Retour à Montpellier (4)
Six pieds sur terre de Karim Bensalah
Réaliser son premier long-métrage autour de la quête identitaire d'un jeune homme (Sofiane) n'a a priori rien d'original. Ce qui l'est davantage, dans Six pieds sur terre de Karim Bensalah, est l'idée de la situer dans un environnement de travail, disons inhabituel, à savoir des pompes funèbres musulmanes. Devenir ambassadeur des morts pour trouver un sens à sa vie, tel est donc l'enjeu d'un film assez attachant mais bien souvent déconcertant. Les meilleures scènes sont à l'évidence celles qui concernent le travail de l'assistant funéraire, ainsi que ses relations avec les autres employés, l'un d'entre eux, notamment, personnage fascinant par son côté laconique et impénétrable. Mais en contrepartie, le film souffre d'un manque de fluidité, d'un rythme bancal et de la difficulté de comprendre son héros, au comportement parfois peu cohérent. D'où une certaine indécision devant une œuvre estimable à bien des égards et parfois imprévisible mais qui oublie de développer certains aspects essentiels, comme la vie de famille de Sofiane. La mise en scène et l'interprétation n'ont rien d'extraordinaire et c'est donc l'écriture qui aurait dû permettre de rehausser l'intérêt de Six pieds sur terre. Ce qui, hélas, n'est le cas qu'en des moments fugaces.
La bella estate de Laura Luchetti
La bella estate de Laura Luchetti est une adaptation élégante et sensible du roman éponyme de Cesare Pavese. La reconstitution du Turin de 1938 et de ses milieux bohèmes ne manque pas d'attrait mais semble parfois un peu trop convenue, réussissant assez peu à donner une idée de l'époque mussolinienne. En choisissant de s'attacher en priorité à l'apprentissage du désir de sa jeune héroïne, apprentie couturière, le film passe un peu à côté du personnage de son frère, garçon attachant dont la relation à sa sœur aurait pu être largement développée. Le film est "joli" et délicat mais bien sage, en définitive, et a du mal à nous faire ressentir l'émoi qui gagne la jeune fille au contact d'une femme plus âgée et à l'aise dans son corps. Parfois, La bella estate fait penser à Une jeune fille qui va bien mais le film de Sandrine Kiberlain comportait davantage d'enjeux et moins de flou artistique. Le film reste cependant d'un niveau plus que respectable grâce à sa mise en scène et à ses deux interprètes principales. Yle Vianello (vue dans Corpo Celeste) est particulièrement convaincante et ses scènes communes avec Deva Cassel, la sculpturale fille de Monica Bellucci et de Vincent Cassel, sont de véritables odes à la sensualité, qui auraient toutefois pu être plus fiévreuses.
Le Déserteur de Dani Rosenberg
Présenté en première française au festival Cinemed de Montpellier, Le Déserteur de Dani Rosenberg résonne fortement avec l'actualité tragique israélo-palestinienne. Comme souvent dans le cinéma israélien, le film joue la carte de l'absurde pour prendre le pouls d'une société paranoïaque. Il pourrait s'agir d'une version juive du After Hours de Martin Scorsese, tellement les situations s'y enchaînent de manière inéluctable et cependant irrationnelle. On y voit un soldat en fuite, traumatisé, qui choisit l'amour plutôt que la guerre, dans une épopée de Gaza à Tel-Aviv, en autobus, à vélo et à pied, avec de brèves escales auprès des membres de sa famille. Cette tragi-comédie, sous forme de course haletante, montre aussi le traitement de l'information dans les médias et comment le mécanisme de la peur se transmet. Au centre du récit, l'acteur Ido Tako oppose aux circonstances un faciès qui montre volontairement peu d'émotions et qui semble comme hagard devant sa propre désertion. On rit souvent mais un peu nerveusement devant ce film très représentatif du cinéma de la région, qui traite avec un fort sens de la dérision de situations inextricables qui devraient plutôt amener à pleurer de désespoir.
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