Rochelle que j'aime (5)
Jeune cinéma de Yves-Marie Mahé
Qui se souvient de Jeune cinéma, un festival qui se déroulait à Hyères (et pour une brève période à Toulon) et qui avait pour ambition de révéler les nouveaux cinéastes parmi les plus prometteurs ? Réalisé à partir d'archives et dans l'ordre chronologique par Yves-Marie Mahé, le documentaire ressuscite une période essentielle de la cinéphilie française, de 1965 à 1983, avec ce festival qui a occupé un temps la deuxième place nationale, derrière Cannes, avant de disparaître, vaincu par des querelles intestines, la concurrence de la Quinzaine des réalisateurs et une certaine volonté politique. Dans sa première partie, Jeune cinéma montre de manière truculente des débats très agités où les spectateurs n'hésitaient pas à se manifester bruyamment et vertement, alors que les premiers ou seconds films de Guy Gilles, Philippe Garrel, André Delvaux, Chantal Akerman ou Léos Carax étaient programmés. Malheureusement, ce formidable lieu de rencontres et de polémiques virulentes s'est peu à peu éloigné du public, par un choix de films de plus en plus radicaux et/ou expérimentaux. Bien éloigné des festivals bien plus policés d'aujourd'hui, Jeune cinéma suscite une vraie nostalgie et de francs éclats de rire, avec au menu des extraits de films oubliés et les interviews d'époque de membres des jurys tels que Claude Chabrol, Bernadette Lafont, Michel Piccoli ou Emmanuelle Riva, entre autres.
Le gang des bois du temple de Rabah Ameur-Zaïmeche
Le cinéma de Rabah Ameur-Zaïmeche a la réputation, globalement justifiée, d'être très exigeant. Ceci étant, Le gang des bois du temple ne l'est pas tant que cela, pour peu que l'on accepte de se laisser entraîner dans un récit à la fois minimaliste et dense, dans un geste quasi melvillien, qui se refuse obstinément à s'inscrire dans la structure habituelle du polar. Ce qui est censé arriver se produit et il n'est nul besoin d'expliquer le pourquoi du comment, pour un cinéaste qui préfère s'attarder sur la solidarité d'une poignée de déclassés qui ont un temps le bonheur de jouir du coup de leur vie, sans imaginer les funestes conséquences. L'intelligence et l'empathie du spectateur sont constamment convoqués dans ce film qui pourrait être qualifié de radical dans sa forme s'il n'était pas aussi baigné de chaleur humaine, en dépit des fusillades. Il y a par ailleurs au moins deux moments d'exception dans Le gang des bois du temple : un chant à l'église et une danse qui se fait transe en boîte de nuit. Avec des ingrédients qui, sur le papier, peuvent sembler opposés et un scénario riche en trous d'air volontaires, Rabah Ameur-Zaïmeche poursuit son parcours unique dans le cinéma hexagonal, sans craindre les critiques, dans une forme d'exigence qui rime parfaitement avec quintessence.
Slow de Marija Kavtaradze
C'est à une très belle rencontre amoureuse que nous convie Marija Kavtaradze (Lituanienne, avec des origines géorgiennes) dans Slow, celle d'une danseuse et d'un interprète du langage de signes, montrée avec une fantaisie et une élégance qui séduisent. La question de l'asexualité n'a été que peu abordée au cinéma et elle l'est ici accompagnée de beaucoup de finesse, avec sous-jacente cette question : comment le désir, ou son absence, contribue ou empêche un couple de s'inscrire dans la durée ? La réalisatrice n'a pas peur d'installer des silences qui font partie intégrante de l'incertitude d'une histoire d'amour qui commence et dont il est difficile de prévoir la progression. Slow parle de l'intime dans une relation, sans pour autant négliger la vie sociale de ses deux personnages principaux, très impliqués dans leurs métiers respectifs et qui permettent à la cinéaste de filmer de jolis moments déconnectés de son intrigue sentimentale. L'accompagnement musical du long-métrage constitue par ailleurs l'un de ses points forts, lui conférant une légèreté et un charme évidents, qui rejaillissent sur le thème central, en évitant de le dramatiser. A un moment donné, certainement que le film perd un peu de sa douce efficacité, en commençant à tourner en rond, mais sa pertinence et sa subtilité sont assez peu mis en défaut sur la longueur.
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