Toujours Alès (1)
Le Répondeur de Fabienne Godet
Avec son point de départ original, crédible ou pas, ce n'est pas trop la question, puisque c'est du cinéma, Le Répondeur titille d'emblée l'attention, avec une vraie curiosité pour les développements à venir du scénario, et il y en a potentiellement beaucoup. Dans une comédie française bas de gamme (pléonasme ?), le récit aurait pu s'acheminer vers un vaudeville lourdaud mais ce n'est heureusement pas le cas, malgré quelques facilités, et Fabienne Godet mène plutôt bien sa barque, entre l'écrivain stressé et son "répondeur" humain, de circonstance. L'histoire est plaisante à suivre, avec ses à-côtés romantiques, point trop niais, et les réflexions sous-jacentes mais nullement pesantes autour de l'identité et de la réputation, ou autrement dit de notre être profond confronté à la distorsion de cette image. Mais le film ne la joue pas trop intellectuel, se situant volontairement dans le registre du divertissement. Que Denis Podalydès soit une fois de plus au sommet du jeu n'est guère une surprise mais que Salif Cissé lui tienne tête et que l'ensemble du casting soit au diapason en constituent une bonne. Allez, avec une mise en scène plus inspirée, car elle est ici bien fade, Le Répondeur aurait pu se placer encore plus haut dans la hiérarchie des comédies françaises, pas si nombreuses, qui sont dignes d'être vues.
The Last Stop in Yuma County de Francis Galluppi
Une station-service flanquée d'un motel et d'un diner, quelque part dans le désert en Arizona, on ne peut guère faire plus américain en matière de décor emblématique. Last Stop : Yuma County fait appel à une culture cinématographique commune, qui a commencé avec le western et s'est poursuivie plus récemment avec Tarantino et les frères Coen, ces derniers semblant la référence la plus évidente, jusqu'à un certain point, du moins, et avec un peu moins de brillance, celle de la copie qui a du mal à s'affirmer à hauteur de l'original. Il y a des truands à trognes, de la tarte à la rhubarbe, des flics oisifs, une serveuse accorte, un VRP minable et un couple de retraités, entre autres personnages de ce quasi huis-clos, dans une atmosphère pas si lointaine des tableaux de Hopper, quand l'ambiance est calme et expectative mais c'est sans compter sur une scène aussi explosive que drôle, qui pourrait aussi être vue comme une critique de la libre circulation des armes en Amérique, mais bon. Le film, un peu trop conscient de ses effets, amuse par son jusqu'au boutisme dans l'absurdité mais déçoit par le manque de verve de ses dialogues. Cela reste un exercice de style, à la cruauté assumée et relativement délectable, parce que placée sur une crête parodique mais, de grâce, n'en faisons pas un objet culte.
Lire Lolita à Téhéran de Eran Riklis
Le projet d'adaptation de Lire Lolita à Téhéran, paru en 2009, pouvait inspirer une certaine méfiance, avec un réalisateur israélien aux commandes (pas n'importe lequel, toutefois, celui des Citronniers, Eran Riklis), une scénariste américaine et un tournage en Italie. Il y a un côté Cercle des poètes disparus dans cette évocation d'une résistance littéraire et féministe aux injonctions islamistes du régime de Khomeini, mais le contexte est évidemment tout autre, bien plus dramatique. La nouvelle génération des jeunes femmes iraniennes n'a pas connu cette époque mais sa révolte, mondialisée grâce aux réseaux sociaux, résonne comme un écho à l'histoire des débuts d'une révolution qui a tôt fait de réprimer et de condamner. Le film, malgré la qualité de ses interprètes, Golshifteh Farahani et Zar Amir Ebrahimi (la coréalisatrice du fantastique Tatami), notamment, souffre un peu de la comparaison avec les longs métrages iraniens récents, dont le caractère d'urgence et d'intensité, avec des conditions de tournage in situ difficiles, donne un caractère d'authenticité plus frappant. Malgré tout, Lire Lolita à Téhéran en dit long sur la dictature sur les consciences d'une idéologie en marche et sur le combat solidaire qui y répond, sous le boisseau, en catimini, avec fierté, en l'occurrence dans un magnifique cercle des universitaires disparues, dont la lutte reste un symbole et une raison d'espérer, bien des années plus tard.
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