Récolte de vieux films (Décembre/2)
La proie du vent (René Clair, 1927)
Un aviateur, pris dans une tempête, doit se poser en catastrophe dans le parc d'un château d'Europe centrale. Pendant sa convalescence, il tombe amoureux d'une jeune femme, belle soeur du propriétaire des lieux. Jusqu'à ce qu'il découvre que la femme de ce dernier est séquestrée. Ce sombre mélodrame muet, magnifiquement restauré, est une rareté dans l'oeuvre de Clair, habituellement plus guillerette. On y voit un Charles Vanel étonnant, éperdu d'amour, et deux excellentes actrices : Sandra Milovanoff et Lillian Hall-Davis (d'une beauté moderne). Le scénario mince, voire simpliste, est mis en scène avec une intelligence et une virtuosité incontestables. La poursuite en voiture finale, notamment, est remarquable. Reste une interrogation : pourquoi un tel accompagnement musical, jazzy et monotone, qui édulcore singulièrement la portée du film ?
Le forum en folie (A funny thing happened on the way to the forum, Richard Lester, 1966)
Un an après sa Palme d'or à Cannes avec Le Knack, Richard Lester adapte une comédie musicale jouée à Broadway. Un film qui privilégie le burlesque pur, dans un scénario délirant, qui tient debout. C'est du Monty Python avant la lettre, presque aussi drôle. Zero Mostel est le pivot de l'entreprise, hilarant. Dernier film de Buster Keaton, par ailleurs.
L'ultime garçonnière (The bed sitting room, Richard Lester, 1969)
Nouvelle adaptation théâtrale pour Lester. Plus loufoque que tout ce qu'il a pu réaliser jusqu'alors. Mais pas drôle. Il n'y a rien de plus sinistre qu'un film qui se veut spirituel et innovant et qui se débat dans l'incongruité la plus totale. Dans une Angleterre post-apocalypse, où il reste une vingtaine d'individus encore vivants, à tout casser, c'est le règne du n'importe quoi. Un type devient un perroquet, sa femme une armoire et une jeune femme accouche après 17 mois. Quelle est l'ambition de cette oeuvre gloubi-boulgaesque ? Pas de réponse qui vienne à l'esprit.
L'idiot (Georges Lampin, 1946)
Les débuts à la réalisation de Georges Lampin, dont la mère était russe, qui commit plus tard un Crime et châtiment sans éclat. L'idiot, donc, expédié en 92 minutes TTC. Dostoïevski express. Gérard Philipe, pivot du film, trouve dans le prince Mychkine un rôle qui lui va comme un gant. Et Edwige Feuillère est d'une brune sensualité fort troublante. Malgré quelques bouffées de grandiloquence, le film séduit par sa poésie toxique avec des dialogues cruels qui créent une atmosphère envoûtante. Il manque peut-être un peu de "russitude" à l'adaptation, mais cet idiot a oublié d'être bête.
Les feux de la vie (Här har du ditt liv, Jan Troell, 1966)
Dans le cinéma suédois, le grand arbre Bergman cache la forêt d'un grand nombre de réalisateurs plutôt intéressants. A commencer par Alf Sjöberg, Bo Widerberg et Jan Troell. Ce dernier est surtout connu pour sa saga de 6 heures en deux parties : Les émigrants et Le nouveau monde. Les feux de la vie est son premier film, qui dure à peine 3 heures. En gros, les pérégrinations d'un jeune garçon, entre 1915 et 1918, qui court d'un travail à un autre : ouvrier, projectionniste ambulant, mécanicien des chemins de fer... Il se déniaise dans le lit d'une femme mûre, lit Strindberg, découvre le socialisme, fait parfois une halte dans sa famille. Le film est décousu, ne s'attache pas particulièrement à son héros, mais on ne s'ennuie pas. Troell a du style, même s'il a tendance à céder à quelques coquetteries inutiles : images figées, passage furtif du noir et blanc à la couleur, cadrages improbables.
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