 



28/03/2025
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