Ecran total à La Rochelle (3)
Jour de contraste. Ce n'est pas un avis météo (peu engageante jusqu'à maintenant) mais mon appréciation de mon butin dominical. J'ai aimé Le Caire confidentiel (sortie mercredi prochain, chronique à venir) mais j'ai peu goûté Un beau soleil intérieur malgré Juliette Binoche. Quant à Faute d'amour d'Andreï Zviaguintsev, c'est un nouveau choc de l'un des grands maîtres du cinéma contemporain.
Un beau soleil intérieur, Claire Denis, sortie le 27 septembre
Pour qui connait un peu le cinéma de Claire Denis, le plus souvent abrupt, Un beau soleil intérieur est tout à fait inattendu. La coécriture avec la trop célèbre Catherine Angot est à l'origine de ce projet, un film qui raconte les états amoureux d'une divorcée à la recherche d'un compagnon de longue durée. Juliette Binoche, lumineuse, incarne cette femme trop sentimentale et qui passe très vite de l'euphorie à la tristesse. L'actrice livre une excellente partition mais elle est pratiquement la seule (épargnons Katerine et Depardieu) tant la surcharge de dialogues, censés être drôles et spirituels, et qui sont loin de l'être toujours, submerge et annule le jeu de ses interprètes. On reconnaitra les mots de Angot, ce côté très parisien qui se veut critique à l'égard du parisianisme, justement, et du snobisme des milieux culturels de la Capitale. Cela sonne assez souvent creux dans une caricature gênante qui culmine dans une longue scène ridicule à la campagne. Si l'on rit parfois, c'est plus nerveusement que pour l'intelligence des répliques. De mise en scène, le point fort de Claire Denis, généralement, il n'en est pas question vu que la plupart des scènes auraient davantage leur place sur une scène de théâtre. Un beau soleil intérieur a connu un succès incontestable lors de sa présentation à la Quinzaine des réalisateurs ? Il faut vraiment se méfier de l'accueil des films à Cannes, il relève souvent du mystère insondable de l'état des festivaliers saturés d'images du matin au soir.
Faute d'amour, Andreï Zviaguintsev, sortie le 20 septembre
Avec Faute d'amour, Andreï Zviaguintsev opère une nouvelle fois sous nos yeux, à la fois ébahis, terrifiés et admiratifs, le corps plus très sain de la Russie contemporaine. Et sans anesthésie, cela va sans dire. Objet de la vivisection, cette fois-ci : le couple, comme somme de deux individualismes, et plus largement l'égocentrisme des citoyens d'un pays qui a remplacé Pouchkine par Poutine. Constat glacé que le réalisateur d'Elena illustre en s'appuyant sur un fait divers, la disparition d'un enfant, seul élément dramatique qui lui permet de tisser une narration arachnéenne qui ne laisse aucune issue, pas plus à ses deux personnages qu'au spectateur. C'est le propre des grands cinéastes (Bergman ici, puisque le projet initial de Zviaguintsev était d'adapter Scènes de la vie conjugale) que de savoir se renouveler tout en restant fidèles à leurs propres thématiques, comme autant de variations dans des tonalités voisines. Sombre est le cinéma de Zviaguintsev, clinique est sa manière, avec une utilisation sidérante de travellings avants moelleux et d'une musique (Arvo Pärt) qui semble littéralement enfoncer le clou dans ce qui pourrait rester d'espérance ou de résilience. On peut certes réfuter Faute d'amour en l'accusant de noirceur excessive et d'absence d'empathie mais on peut aussi admirer la maîtrise d'un des tous meilleurs cinéastes contemporains qui, film après film, dresse un portrait sinistre et pertinent de son pays, comme l'ont fait les grands auteurs russes au XIXe siècle. Et au-delà de certains particularismes, on peut même l'étendre à l'ensemble de notre monde occidental.
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