Ici, c'est Arras (4)
Cinémas français et espagnol, en attendant d'aller plus à l'est.
16 ans, Philippe Lioret, sortie le 4 janvier
Roméo et Juliette des temps modernes, 16 ans marque une nouvelle inspiration dans l’œuvre de Philippe Lioret, même si, et ce n'est pas une surprise, l'aspect social n'est pas absent. Il est même au cœur de l'intrigue avec deux familles que tout oppose, au risque de tomber dans des clichés persistants mais ceux-ci n'ont-ils pas toujours une grande part de vérité ? Bien écrit, avec son lot de rebondissements dramatiques, 16 ans use sans abuser de hasards et coïncidences qui restent du domaine du crédible, à partir du moment où l'on accepte les lois intangibles du romanesque. Le récit donne de l'importance à chacun de ses personnages, exposant les raisons de chacun sans jugement, dépendant de leurs cultures et situations économiques respectives. Cette honnêteté de traitement ainsi qu'une certaine pudeur, particulièrement visible dans son dénouement, terrible soit dit en passant, rejoignent tous les autres longs-métrages d'un cinéaste qui a ses convictions mais qui n'est pas du genre à les asséner sans réflexion. Aucune star n'est à l'affiche, de façon à donner de la fraîcheur à son histoire mais sa direction d'acteurs reste toujours à un niveau très élevé. Dans les deux rôles principaux, Sabrina Levoye et Teïlo Azaïs crèvent l'écran, faits naturellement pour interpréter des caractères romantiques et tragiques. Juliette et Roméo constituent à l'évidence un couple éternel, soluble dans n'importe quelle époque.
Brillantes, Sylvie Gautier, sortie le 18 janvier
Il serait malvenu de parler de filon mais l'on ne peut que constater que le cinéma social français se développe ces dernières années, en prenant de plus en plus en compte les populations "invisibles" de notre beau pays. Cet effet "gilets jaunes", ma foi plutôt bienvenu, a donné des films qui font sens et dignité mais dont la mise en scène est rarement au niveau de leur fond. C'est typiquement le cas de Brillantes, de Sylvie Gautier, qui trace le portrait d'une femme de ménage, mère célibataire, pour une société qui vient d'être rachetée et qui traîne un handicap qu'elle a réussi jusqu'alors à dissimuler à ses collègues de travail, dont elle est très proche (si elles nettoient, ce sont donc tes sœurs) et à sa hiérarchie. Mais vient le moment où il lui faut choisir entre individualisme et engagement et c'est là que son secret entre en ligne de compte. C'est un film sur la solidarité féminine et sur la fierté de donner beaucoup pour un travail pourtant peu agréable et soumis à l'ingratitude des employeurs. Brillantes n'innove pas vraiment dans un genre désormais bien balisé mais son énergie est loin d'être négligeable et son écriture se révèle pertinente, bien que manquant d'originalité. Céline Sallette y est tout simplement parfaite au sein d'un casting impeccable. Gros bémol tout de même : la mise en scène, sans éclat aucun. Avec son thème et la qualité de l'interprétation, le film méritait de briller davantage avec une mise en images nettement plus audacieuse.
Josefina, Javier Marco
Lui, est aimable comme un surveillant de prison (sans rire) et très seul ; elle, de son côté, visite son fils dans cette même prison et vit auprès d'un mari sous assistance respiratoire. La rencontre de ces deux âmes en déshérence se produit à la suite d'un énorme mensonge. La suite de l'intrigue de Josefina se fait tout en douceur et naturellement, sans forcer le trait. Parfaitement bien écrit dans le développement des situations, le film est en revanche assez mollement réalisé, ce qui ne constitue pas une pierre d'achoppement au plaisir pris au récit, eu égard à l'extrême bienveillance que réserve le réalisateur, Javier Marco (premier long-métrage), à l'égard de ses deux principaux protagonistes, l'un et l'autre également touchants. Cependant, le film ajoute quelques éléments inexpliqués à sa trame, qui laissent quelque peu circonspect et se mettent en travers de la belle simplicité générale de l'ouvrage. Le spectateur se trouve ainsi bien démuni sur un certain nombre de faits qui mériteraient au moins quelques explications. Certes, le travail d'imagination de chacun est là pour combler les trous du scénario mais le procédé est un peu trop récurrent, notamment sur la fin, avec un dénouement excessivement ouvert. Il y a de quoi se consoler, heureusement, avec l'interprétation sensible et raffinée de Roberto Álamo et surtout d'Emma Suárez, actrice magnifique vue notamment dans le passé chez Julio Medem, Pedro Almodovar et Michel Franco.
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