Cinéphile m'était conté ...

Cinéphile m'était conté ...

Cinemed m'était conté (6)

 

Clap de fin et des impressions mitigées.

 

Amira de Mohamed Diab

Les femmes du bus 678 et Clash, les deux remarquables premiers longs-métrages de Mohamed Diab, ont imposé le cinéaste égyptien comme observateur et commentateur sans concession de l'actualité brûlante de son pays. Avec Amira (avant d'être recruté par les studios Marvel), il a repoussé les frontières pour s'attaquer à un sujet lié au conflit israélo-palestinien et, plus largement à la question de l'identité, d'autant plus cruciale dans un contexte aussi haineux. Amira est un pur mélodrame, avec ses excès et ses raccourcis qui font partie du genre, au profit d'une histoire qui semblerait invraisemblable si elle n'était explicitée par un carton avant le générique de fin. Mohamed Diab est un grand conteur, c'est une évidence, et il orchestre parfaitement les changements de perspective de son récit, sans jamais oublier ses résonances sociales. Mais, au-delà de l'intrigue, c'est le double portrait féminin qui retient en premier lieu l'attention et suscite l'émotion. La figure de la mère, femme de héros palestinien, est magnifique mais elle est presque effacée par celle de son adolescente de fille, dont toutes les valeurs et les raisons de vivre sont subitement remises en cause. Amira est un film qui se vit au premier degré, aux côtés de ses deux héroïnes dans leurs sentiments les plus intimes et, récompense cet investissement par un suspense et une tension psychologique constants et passionnants..

 

Kung-fu Zohra de Mabrouk El Machri

A propos de Kung-fu Zohra, son réalisateur, Mabrouk El Mechri, aimerait que l'on insiste moins sur sa toile de fond que sur son personnage principal, laquelle est sans doute inspirée par sa mère. Le problème est que le thème identifié est celui des violences conjugales et que, forcément, la façon dont il est traité, dans le film, pose question. L'idée qu'une femme battue cesse d'être abattue et prenne son destin en mains est évidemment positive mais encore faut-il qu'elle soit développée avec un minimum de sérieux et de pertinence. Le cinéaste tente un amalgame plus maladroit que choquant entre un film à la Karaté Kid et la violence ordinaire, dans un style à effets très voyants qui oscille entre le clip et la bande dessinée. Comment donner de la profondeur à une telle histoire avec un montage frénétique, une voix off explicative et une quasi absence de dialogues ? Et il est inutile d'évoquer les dernières scènes qui poussent le bouchon encore plus loin, dans une parodie soi-disant ludique d'un film de super-héroïne. En fin de compte, effectivement, on en a oublié le sujet initial de Kung-fu Zohra au profit (?) d'un spectacle où l'action a pris le pouvoir. Dans ce contexte, le pauvre Ramzy Bedia n'a pas grand chose à défendre et Sabrina Ouazani, que l'on sait talentueuse, impressionne en premier lieu par sa prestation de combattante, au physique et à la technique bluffants. C'était cela, le projet, alors ?

 

Madres paralelas de Pedro Almodovar, sortie le 1er décembre

Avant tout, il y a ce bonheur renouvelé des couleurs chaudes d'Almodovar et de sa science du montage, qui nous fait passer avec fluidité d'une temporalité à une autre, avec ellipses, ou pas. Madres paralelas, comme son nom l'indique, est une histoire de maternité, tardive pour l'une des deux héroïnes et précoce pour l'autre, qui, l'on s'en doute, va amener à des situations ultra romanesques, au bord des récits sentimentaux et sur-dramatisés des télénovelas. A un moment, le scénario de Madres paralelas exagère un peu dans les renversements de situation mais le cinéaste espagnol n'a pas perdu la main et reste capable de nous faire avaler de belles couleuvres affectives. Il y a aussi une autre intrigue dans le film, liée à la guerre d'Espagne, qui finalement nourrit et enrichit le récit principal, d'une manière dont seul, ou presque, il a le secret. Par bien des aspects, Madres paralelas est une œuvre plus riche qu'il n"y parait sur la transmission, l'identité et l'indispensable connaissance du passé. Sans être tout à fait digne des plus grands films d'Almodovar, la patte du réalisateur y fait une fois de plus merveille, avec cet incomparable don pour magnifier les femmes (et les mères) et les actrices qui les incarnent, surtout avec Pénélope Cruz, l'une de ses muses favorites, proprement resplendissante. Mais a t-elle déjà été autrement chez l'auteur de Femmes au bord de la crise de nerfs ?

 

Rose d'Aurélie Saada, sortie le 8 décembre

C'est un cliché mais allons-y : les premiers longs-métrages sont assez souvent autobiographiques, sincères mais aussi presque toujours maladroits. Cela convient assez bien à Rose, coup d'essai attachant d'Aurélie Saada, qui recrée avec bonheur l'environnement d'une dame de 78 ans, fraîchement veuve, aux origines juives et tunisiennes. Et donc, affligée par la perte de son compagnon de toujours, avant de s'apercevoir qu'elle a encore des choses à vivre et que "vieillir est la meilleure façon de ne pas mourir." Le film est parfait quand il s'attache aux pas de cette Rose, loin d'être fanée, mais s'égare un peu quand il la quitte pour s'intéresser à ses trois rejetons, qui n'ont d'adultes que le statut, quand il s'agit de leur vie sentimentale. Là, Aurélie Saada a du mal à trouver le ton juste et elle fait bien de revenir vite à son héroïne, seule ou lors de repas communs, bruyants et joyeusement festifs. Ah oui, la nourriture a une place importante dans le film et il est fortement conseillé d'avoir déjeuné ou dîné avant la projection. Attention au générique de fin, d'ailleurs, qui révèle une recette alléchante ! Rose, c'est Françoise Fabian, dans toute sa grandeur et sa beauté éternelle. D'accord, dans la vraie vie, elle a 88 ans, mais elle en fait largement 20 de moins dans le film. Son talent déséquilibre un peu le casting, qui a du mal à être la hauteur, hormis Aure Atika dont on aimerait qu'elle soit plus souvent et plus longuement sur les écrans.

 

A l'année prochaine !

 



24/10/2021
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