Cinéphile m'était conté ...

Cinéphile m'était conté ...

Y'a de l'Arrageois ! (10)

 

Une dernière journée avec 3 films dont 2 remarquables : Jojo Rabbit et Un fils.

Mes pronostics pour le Palmarès se sont trouvés confirmés : le bulgare The Father a obtenu le prix Jeune public, celui de la critique et enfin l'Atlas d'Or. L'italien Dafne a remporté le prix du public et le slovaque Let there be Light, l'Atlas d'argent. En espérant que les trois films sortiront sur les écrans français (pour The Father, c'est certain).

 

Jojo Rabbit, Taika Waititi, Etats-Unis, sortie le 29 janvier 2020

 

 

Pour un membre des jeunesses shitlériennes (sic), qu'y avait-il d'étrange à avoir le Führer lui-même comme ami imaginaire ? Postulat de départ de Jojo Rabbit, au demeurant aussi allumé que son titre, notamment dans sa première partie, mais qui va bien au-delà du sens de l'absurde et du burlesque pour une évocation hors normes et parfois hénaurme de l'Allemagne nazie. Le film est à conseiller au jeune public, en particulier, mais pas seulement, car sa qualité d'écriture, ses dialogues cinglants et sa mise en scène imaginative en font aussi un film d'auteur dans une veine proche de Lubitsch et Chaplin pour ses thèmes et de Wes Anderson parfois, pour sa forme. Mais si certaines parties font penser à ces influences, globalement, le film est inclassable et traverse une palette complète, de l'humour noir à l'émotion pure, en passant par toutes les étapes intermédiaires. Evidemment, Jojo Rabbit rappelle avant tout une évidence toujours utile en des temps troubles comme les nôtres : l'ignorance est mère d'intolérance. Point de didactisme pourtant dans le film qui avec ses allures de conte de Grimm, y compris dans son aspect visuel, ose beaucoup dans le délire sans perdre de vue un côté réaliste. Et sur le sujet même, il est sans doute nécessaire de se souvenir que le cinéaste néo-zélandais Taika Waititi (Boy, Vampires en toute intimité) possède une double ascendance, maorie et juive, qui explique que les notions de tyrannie et de génocide lui sont familières. Pourtant, parler de spectacle jubilatoire avec le sujet que traite Jojo Rabbit peut sembler incongru, voire déplacé, mais ces a priori-là, le film les balaie dès ses premières minutes qui donnent le ton sans que jamais on ne pense à de la provocation ou à du mauvais goût. Waititi joue lui-même le rôle d'Hitler avec une incroyable faconde, au côté d'un jeune acteur prodigieux, Roman Griffin Davis. Le reste de l'interprétation est tout aussi excellent : Scarlett Johansson, Sam Rockwell et Thomasin McKenzie, entre autres. Dans tous les festivals où il a été montré, Jojo Rabbit a été élu meilleur film par le public, notamment à Toronto. Cela signifie que le film touche juste et fort et que, peut-être, les votants aux Oscars seront du même avis. Une statuette, au moins, serait amplement mérité.

 

Disco, Jorunn Myklebust Syversen, Norvège

 

 

Disco, Le deuxième long-métrage de la norvégienne Jorunn Myklebust Syversen, par ailleurs plasticienne reconnue, traite d'un sujet dans l'air du temps : l'embrigadement dans des communautés religieuses que l'on pourra sans trop s'avancer traiter de sectes. L'originalité du film tient cependant à la personnalité de son héroïne, championne du monde de disco, et néanmoins portée sur le spirituel, dans un équilibre personnel quelque peu bancal. Disco, c'est en gros 30% de spectacles à paillettes et 70% de prêche que le film nous assène sans nécessairement donner de point de vue, sans doute sous-jacent, mais quand même ! Le personnage principal danse et chante avec Jésus et pour le reste assiste à des harangues moralistes qui feraient passer le catéchisme pour des sketches d'humoristes. Cet abus de palabres assommantes n'incite pas à la clémence pour un film très répétitif où l'on a tôt fait de se désintéresser des états d'âme un brin opaques de sa danseuse irrésolue.

 

Un fils (Bik Eneich), Mehdi M. Barsaoui, Tunisie

 

 

Le cinéma tunisien témoigne d'une excellente forme ces temps-ci avec Noura rêve (intimiste), Un divan à Tunis (désopilant) et Un fils (stressant). Trois manières de sonder l'état des lieux du pays, même si, dans le cas du dernier, l'année où l'action se passe est 2011, alors que le voisin libyen est à feu et à sang (cela a son importance dans l'intrigue). Si le réalisateur, Mehdi M. Boursaoui, se défend d'avoir voulu faire un film à suspense, c'est pourtant bien son aspect de thriller qui rive le spectateur à son siège dans le dilemme qui se pose à un couple, alors que leur fils a été grièvement blessé dans un attentat terroriste et a besoin d'une transplantation d'urgence. Une situation gravissime qui fait ressortir un secret familial bien gardé et qui permet au récit de jouer sur plusieurs tableaux : intime, social, politique et sentimental. Il y est question notamment de trafic d'organes, de foies en l'occurrence, sujet épineux traité de manière directe. Le scénario a été peaufiné pendant 6 à 7 années et cela se voit tant son écriture est brillante, dans une ambiance ouvertement stressante et donnant du grain à moudre à ses deux interprètes principaux qui livrent une performance impressionnante. Cela n'étonne pas du toujours remarquable Sami Bouajila, au côté duquel la peu connue Najla Ben Abdallah, qui a surtout joué pour la télévision, se hisse largement à son (haut) niveau.

 



18/11/2019
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