Cinéphile m'était conté ...

Cinéphile m'était conté ...

Cinemed m'était conté (1)

 

C'est parti pour le 43ème Cinemed à Montpellier. Cap sur la France, l'Italie et l'Espagne.

 

Enquête sur un scandale d'Etat de Thierry de Peretti, sortie le 9 février.

En plaisantant, Thierry de Peretti indique que Enquête sur un scandale d’État est son premier film "français" après deux longs-métrages consacrés à sa Corse natale. Il n'y a cependant pas de dépaysement dans la manière du cinéaste, qui refuse le spectaculaire et préfère les conversations (malheureusement pas toujours faciles à entendre, pour cause de bruits de fond ou d’enchevêtrements de paroles) pour nous immerger dans un faux thriller en pleines zones grises. Au-delà de ce qui constitue la trame du film, les dérives de l’État dans la lutte anti-drogue, c'est l'alliance entre un journaliste d'investigation et un "employé" des stups, qui agissait comme infiltré, qui intéresse de Peretti. On reconnait la patte du réalisateur dans cette minutie obsessionnelle des détails et un hyperréalisme très documenté. Ce n'est pas que le film soit fastidieux mais il semble tellement obsessionnel quant au traitement de son sujet qu'il n'y a nulle part d'espace pour respirer un peu (et se détendre ?) y compris dans les nombreuses scènes dans une salle de rédaction. On aimerait tenir là une œuvre à la Pakula ou à la Rosi, ce qui est rare dans le cinéma hexagonal, mais de Peretti s'impose à lui-même et aux spectateurs une telle exigence dans son récit qu'il en devient filandreux et parfois même opaque. Trois acteurs se détachent largement du lot : Roschdy Zem, Pio Marmaï et Vincent Lindon, impeccables, dans un film très masculin qui ne s'autorise aucune sortie de route sentimentale ou humoristique.

 

A Chiara de Jonas Carpignano, sortie le 30 mars

S'il semble plus écrit que ses deux films précédents, A Chiara, dernier volet d'une trilogie calabraise de Jonas Carpignano s'attache toujours à un réalisme nerveux, sans être pour autant pleinement documentaire, et une prédilection pour les scènes de groupe (ici, des anniversaires). Carpignano ne refuse pas quelques touches d'onirisme mais c'est surtout l'utilisation peu conventionnelle de la musique qui suscite l'admiration. Le cinéaste multiplie par ailleurs les gros plans de son interprète principale et débutante, Swamy Rotolo, une jeune fille de 15 ans, qu'il côtoie depuis longtemps dans la vie réelle, et qui joue aux côtés d'autres membres de sa famille, ce qui explique que celle-ci donne beaucoup dans ce rôle d'une adolescente qui découvre que son père est un mafieux. Il n'est pas interdit de penser à Marco Bellocchio même si Carpignano ne traque pas le romanesque ni le romantisme dans ce portrait psychologique qui s'apparente presque à un thriller. Fort intelligemment, le film ne donne pas plus de clés que celles que possède son héroïne dont la volonté et le jusqu’au-boutisme ont de quoi impressionner. L'ellipse finale, pour sa part, assez frustrante et déstabilisante, entend garder le mystère quant à l'avenir du personnage central de A Chiara. Le choix est très personnel et ne s'imposait pas, sans doute, mais il ne saurait, à lui seul, retirer toute sa puissance au récit.

 

Libertad de Clara Roquet

Libertad est le premier long-métrage de Clara Roquet, scénariste espagnole réputée qui a notamment travaillé avec Jaime Rosales. Le film est finement écrit même s'il n'a rien de fondamentalement novateur dans son thème principal : la fin de l'innocence pour une adolescente, lors d'un été en famille, au bord de la mer. Entre l'aïeule qui perd la tête, la mère pas loin de la crise de nerfs et surtout la présence de la fille de la servante colombienne de la maisonnée, ce sera une saison marquante pour la jeune héroïne de Libertad. Clara Roquet conduit son récit avec un contrôle absolu, décrivant parfaitement les relations entre les différents protagonistes par de simples regards ou gestes, sans qu'il lui soit besoin, par exemple, d'insister outre mesure sur les différences de classes ou de générations. C'est du côté de la mise en scène que la réalisatrice débutante se montre la moins convaincante, faisant preuve d'un manque de témérité certain alors que les situations pouvaient autoriser bien plus d'audace. Excellente architecte de son film, avec aussi un vrai talent pour les dialogues, Clara Roquet devrait être attendue au tournant pour un deuxième film plus original et, on l'espère, moins timide dans sa facture.

 



16/10/2021
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