Cinéphile m'était conté ...

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Retrouvailles à La Rochelle (7)

 

Septembre sans attendre (Volveréis) de Jonás Trueba

Il peut être tout à fait légitime de s'agacer du succès (tout relatif) des films de Jonás Trueba qui, s'ils étaient français, seraient vraisemblablement qualifiés par le dévalorisant épithète de "bobo." Issu de ce creuset-là,le récent Venez voir affichait les limites du genre, pour une profondeur que l'on cherche encore. Septembre sans attendre constitue donc une bonne surprise et pourrait même plaire aux nostalgiques de certaines œuvres emblématiques du Woody Allen de la grande époque. L'aspect répétitif, quasiment en boucle, de Septembre sans attendre, qui est évidemment volontaire et dont le cinéaste se moque d'ailleurs gentiment, fait partie du charme discret de cette comédie madrilène autour du couple et de la rupture d'icelui, qui pourrait donner lieu, ou pas, à une célébration, au grand dam de la majorité des proches des futurs ex. Les joies de la séparation et l'ironie qui en découle sont au cœur d'un film souvent pétillant, notamment grâce à ses excellents acteurs et à des dialogues qui ne manquent pas de sel. Sans oublier un procédé qui fonctionne toujours quand il est utilisé à bon escient, ce qui est le cas ici, à savoir la mise en abyme. Une petite pincée de citations ou de références bien choisies : de Kierkegaard à Truffaut, ne fait qu'attiser le sentiment d'avoir assisté à un divertissement léger qui n'a pas oublié de faire preuve d'intelligence.

 

Langue étrangère de Claire Burger

A priori, dans un jugement lapidaire, Langue étrangère pourrait ressembler à un énième film d'apprentissage, transfrontalier celui-ci, entre Leipzig en Strasbourg. Ce n'est pas faux mais un peu incomplet tout de même car la finesse d'écriture du long-métrage n’apparaît que progressivement, alors même que ses deux personnages principaux d'adolescentes évoluent de manière significative, au fil d'un récit qui garde certains éléments sous le pied, avec un certain aplomb. C'est vrai, qu'en revanche, les personnages d'adultes et notamment de mères, sont nettement moins bien rédigés et il faut bien le talent conjugué de Nina Hoss et de Chiara Mastroianni pour ne pas les qualifier de "fades". Mais cette amitié franco-allemande a du répondant, non pas parce qu'elle aborde un certain nombre de sujets dans l'air du temps, mais parce qu'elle évoque avec une belle sensibilité à la fois la confusion et la révolte d'une nouvelle génération contre les parents, coupables d'embourgeoisement, en particulier, et contre la société, qui a négligé de préparer un avenir pour la planète, en général. On a beau flirter parfois avec les clichés inhérents aux "grands" sujets du moment, racisme et environnement, par exemple, leur traitement par Claire Burger dans Langue étrangère ne manque certainement pas de conviction, sans pour autant imposer de quelconques leçons.

 

Les graines du figuier sauvage (The Seed of the Sacred Fig), Mohammad Rasoulof

Malgré son titre à la Nuri Bilge Ceylan, il est évident que Les graines du figuier sauvage, réalisé par Mohammad Rasoulof, sert une ambition plus politique que poétique, dans le contexte d'un pays, l'Iran, en proie à de fortes convulsions depuis des mois. Ce contexte, relayé par de nombreuses vidéos ayant circulé sur les réseaux sociaux, rythme une histoire qui va ébranler une famille "bourgeoise" de Téhéran, jusque dans ses fondements. "Femme, Vie, Liberté", ce slogan a fait le tour du monde, accompagné d'images ignominieuses de répression d'un régime de mollahs aux abois. Densité, intensité, puissance : le récit de Rasoulof se déploie avec une dextérité impressionnante au sein de la famille évoquée plus haut où le père, fonctionnaire et donc complice d'un système, va se heurter à ses deux filles, sous le regard d'arbitre de la mère. Le film est exceptionnel, et pas seulement pour son courage, mais aussi pour sa construction, avec une poignée de scènes incroyables, pendant plus de deux heures. Il sera permis d'être un peu moins enthousiaste sur la dernière demi-heure, qui prend la forme d'un véritable thriller, qui surprend, dans le sens où il tranche avec tout ce qui a précédé, par un côté plutôt excessif et un symbolisme pesant. Cette faute de goût, qui n'en sera sans doute pas une pour beaucoup de spectateurs, ne saurait ternir en rien la force d'un film dont on espère qu'il ne fait que précéder la chute d'un régime parmi les plus méprisables sur la planète, même s'il y a une certaine concurrence en la matière, hélas.

 

 



05/07/2024
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